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Économie - Liban - Fiscalité

FATCA, la loi américaine qui bouleverse le secteur bancaire libanais

Une nouvelle loi fiscale américaine perturbe le système bancaire mondial. Inédite en son genre, elle traque les citoyens américains en dehors des frontières US et exerce de tels moyens de pression que les institutions financières de tous les pays n’ont (presque) pas d’autre choix que de coopérer. Zoom sur ses conséquences au Liban.

Le secteur bancaire libanais attend actuellement les directives de la BDL pour prendre une décision définitive sur l’application de la FATCA.

Le secteur bancaire libanais est réputé de par le monde pour sa résilience face aux dernières crises financières mondiales auxquelles il a tant bien que mal échappé, mais surtout pour ses lois qui protègent le secret bancaire depuis des décennies. Aujourd’hui, ce système s’en trouve perturbé à cause d’une loi américaine adoptée le 18 mars 2010 et qui entrera en vigueur au premier janvier 2013 : la FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act).

 

Inédite en son genre, elle a pour objectif de traquer les comptes de tous les citoyens américains dans le monde, considérés désormais comme « fautifs » d’évasion fiscale, jusqu’à preuve du contraire. Ainsi, tous les biens et richesses des citoyens américains qui se trouvent hors du territoire US et de valeur supérieure à 50 000 dollars pourront être répertoriés par l’autorité fiscale américaine (IRS). La FATCA s’attaque donc non seulement aux résidents fiscaux, mais à tous les nationaux américains, y compris les détenteurs de la double nationalité ou de la green card. Nombreux sont donc les binationaux, Libano-Américains, concernés. Le but affiché par l’IRS n’est pas tant de faire la chasse au blanchiment d’argent, mais à l’évasion fiscale et de renflouer ainsi les caisses du Trésor de quelque 8,7 milliards de dollars supplémentaires.


Remise en cause du fameux secret bancaire libanais
Le problème est que la FATCA entre en conflit avec d’autres lois nationales, comme la loi sur le secret bancaire datée du 3 septembre 1956, relative au secret bancaire au Liban. Elle oblige toutes les institutions financières étrangères (IFE) à fournir les détails des comptes de leurs clients américains. « Dans une tout autre circonstance, un pays ignorerait complètement la loi américaine, car les lois nationales sont hiérarchiquement supérieures », explique l’avocat spécialisé en finance internationale, Ghassan Souaiby. « Dans le cas de la FATCA, c’est beaucoup plus difficile, vu qu’elle a été dotée de moyens de coercition efficaces qui ne laissent pas beaucoup de choix aux IFE », ajoute-t-il. Et par IFE, la loi comprend les banques commerciales, les banques d’investissement, les fonds d’investissement, les sociétés d’assurances et les sociétés de change.

 

Dans le cas où une IFE décide de se soustraire à la loi, elle s’expose à des sanctions financières conséquentes de la part du fisc américain. « Ainsi, l’IRS s’accorde le droit d’exercer une saisie sur tous les paiements ou transactions saisissables de l’IFE en question, à hauteur de 30 % de la transaction qui se fait aux États-Unis, ce qui représente un coût supplémentaire conséquent pour les banques, qui ne peuvent en général éviter les transactions avec la première puissance mondiale », poursuit M. Souaiby.

Le secteur bancaire hésite
Les banques libanaises se trouvent ainsi confrontées à une situation inédite. « Pour le moment aucune décision finale n’a été prise, mais tout est mis en œuvre pour préparer notre banque à appliquer la FATCA », confie Antoine Dagher, responsable de la conformité du groupe Byblos Bank. « Toutes les banques libanaises attendent aujourd’hui des directives du gouverneur de la Banque du Liban (BDL) à ce sujet, pour agir de manière cohérente au niveau national. La BDL doit trouver un mécanisme pour que nous puissions appliquer la FATCA sans pour autant entraver la loi sur le secret bancaire », ajoute M. Dagher.


Karine Chardouni, responsable de la section juridique de la BDL, est rassurante à ce sujet. « Il n’y a pas forcément besoin de changer la législation, il suffira que le client américain signe un contrat avec sa banque, qui permette à celle-ci de divulguer les informations relatives à son compte à l’IRS. »

 

En cas de refus, le client se verra alors signifier la fermeture de son compte. Pour le moment la BDL n’a souhaité faire aucun commentaire sur sa position officielle concernant la FATCA. « On attend d’avoir toutes les informations nécessaires de la part de l’IRS pour pouvoir conseiller les banques », explique Mme Chardouni. Selon des sources bien informées, le cahier des charges avec les règles complètes devrait être promulgué dans les semaines à venir.

 

Parallèlement, une délégation d’experts du cabinet de conseil Deloitte est attendue cette semaine à Beyrouth pour renseigner tous les acteurs du secteur des moyens nécessaires pour être en totale conformité avec la FATCA.


Ainsi, d’un point de vue purement technique, tout prête à penser que des dispositions spéciales seront adoptées par le secteur bancaire pour se conformer conjointement à la FATCA et à la législation libanaise. Cependant, au niveau de l’organisation interne des banques, l’opération s’avère plus délicate. « La banque devra rendre un rapport annuel à l’IRS avec des comptes rendus pour chaque client concerné par la loi », explique M. Dagher.

 

En effet, les institutions financières devront tout d’abord mettre tous les moyens nécessaires en œuvre pour cerner leurs clients américains, ensuite, elles devront les convaincre de signer un contrat leur permettant de rendre leurs comptes publics. « Tout cela suppose beaucoup de travail et de coûts supplémentaires pour les banques », souligne M. Dagher. Pour le secteur bancaire qui se voit déjà dépassé par de tels bouleversements, un espoir de taille demeure cependant. « Il n’est pas à exclure que ce soit la BDL qui négocie directement avec le fisc américain les clauses du contrat, comme il a été conclu avec plusieurs pays européens », confie Mme Chardouni. « Ce serait donc à travers la Banque centrale que se feraient les rapports annuels au lieu d’un lien direct entre la banque commerciale et l’IRS », ajoute-t-elle.


Mais les coûts sont également énormes pour les citoyens américains touchés par cette loi. Selon l’avocat Ghassan Souaiby, certains de ces clients libanais concernés sont même en train de considérer la possibilité de renoncer à leur deuxième nationalité américaine ! Affaire à suivre de près...

Le secteur bancaire libanais est réputé de par le monde pour sa résilience face aux dernières crises financières mondiales auxquelles il a tant bien que mal échappé, mais surtout pour ses lois qui protègent le secret bancaire depuis des décennies. Aujourd’hui, ce système s’en trouve perturbé à cause d’une loi américaine adoptée le 18 mars 2010 et qui entrera en vigueur au...

commentaires (3)

Au moins elle est une FATCA et non une FATWA ! on peut toujours trouver une issue...

SAKR LEBNAN

08 h 56, le 28 mars 2012

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Commentaires (3)

  • Au moins elle est une FATCA et non une FATWA ! on peut toujours trouver une issue...

    SAKR LEBNAN

    08 h 56, le 28 mars 2012

  • Avec la double nationalité le libanais pourra probablement rester libanais et ne pas obéir à la FATCA . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    05 h 38, le 28 mars 2012

  • Les USA mettent en place ce plan pour récupérer "l'évasion fiscale". La France ( et d'autres pays européens) envisagent des plans quasi similiaires... Eh bé mes amis, d'après cet article, nous aurions des "fortunés et richissimes libanais" qui vont renoncer à leurs 2e nationalité et revenir à ce bon vieux passeport libanais comme seul document à présenter à l'étranger. Ce n'est pas plus mal quelqe part. Welcome back to lebanon et investissez au Liban qui en a tant besoin.

    Jean-Pierre EL KHOURY

    04 h 16, le 28 mars 2012

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