Rechercher
Rechercher

À La Une - Liban

Craintes locales et internationales après la démission du cabinet Mikati

Sleiman accepte la démission de Mikati ; des consultations parlementaires contraignantes devraient être fixées la semaine prochaine.

Le Premier ministre Nagib Mikati a présenté vendredi soir sa démission à un moment troublé de l'histoire du Liban en raison des profondes divisions que suscite la guerre civile qui ravage la Syrie. Photo Hassan Assal.

Le Liban s'est retrouvé samedi sans gouvernement au lendemain de la démission surprise du Premier ministre Nagib Mikati à un moment troublé de l'histoire du pays en raison des profondes divisions que suscite la guerre civile qui ravage la Syrie voisine.

 

Samedi matin, M. Mikati s’était rendu au palais présidentiel de Baabda pour remettre officiellement, selon les usages, sa lettre de démission au chef de l’Etat, Michel Sleiman. Ce dernier a accepté la démission et demandé au gouvernement d’expédier les affaires courantes. Il devrait fixer la semaine prochaine des consultations parlementaires contraignantes pour nommer un nouveau Premier ministre.

 

"Je n’ai consulté personne avant de prendre ma décision", a déclaré M. Mikati en sortant du palais de Baabda. "Ma décision était personnelle", a-t-il martelé. Le Premier ministre démissionnaire a appelé à la reprise du dialogue entre les différents partis politiques. "J’espère que cette démission ouvrira la voie à un règlement politique", a-t-il dit.

 

(Lire aussi: Le message de démission)

 


"Fais ce qui t'arrange"

Devant notamment le refus des ministres du 8 Mars d’envisager la prorogation du mandat du directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI), le général Achraf Rifi qui aura 60 ans en avril et doit donc partir à la retraite, le président du Conseil a décidé vendredi soir de rendre son tablier.

"Dans quelques jours, une grande institution de sécurité risque de sombrer dans le vide car son directeur général doit prendre sa retraite. J'avais jugé important dans cette phase délicate qu'il continue dans ses fonctions (...) mais j'ai constaté que le Conseil des ministres ne me suivait pas dans cette voie", a déclaré M. Mikati, vendredi soir, en annonçant la démission du gouvernement. Achraf Rifi, un sunnite très anti-régime syrien, est la bête noire du Hezbollah. Ce sont notamment les FSI qui ont joué un rôle déterminant dans l'enquête ayant conduit à l'inculpation par le Tribunal international de quatre membres du mouvement chiite impliqués dans l'attentat qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005.Ce sont également les FSI qui avaient fait avorter une série d'attentats fomentés par le régime syrien avec l'aide de l'ancien ministre libanais Michel Samaha actuellement sous les verrous et inculpé ainsi que Ali Mamlouck ,chef d'un des services de renseignements syriens.

D'ailleurs deux journaux pro-syrien, Al Akhbar et As-Safir ont révélé samedi que M. Mikati avait envoyé un message à Hassan Nasrallah pour l'avertir de sa démission si le Hezbollah n'acceptait pas la prolongation du général Rifi dans ses fonctions. M. Nasrallah lui aurait fait répondre par un laconique: "Fais ce qui t'arrange".

 

Autre sujet de discorde entre Nagib Mikati et certains de ses ministres, le comité de supervision des élections législatives, rejeté par les ministres du Courant patriotique libre (CPL), du Hezbollah et d’Amal, qui ont argué de son anti-constitutionnalité, sous prétexte que la loi qui a créé cette instance n’avait été adoptée en 2008 que "pour une seule fois".

 

(Analyse : Ri(fi)fi en Conseil des ministres : un mort, le cabinet Mikati)

 

 

Réactions

Alors que le 14 Mars (opposition) et les centristes ont salué le courage de M. Mikati, le chef du CPL, Michel Aoun, a accusé M. Sleiman de porter atteinte aux droits des chrétiens et le Premier ministre démissionnaire d'avoir plié devant des interférences étrangères. "Mikati a démissionné pour des raisons stupides", a déclaré M. Aoun à la radio al-Mada. "Nous devons nous rendre dans une des ambassades pour comprendre exactement les raisons de cette démission", a-t-il ajouté.

 

"Nommer un nouveau Premier ministre est une affaire compliquée, le Liban vit dans le chaos et le gouvernement ne peut même pas mettre à la retraite un officier. Les prédécesseurs de Achraf Rifi étaient plus loyaux que lui envers leur pays", a souligné M. Aoun.

Le général Aoun a par ailleurs indiqué que le président Sleiman "violait les droits des chrétiens et ceux de certains musulmans qui ont rejeté la loi électorale de 1960". Le président libanais a exprimé, à plusieurs reprises, sont opposition au projet de loi dit du Rassemblement orthodoxe, soutenu, entre autres, par le CPL.

 

Plus tard en soirée, le chef du CPL a assuré que la démission du gouvernement "ne nous a pas dérangés car nous avions beaucoup de réserves quant à ses résultats". Et de poursuivre : "La confusion n'est pas dans nos traditions, nous savons comment agir face à toute situation."

 

(Lire aussi: 14 Mars et centristes saluent « le courage » de Nagib Mikati)

 

 

"La fin de la politique de distanciation"

Signe de l’inquiétude qui prévaut, la presse libanaise dans son ensemble se posait samedi de nombreuses questions sur la démission de M. Mikati et ses répercussions sur le pays, en proie à des instabilités sécuritaires et économiques.

Le quotidien an-Nahar, proche de l’alliance du 14 Mars (opposition), se demande dans un éditorial si cette démission était susceptible de créer "un choc positif" dans un environnement politique délétère.

 

Pour le journal, "les milieux gouvernementaux n’ont pas été surpris par cette démission, et le transfert de la grille des salaires du secteur public au Parlement jeudi devait être la dernière réalisation à inscrire à l’actif de ce Cabinet". An-Nahar va plus loin et se demande "quels pourraient être les motifs du 8 Mars et notamment du Hezbollah de vouloir pousser le bouchon aussi loin pour aboutir à la chute du gouvernement".

 

Pour le journal as-Safir, proche de la majorité, la démission du gouvernement "libère tout le monde et ouvre la voie à des règlements internes". Le quotidien, longtemps proche du pouvoir syrien, affirme que les "Saoudiens ont fait savoir à M. Mikati que le temps était venu pour le départ du gouvernement, et que le maintien du général Achraf Rifi à la tête des Forces de sécurité intérieure (FSI) était plus important que celui du Cabinet".

 

Le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, titre en Une "La fin de la politique de distanciation". "La démission de Nagib Mikati est largement liée à la crise syrienne", souligne le journal qui ajoute : "On peut s'attendre à des tensions sécuritaires non seulement sur la frontière avec la Syrie mais aussi à l'intérieur du pays. Le chaos politique risque d'être long".

 

Al-Mustaqbal, organe du Courant du Futur (opposition), se demande pourquoi le parti chiite a préféré la chute du gouvernement à la prorogation du mandat du général Rifi. "Est-ce que le Hezbollah possède un agenda sécuritaire qu’il veut appliquer loin de ceux qui ont su protéger le Liban de nombreux crimes ?", se demande le quotidien, qui ajoute que "Mikati a voulu sauter de la barque de Bachar el-Assad car il sent qu'elle coule" . "Ce gouvernement de Bachar el-Assad, de l’Iran et du Hezbollah a mené le Liban à des catastrophes, sa chute ne peut susciter que l’espoir des Libanais", peut-on encore lire dans al-Moustaqbal.

Pour al-Joumhouriya, proche de l'opposition, "le plus important, c'est que le statu quo est brisé et qu'il revient aux partis de mettre sur pied un gouvernement de consensus national".

 

 

"Eviter un vide gouvernemental et législatif"

L'inquiétude libanaise est partagée par la communauté internationale.

La France a ainsi insisté samedi sur la nécessité d'"éviter un vide gouvernemental et législatif" au Liban.

"La France prend acte de la démission de M. Mikati, qui survient dans un contexte de blocage politique préoccupant", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot. "Dans le contexte difficile que traverse le Liban, il est essentiel que la continuité des institutions soit assurée afin d'éviter un vide gouvernemental et législatif", a-t-il ajouté, en saluant "les efforts" faits par le Premier ministre démissionnaire "pour préserver la stabilité du Liban et épargner au pays les retombées négatives de la crise syrienne". "Il est dans l'intérêt du Liban que les délais constitutionnels et légaux pour l'organisation des élections législatives et l'entrée en fonction du nouveau parlement soient respectés", a poursuivi M. Lalliot.

 

L'Union européenne a pour sa part exprimé sa préoccupation quant à la détérioration de la situation au Liban après la démission du gouvernement.

 

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a, lui, appelé les Libanais à rester unis derrière leur président.
"En cette période remplie de défis pour la région, le secrétaire général appelle toutes les parties au Liban à rester unies derrière le leadership du président (Michel) Sleiman", affirme le porte-parole des Nations unies, Martin Nesirky.
Ban Ki-moon "les appelle à travailler ensemble avec les institutions de l'Etat pour maintenir le calme et la stabilité, et respecter la politique de dissociation du Liban" par rapport au conflit syrien, a-t-il ajouté, indiquant que les parties devaient "soutenir le rôle des forces armées libanaises en appuyant l'unité nationale, la souveraineté et la sécurité".

 

Lire aussi

Nouveau plan de l'armée pour mettre fin aux combats à Tripoli?

 

Naufrages, l’éditorial de Issa Goraïeb

 

Pour mémoire

Majorité et opposition misent sur le report des élections en attendant que se décante la situation en Syrie
Le Liban s'est retrouvé samedi sans gouvernement au lendemain de la démission surprise du Premier ministre Nagib Mikati à un moment troublé de l'histoire du pays en raison des profondes divisions que suscite la guerre civile qui ravage la Syrie voisine.
 
Samedi matin, M. Mikati s’était rendu au palais présidentiel de Baabda pour remettre officiellement, selon les usages, sa lettre de...

commentaires (3)

Dans cette situation dangereuse où le pays se débat SEULE LA LOGIQUE devrait prévaloir. Mais n'est-ce pas demander aux COUCOUS, dans la maison des OISEAUX, de se comporter logiquement ?

SAKR LEBNAN

13 h 20, le 24 mars 2013

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Dans cette situation dangereuse où le pays se débat SEULE LA LOGIQUE devrait prévaloir. Mais n'est-ce pas demander aux COUCOUS, dans la maison des OISEAUX, de se comporter logiquement ?

    SAKR LEBNAN

    13 h 20, le 24 mars 2013

  • Le plus émouvant -jusqu'aux larmes !- c'est quand le général Aoun verse sa colère contre le "président Sleiman qui viole les droits des chrétiens" ! Des chrétiens dont le général des généraux du Liban et de tout l'Orient a renié, bafoué, piétiné tous les principes et toute la dignité acquise par leur résistance à l'occupation et à la barbarie de la tyrannie syrienne qui s'est abattue sur eux pendant trois décennies, qui s'abat maintenant sur le peuple syrien et à laquelle le général s'est allié devenant son plus grand défenseur !

    Halim Abou Chacra

    05 h 42, le 24 mars 2013

  • Craintes locales ? C'est le moins qu'on puisse dire quand on sait, par expérience, que la crise gouvernementale va durer plusieurs mois, que les imbéciles vont profiter de l'absence de gouvernance pour intimider et menacer encore plus qu'avant avec leurs armes, que les crétins vont se mêler de la guerre civile en Syrie et que les débordements vont ainsi se multiplier. La tombe du Liban, consciencieusement creusée par le Hezbollah, le CPL et tous les autres traitres libanais, est sur le point d'être livrée.

    Robert Malek

    04 h 56, le 24 mars 2013

Retour en haut