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Culture - Salon du livre

Francophonie, à tous vents…

Débat « Beyrouth, à la croisée des francophonies ». Le thème pouvait passer pour « un peu étrange », selon les termes du modérateur de ce premier débat d'auteurs au Salon du livre francophone, Frédéric Bouilleux, mais il n'en était pas moins intéressant. Et attractif. Ne serait-ce que pour les nombreuses personnes venues sur cette base, et qui auraient aimé qu'il soit développé au cours de cette table ronde.

Au lieu de quoi les auteurs présents ont évoqué leurs choix d'écriture en français, leur rapport à la francophonie et, comme ça a été le cas de Lise Bissonnette (présidente du prix des Cinq Continents de la francophonie), et d'Olivier Poivre d'Arvor (écrivain et diplomate, directeur de Culture-France), le sujet - à controverses - de la francophonie dans le courant de la «littérature monde ».
Il faut signaler, à leur décharge, qu'ils répondaient aux questions lancées par le modérateur sur leur plaisir d'écrire en français et sur le fait de savoir s'il y a une ou plusieurs langues françaises.
Toujours est-il que même hors contexte, les paroles d'écrivain sont toujours intéressantes. Surtout lorsqu'elles émanent d'un Prix Nobel de littérature. En l'occurrence, Jean-Marie Gustave Le Clézio, invité de marque de ce XVIe Salon et tête d'affiche, si l'on peut dire, de cette conférence.
Jean-Marie Gustave Le Clézio qui a tenté, par moments, de recentrer le débat sur Beyrouth et la francophonie, après avoir témoigné de son choix personnel et « émotionnel » d'une écriture francophone.
« Il y a de l'ambiguïté dans la question de la francophonie », a commencé par relever cet écrivain français natif de l'île Maurice et élevé dans la double culture française et anglaise. « Une ambiguïté que j'ai ressentie lorsque je me suis posé la question de la langue d'écriture, à mes débuts. J'ai ainsi écrit un polar en anglais, à 20 ans, que j'ai tenté de faire éditer sans succès. Soit mon intrigue policière ne fonctionnait pas, soit mon anglais n'était pas très bon. Je me suis alors tourné vers le français, comme vers une sorte d'empyrée, un monde qui n'était pas la réalité, peuplé d'astres qui étaient les grands éléments de la littérature française, les Rabelais, Voltaire, Rousseau, Victor Hugo, Baudelaire... Le bonheur d'écrire en français que je pouvais ressentir était alors assez proche de ce que pouvait ressentir un auteur africain, maghrébin, vietnamien ou d'Amérique centrale s'ils s'adressaient à la langue française. C'était le bonheur de partager un trésor, celui de la littérature française. Je crois que, là, cessait l'ambiguïté qui est celle d'assimiler la langue française à un déguisement du colonialisme. »
Pour le Prix Nobel, « les écrivains de la francophonie disent, aujourd'hui, des choses nouvelles et fortes et inventent, pour le dire, une nouvelle langue qui se joint à ce trésor commun ».
Plutôt que de bonheur d'écrire dans la langue de Hugo, Vénus Khoury-Ghata a évoqué « la lutte et l'empoignade » avec la langue française, qui, à l'opposé de l'arabe, n'exprime pas toujours, selon elle, la profusion ou la sensualité des choses et des sentiments. « La langue française a, comme les femmes, maigri avec le temps. Elle n'est plus cette langue de Rabelais, charnelle et pleine de jus, de rondeurs », a affirmé avec sa véhémence enjouée habituelle la poétesse libanaise d'expression française.
Georgia Makhlouf, universitaire et journaliste libanaise, a elle aussi parlé de sa relation au français, « sa langue maternelle » et même...« paternelle », par conformité avec l'histoire de ce pays marquée, avant même le mandat, par les émigrations successives.
Pour Olivier Poivre d'Arvor ou Pascale Kramer, romancière suisse, le choix d'écrire en français ne s'est pas posé. « Néanmoins, en tant que francophone, je suis heureux d'être écrivain plutôt que cinéaste, acteur ou musicien, parce je n'ai pas l'obligation comme eux d'utiliser l'anglais pour me faire entendre à l'étranger », a indiqué OPDA.
Le directeur de Culture-France a ensuite abordé un sujet « professionnel », à savoir le problème des écrivains francophones du Sud édités dans le Nord, et qui, pour diverses raisons, n'arrivent plus à trouver de lecteurs dans leur propres pays. Il a aussi procédé, avec Lise Bissonnette, journaliste québécoise, à une sorte de tour d'horizon de l'état actuel de la francophonie, en tant qu'institution et langue commune. Ils ont évoqué notamment le concept de « littérature monde » né, il y a deux ans, d'un manifeste signé par une quarantaine d'écrivains des quatre coins de la planète et d'expression française en opposition avec l'étiquette francophone.
« Parce que le Liban ou d'autres pays ne sont pas des succursales d'un siège central que serait la France », assure le directeur de Culture-France. En insistant, une fois de plus sur le riche apport des auteurs non français à la littérature française...
Bien sûr que la francophonie, comme un certain dictionnaire, sème à tous vents. On aurait cependant aimé voir Beyrouth en recueillir quelques graines... Au cours de ce débat.

Le programme du week-end sur le site: www.salondulivrebeyrouth.com

Erratum
Georges G. Corm signe Les Archives du peintre Georges Daoud Corm au stand de l'USEK, dimanche à partir de 17h et non de 15h.
Débat « Beyrouth, à la croisée des francophonies ». Le thème pouvait passer pour « un peu étrange », selon les termes du modérateur de ce premier débat d'auteurs au Salon du livre francophone, Frédéric Bouilleux, mais il n'en était pas moins intéressant. Et attractif. Ne serait-ce que pour les...

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