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Économie - Liban - Crise

La crise de Dubaï dévoile les faiblesses de la finance islamique

Les déboires du riche émirat ont mis au jour l'absence de jurisprudence en matière de finance islamique et les divergences d'interprétation qui existent entre les différents pays qui utilisent ce système.

Dubai World a demandé le report du remboursement d’une émission de sukuks.


La finance islamique est sortie indemne de la crise financière internationale. L'interdiction de la spéculation lui a épargné les déboires liés aux « subprimes » et une crise durable de ce secteur de la finance. Mais la crise de Dubaï a dévoilé dans ce domaine des aspects problématiques qui n'étaient pas évidents pour les investisseurs.
L'inquiétude porte aujourd'hui sur les droits des créanciers qui détiennent des titres de finance islamique. Dubai World a en effet demandé un moratoire d'au moins six mois concernant le remboursement de 3,5 milliards de dollars d'obligations islamiques. Le groupe immobilier Nakheel, filiale du conglomérat Dubai World, avait procédé à la plus grosse émission de sukuks en 2006. Aux yeux des milieux financiers internationaux, le groupe immobilier dispose d'un statut de société d'État et possède des actifs tangibles : bâtiments, centres commerciaux... Les créanciers qui détiennent les sukuks pourront-ils saisir ces actifs ? Quelles sont leurs alternatives sachant qu'ils sont rémunérés grâce à un système permettant de dégager des revenus tirés d'actifs réels qui font office d'intérêts ? La finance islamique a-t-elle été pour quelque chose dans la crise ?
Selon Zaha Rina Zahari, experte en finance islamique et intervenante à l'École supérieure des affaires (ESA), la crise actuelle de Dubaï illustre bien la fragilité de l'infrastructure financière de l'émirat, c'est-à-dire les failles d'une politique de développement basée sur une montagne de dettes, indépendamment de la finance islamique en tant que telle.
Les difficultés de Dubaï ne sont pas propres en effet au marché de la finance islamique. Certes, c'est bien sur une émission de sukuks que la filiale immobilière de Dubai World a demandé un report de remboursement. Mais en fin de compte, les sukuks, comme tout instrument de finance islamique, sont adossés à des actifs réels. Il s'agit en l'occurrence d'actifs immobiliers, ou autrement dit des projets de construction pharaoniques qui ont fait la fierté et la réputation de Dubaï...
Il faudrait donc regarder de plus près la politique de développement et de marketing de Dubaï afin de comprendre pourquoi l'émirat se retrouve dans sa situation actuelle. Le système financier n'est pas désormais en danger, mais la confiance des souscripteurs et des émetteurs est profondément brisée. On parle d'une crise de confiance : si une institution quasiment gouvernementale vient à faire défaut sur ses paiements, l'investisseur a le droit de s'interroger sur la régulation et la transparence du système financier de Dubaï. Le simple fait de reporter ses engagements affecte la confiance des investisseurs en question. « Dubaï n'a pas dit qu'il n'allait pas payer, mais qu'il souhaitait un report (un « hold on »), souligne Zaha Rina Zah, ajoutant d'ailleurs que Dubai World a ouvert deux hôtels à New York et un autre à Las Vegas pour 5,4 milliards de dollars. Une solution pratique serait de liquider ses actifs afin d'honorer ses engagements de 4,3 milliards de dollars vis-à-vis de l'émission de sukuks qui sont donc, en quelque sorte, « couverts ».

Absence de jurisprudence
Cependant, les problèmes de Dubaï montrent les faiblesses inhérentes à la finance islamique : divergences d'interprétation de la charia, manque d'experts religieux aptes à comprendre les mécanismes financiers, etc. Ainsi, la structure juridique de la finance islamique n'a jamais été testée auparavant devant les tribunaux. Il n'y a ni précédent ni jurisprudence en la matière. De plus, il existe une divergence de lecture et d'interprétation des règles de la finance islamique entre les différents pays où ce système est appliqué. Ainsi, les interprétations qui sont données à Dubaï ne sont pas les mêmes que celles données à Bahreïn ou en Malaisie où le système en vigueur est plus libéral, selon les experts. Cela est dû aux différences d'interprétation de ce qu'est un produit conforme à la charia, mais surtout aux différences des procédures de règlementation mises en place.

Une croissance trop rapide
En second lieu, Dubaï a généralement mis en place toutes les conditions nécessaires pour « se vendre ». L'investissement à Dubaï résulte plus de l'emballage et de l'attraction du produit que de sa substance. L'expression utilisée par Zaha Rina Zahari est celle du « château de sable » ; un extérieur bien poli, mais une structure interne susceptible de s'écrouler lorsque le vent souffle plus fort que d'habitude.
Ce défaut de consolidation peut être partiellement imputé à la réalité du secteur de la finance islamique. Le Dr Zahari précise à cet égard que la croissance au galop du marché financier islamique (qui devrait atteindre les 1 000 milliards de dollars en 2010) ne laisse pas le temps de structurer les fondamentaux de régulation nécessaires à l'encadrement du marché islamique, surtout dans la région du Golfe. L'exemple des sukuks est d'autant plus pertinent que les conditions de leur structuration et de leur émission diffèrent d'un marché financier islamique à l'autre. 
La finance islamique est sortie indemne de la crise financière internationale. L'interdiction de la spéculation lui a épargné les déboires liés aux « subprimes » et une crise durable de ce secteur de la finance. Mais la crise de Dubaï a dévoilé dans ce domaine des aspects problématiques qui n'étaient...

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