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À La Une - Concert

De Babylone à Sparte avec Alain Pâris...

Huit entrées au Liban en dix ans pour Alain Pâris, de toute évidence ami de ce pays et de l’Orchestre philharmonique libanais. Pour l’occasion, pour un nouveau voyage en Orient, voilà qu’il officie à nouveau à l’église Saint-Joseph (USJ) et, bien entendu, une fois de plus, avec l’OPL.

Alain Pâris, un maestro ami du Liban et de son Orchestre philharmonique. Photo Marwan Assaf

Sous la baguette du maestro de soixante-cinq ans, voyage de Babylone à Sparte en passant par Prague, l’Asie centrale, le pays du Cèdre et l’Espagne. Voyages tous azimuts avec des pages de Rossini, Borodine, Kanaan, Satie, Smetana et Ravel... Mélange de notes aux fragrances épicées pour un concert (avec la collaboration de l’ESA) placé sous le signe d’un certain brassage culturel, aux quatre points cardinaux.


Premières mesures, tout en faste et ampleur sonore, avec l’«ouverture» de la Sémiramis de Rossini. Fluidité d’une phrase soyeuse où pourtant un drame poignant se prépare pour la mythique reine de Babylone. Ouverture tout en tonalités riches et mélodies sinueuses attestant de la grandeur d’un empire antique dans les solitudes de la Mésopotamie.


Comme pour ne pas quitter les grands espaces, arrive la caravane escortée des soldats russes de Borodine. Une caravane qui traverse, sur un rythme chaloupé et régulier, les steppes de l’Asie centrale. Poème symphonique au lyrisme en teintes douces et élégiaques où se déploient chevaux, chameaux et horizons désertiques. À la cadence d’une musique empreinte d’une «orientalité» un peu languide, tissée de douceur et de la mélancolie d’un cor anglais...
C’est à juste titre que s’intercale Le retour, œuvre en teintes colorées et tendres, du jeune compositeur libanais Iyad Kanaan, élève de Georges Baz dont il a hérité non seulement l’amour de la belle musique classique avec une pointe et un soupçon de modernisme, mais aussi la modestie et l’effacement. Images sonores aux contours néoromantiques, avec des frémissements et un lyrisme captant, en notes furtives, frayeur, angoisse, sérénité et nationalisme à caractère symboliste. Un retour aux racines, au paysage natal et à soi. Tout cela à travers une narration, sans orientalisme outrancier, qui ne manque ni de majesté et encore moins de ferveur et de sensibilité.
Sur un air vif et luisant, du fond de la mémoire grecque antique, presque un hommage à l’art martial des jeunes éphèbes formés à la dure spartiate, que surgissent les deux Gymnopédies d’Érik Satie. On les écoute ici, non au piano, car c’est leur version originale, mais orchestrées (travail d’orfèvre signé Claude Debussy !). Légères et atypiques dans leur texture et tessiture nouvelles, elles se répandent dans l’air, éthérées, comme une huile essentielle, comme une essence rare.


Dégagé des vapeurs de ces lutteurs aux corps de dieux, voilà que l’on jette cap en Europe et l’on embarque pour de nouvelles rives. Celles de la Moldau de Smetana. De la rivière Vltava (nom tchèque de la Moldau) qui serpente le long de Prague, Smetana distille le parfum d’un certain paysage touché par la grâce de l’eau. Il y décrit en peintre adroit, musicalement, des berges à la nature accueillante, paisible, souriante, fréquentée par une foule sans empressement, heureuse de flâner et de musarder. Moments de bonheur avec cette randonnée dominée par le roulement des flots d’un fleuve qui se jette dans l’Elbe avec toutes les variantes de berges abritant château et cathédrale. De quoi calmer les angoisses de Kafka... On ferme les yeux et le flot des notes déroule un film lumineux. Avec une pellicule emprisonnant des images aimables, tendres, suaves.


Pour conclure, un morceau mondialement plébiscité, avec tout le panache d’un caractère ibérique, comme l’avait demandé, lors de sa commande, Ida Rubinstein, ancienne égérie des Ballets russes de Diaghilev. Et on nomme bien sûr le Bolero de Ravel.
Obsessionnel, flamboyant, tendu, à la fois sublime et infernal dans sa montée et sa pulsation chargée de feu, ce Bolero, véritable boule embrasée, est bien dans la tradition des chants plaintifs et monocordes des mélodies arabo-espagnoles. On passe outre le petit couic des cuivres où les notes, pour un bref moment, ont déraillé comme un son qui coince dans la gorge.


Une grande salve d’applaudissements pour Alain Pâris, un chef d’orchestre dont la direction est au-dessus de tout éloge. Et que les mélomanes libanais apprécient à bon escient pour son talent et son impeccable direction toute en nuance et concision. Aussi bien dans cette prestation que dans celles, nombreuses, qui l’ont précédée...
Pour un encore, à l’insistance de l’auditoire, voilà à nouveau, comme un cycle qui se referme, les phrases rossiniennes lâchées au galop d’une chevauchée tout en panache et crinières au vent. Sémiramis, impérieuse et séductrice, n’en a pas fini de jeter ses filets. De charme, d’intrigue et de séduction. Au bonheur d’un public ravi d’être emporté dans une cavalcade de notes soyeuses, pétaradantes d’énergie et de vie.

Sous la baguette du maestro de soixante-cinq ans, voyage de Babylone à Sparte en passant par Prague, l’Asie centrale, le pays du Cèdre et l’Espagne. Voyages tous azimuts avec des pages de Rossini, Borodine, Kanaan, Satie, Smetana et Ravel... Mélange de notes aux fragrances épicées pour un concert (avec la collaboration de l’ESA) placé sous le signe d’un certain brassage culturel,...

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