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Culture - Concert

De Varsovie à Beyrouth, l’esprit de Chopin et de la Pologne

Pour concrétiser et célébrer le bicentenaire de Chopin, voilà à l'Assembly Hall (AUB) Anna Organiszczak, maître du clavier. Omniprésence de l'esprit polonais entre arpèges, rubato et grappes de notes opalescentes, entre tempêtes des touches noires et lumière des touches blanches.

Anna Organiszczak lors de son concert. (Wissam Daou)

Un précieux moment musical avec d'éblouissantes pages de Chopin, Paderewski et Bacewicz.
Dans le cadre du Festival de Chopin (multiples activités incluant workshops, cycle de concerts et projection de films), organisé conjointement avec l'ambassade de Pologne et le Conservatoire national supérieur de musique de Beyrouth, un premier concert, événement majeur célébrant, comme partout au monde cette année, le bicentenaire du prince du clavier.
Anna Organiszczak, issue de la prestigieuse Académie de musique de Poznan, ouvre ce concert avec deux Nocturnes (op 62 n°2 et op 15 n°1) de Frédéric Chopin, l'exilé de la période romantique le plus adulé. Un exilé qui vécut longtemps à Paris, mais que les salons de Vienne et de Londres ont tout autant applaudi. Applaudi pour le brio de ses prestations et le génie de ses compositions, qui ont envoûté des auditoires de tous horizons et défrayé la chronique par une interprétation restée unique et mythique dans les annales de l'art de faire chanter les touches d'ivoire.
En ouverture donc, deux opus tout en douceur et mystère où la nuit a son rituel secret, ses sortilèges, ses murmures, ses parfums, ses lucioles, ses ivresses, ses désirs, ses douleurs, ses tourmentes, ses évasions, ses sérénités, ses éloquences, ses étoiles filantes et ses battements de cœur.
Pour prendre le relais, quatre Mazurkas (op 17) où les sentiments nationalistes affleurent avec élégance, laissant peu de place à l'univers rural que le poète du clavier évoque dans une inspiration raffinée, éthérée. Longues phrases chaloupées, presque diaphanes, sentant la profondeur des forêts et la sensualité des bois, suggérant le frisson des feuillages et la respiration de la terre, mais battant aussi la mesure des danses populaires. Ces « mazoure », qui font virevolter les jeunes gens au gré des saisons, des paysages et des villages... Des danses vite emportées par les rythmes citadins d'une période romantique déjà enfiévrée et touchée par la grâce et la volonté de la liberté et de la libération.
En fait de libération, on ne pouvait mieux évoquer ce terme qu'en parlant des Polonaises. Elles empoignent l'auditeur à bras le cœur tant elles véhiculent véhémence, énergie et un torrent de sentiments farouchement nationalistes. Liszt disait à leur propos : « Les plus nobles sentiments traditionnels de l'ancienne Pologne y sont présents. »
Et pour mieux illustrer l'idée, la pianiste Anna Organiszczak a choisi cette vibrante et virtuose Polonaise op 53, nommée à très juste titre Héroïque. Chapelet d'accords orageux et mélodie qui se soulève, écumante, rageuse, triomphante et éruptive, comme une irrésistible déferlante. Une déferlante sculptant en toute témérité et assurance le creux abyssal et la crête dressée d'une vague coléreuse et indomptable qui essuie tout, avec superbe, à son passage.
Petit entracte et retour à Ignace Paderewski, qui concilia diplomatie et univers de brillant concertiste de piano, tout en clamant aussi bien dans ses morceaux pour clavier que dans ses harangues publiques « la Pologne libre et démocratique ». Exilé et fragile de santé (il meurt d'une pneumonie !), Padereswki, salué par Lech Walesa et George Bush en 1992 quand sa dépouille fut ramenée à Varsovie, a lui aussi insufflé un indiscutable et ardent nationalisme à ses partitions.
On écoute ici un charmant et suave Menuet op 14 n°1, bijou de rigueur d'une écriture pianistique tout en habile cadence, rondeur et douceur.
Plus en profondeur dans la veine patriotique est la Cracovie fantastique op 14 n°6, où imaginaire débridé et ardent amour de la terre font un torride mariage passionnel sur fond de chromatisme et d'accords impétueux.
Pour finir, une Sonate de Grazyna Bacewicz (remarquable violoniste et compositrice décédée en 1969) aux trois mouvements (maestoso-agitato, largo et toccata-vivo), alliant solennité, rêverie, exaltation et rythmes saccadés. Narration pianistique aux accents contemporains torturés à la Prokofiev, mêlant en toute subtilité mélancolie, dissonance harmonique et un modernisme à la respiration haletante et aux césures mordantes.
Salve d'applaudissements d'un public médusé par un programme soigneusement choisi et une interprétation intense et au-dessus de tout éloge. Pas de bis pour ce grand moment musical dominé par l'ombre de Chopin, mais aussi par un vibrant esprit exclusivement polonais.
Un précieux moment musical avec d'éblouissantes pages de Chopin, Paderewski et Bacewicz.Dans le cadre du Festival de Chopin (multiples activités incluant workshops, cycle de concerts et projection de films), organisé conjointement avec l'ambassade de Pologne et le Conservatoire national supérieur de musique de Beyrouth, un premier concert,...

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