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Culture - Festival Bipod

William Forsythe, ou l’étrange esthétique de la précision

En collaboration avec le Goethe Institut, la 7e édition de la plate-forme annuelle de danse a démarré avec le « William Forsythe Chambers Works » au théâtre al-Madina. Trois courts programmes qui illustrent l'esprit sans cesse renouvelé de ce chorégraphe.

« N.N.N.N. », une performance où les danseurs se scrutent et se jaugent. (Sami Ayad)

William Forsythe est au ballet ce que le jazz est à la musique, ce que la nouvelle vague est au cinéma français, ou ce que le «dripping» de Jackson Pollock est à la peinture. Libre, semblant improviser dans un ordre pourtant bien précis et ordonné, à la limite de la grammaire ou de l'arithmétique, ce chorégraphe qu'on a appelé le plus Européen des Américains réinvente sans cesse les paramètres du ballet classique et offre à voir une étude à la fois esthétique et clinique du corps. «Je cherche seulement à mener le ballet à de nouvelles définitions de ses limites», a-t-il affirmé un jour.
Sur les planches nues et sans décor du théâtre al-Madina, quatre danseurs et une danseuse, Cyril Baldy, Amancio Gonzales, Tilman O'Donnell, Ander Zabala et Jone San Martin, présenteront successivement trois performances : un duo, un quatuor baptisé N.N.N.N. et enfin The Vile Parody of Adress, des classiques du répertoire de Forsythe. Les danseurs semblent dessiner sur les planches des formes algébriques. Plus encore, des algorithmes. En tenues de répétitions, simples tee-shirts ou marcels, pantalons larges et chaussettes au-dessus des petits chaussons de ballet pour les hommes, petite culotte et top (comme on le dit en jargon de nos jours ) pour la femme, l'allure semble plus que « casual ». Et pourtant ! Rien n'est aussi étudié, aussi précis et élaboré que la gestuelle de William Forsythe.

Géométrie dans l'espace
Le mouvement déstructuré, reconstruit avec étonnement, le regard scrutateur sur les infimes possibilités de leurs corps, les danseurs, tantôt dans un silence total que viennent briser uniquement leurs souffles âpres et des cris semblables à ceux des arts martiaux ou sur fond de musique de Bach, créent des variations inédites sur des postures toujours en contrepoint. Étiré, élastique, comme réversible, mais toujours dans une précision redéfinie par le chorégraphe, le geste devient action et charpente l'espace tout en structurant ce modèle renouvelé de corps dansant.
Dans la performance N.N.N.N. où les quatre danseurs se jaugent, se défient, confondent leurs bras et allient leurs corps au rythme les uns des autres, il semblerait voir une farandole d'enfants, naïve et ludique. C'est probablement dans cette enfance de la gestuelle que William Forsythe puise ses plus belles inspirations.

Le plus Européen des Américains
Le New-Yorkais, établi depuis plus de trente ans en Allemagne, est considéré comme une des figures majeures de la chorégraphie de la fin du XXe siècle. Après s'être intéressé au rock, au jazz et à la comédie musicale, il étudie la danse à la Joffrey Ballet School, puis à la School of American Ballet. Parallèlement, il suit les cours de Meredith Baylis, William Griffith et Nolan Dingman. En 1973, il est engagé par John Cranko au Ballet de Stuttgart. Dès lors, William Forsythe passera le plus clair de son temps en Europe. En 1984, il est nommé à la tête du Ballet de Francfort qui sera son premier atelier de travail, si on peut oser l'appeler ainsi, et où il développera totalement sa démarche chorégraphique en formant plus d'une trentaine de danseurs qu'il propulsera sur la scène internationale. En 2004, il quitte le Ballet de Francfort et fonde sa propre compagnie qui porte son nom. Le chorégraphe est toujours installé en Allemagne (Dresde), la signature est toujours la même, le souffle aussi.
William Forsythe est au ballet ce que le jazz est à la musique, ce que la nouvelle vague est au cinéma français, ou ce que le «dripping» de Jackson Pollock est à la peinture. Libre, semblant improviser dans un ordre pourtant bien précis et ordonné, à la limite de la grammaire ou de l'arithmétique, ce chorégraphe qu'on a appelé le plus Européen des Américains réinvente sans cesse...

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