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À La Une - Sécurité

Liban : Les incidents itinérants exacerbent la rue sunnite

Les parties tentent de calmer le jeu pour éviter que la situation dégénère.

Rassemblement, à Tripoli, au Liban-Nord.

L’agression dimanche soir contre quatre dignitaires religieux sunnites à Beyrouth a occupé hier les Libanais de tous bords, y compris les instances religieuses et les trois pôles du pouvoir, qui se trouvent pourtant à l’extérieur du pays, dans cette phase critique.

 

Le mufti de la République, Mohammad Rachid Kabbani, a rendu visite en début de journée aux deux cheikhs, Ahmad Fekhran et Mazen Hariri, à l’hôpital des Makassed pour s’enquérir de leur état de santé. Hariri et Fekhran, qui enseignent tous deux à Dar el-Fatwa, ont été brutalisés par un groupe d’individus alors qu’ils quittaient la mosquée Mohammad el-Amine dans le quartier majoritairement chiite de Khandak el-Ghamik. Parallèlement, deux autres cheikhs, Ibrahim Abdellatif et Omar Imani, avaient été agressés aussi le même soir dans un autre quartier chiite, à Chiyah.


Cheikh Kabbani a mis en garde contre les tentatives délibérées d’importer la crise régionale au Liban, d’y semer la zizanie et d’alimenter les tension. À l’issue de sa visite, il a accusé les politiciens sunnites et chiites d’être responsables de l’incident. « C’est le résultat de votre guerre politique et de vos discours provocateurs », a-t-il dit, exhortant les responsables chiites à lever la couverture politique de tous ceux qui manipulent l’opinion publique et portent atteinte au Liban. « Si le feu se propage au Liban, ce sera à cause du 14 et du 8 Mars », a-t-il ajouté, expliquant qu’ « un complot est ourdi contre le Liban. L’agression n’était pas due au hasard mais nous remercions Dieu qui nous a permis de dévoiler cette conspiration ».


Le mufti de la République a profité de sa visite à l’hôpital pour s’en prendre aussi à ses propres opposants. « J’impute la responsabilité à certains leaders sunnites, lesquels sont derrière les attaques contre le mufti de la République et visent à le faire tomber. Ces leaders ont incité ces drogués à agresser les ulémas. Ils doivent être sanctionnés au même titre que les drogués », a-t-il expliqué. En effet, le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel, le mouvement Amal et le Hezbollah avaient affirmé dans la nuit de dimanche que les agresseurs étaient des « voyous drogués ».

 

(Lire aussi : L’aviation syrienne bombarde Ersal, au Liban-nord)

Deux réunions à Dar el-Fatwa
Dans l’après-midi, une réunion à caractère urgent s’est tenue à Dar el-Fatwa, sous la présidence du mufti Kabbani, en présence des imams des mosquées et d’ulémas de la communauté sunnite. Au terme de la réunion, le mufti a réitéré son appel aux autorités chiites d’Amal et du Hezbollah « de lever la couverture politique protégeant les criminels et de les punir », rejetant encore l’éventualité d’une « coïncidence ». « Les dirigeants chrétiens doivent également nous soutenir puisque chrétiens et musulmans ne sortiront pas indemnes d’une explosion au Liban », a-t-il conclu, avant de se réunir à Dar el-Fatwa avec les ministres de l’Intérieur et de la Défense, Marwan Charbel et Fayez Ghosn, et le procureur général près la Cour de cassation, Hatem Madi, pour évoquer les développements en cours.


Marwan Charbel avait indiqué à midi qu’il avait rencontré de nombreux cheikhs et ulémas dans la matinée, lesquels ont appelé au calme. Il a signalé que les enquêtes se poursuivaient en vue de découvrir les auteurs de l’attaque. Il a également confirmé que les agresseurs de Khandak el-Ghamik arrêtés n’étaient ni partisans ni militants politiques, soulignant que « la ferme condamnation du Hezbollah et d’Amal avait ramené le calme ». M. Charbel a aussi estimé que le discours confessionnel provocateur était à l’origine de tels incidents, appelant les hommes de religion à éviter ce genre de discours. Il a plus tard annoncé que « dix personnes ont été arrêtées en tant que suspects dans cette affaire ».


De son côté, Fayez Ghosn a suivi l’affaire de près. Dans un communiqué, il a estimé que « le pays l’a échappé belle, grâce à l’intervention rapide de l’armée et la sagesse des hommes politiques ». Il a lui aussi tenu le discours confessionnel comme responsable de l’incident.

Les pôles du pouvoir en alerte
Sur un autre plan, cheikh Kabbani a reçu deux appels téléphoniques, du président libanais Michel Sleiman et du président de la Chambre, Nabih Berry, lesquels ont condamné l’agression contre les cheikhs de Dar el-Fatwa. Le président Sleiman a suivi de près les derniers développements et a contacté par téléphone les ministres de la Défense, Fayez Ghosn, et de l’Intérieur, Marwan Charbel, ainsi que le commandant en chef de l’armée libanaise, Jean Kahwagi. Il a en outre réclamé des sanctions fermes contre les agresseurs.


De son côté, le Premier ministre Nagib Mikati a affirmé depuis Rome que « l’agression contre les cheikhs de Dar el-Fatwa a exacerbé le sentiment d’appartenance nationale des parties libanaises ». Mettant en garde contre les « risques de provocation confessionnelle », il a estimé que la table de dialogue est la seule solution pour éviter une importation de la crise régionale au Liban et a délégué au ministre de l’Information, Walid Daouk, la tâche de se rendre à l’hôpital des Makassed pour s’enquérir de l’état des blessés. Sur son compte Twitter, il a précisé que « les coupables devront rendre des comptes quel que soit le parti auquel ils appartiennent ».

 

(Lire aussi : Le Hezbollah accuse les États-Unis de vouloir provoquer une discorde au Liban)


Pour sa part, l’ancien Premier ministre Saad Hariri a lui aussi mis en garde contre les dangers de l’incitation sectaire, y voyant un moyen d’attirer le Liban vers une discorde majeure. Dans un appel adressé aux Libanais, Saad Hariri a déclaré que « certains œuvrent en secret et en public pour noyer le Liban dans une série d’incidents suspects et d’actes honteux, à l’image des attaques contre les cheikhs à Beyrouth, pour satisfaire les souhaits de forces régionales qui bénéficient de la propagation des incendies d’un pays arabe à l’autre ».


« Le régime Assad ne veut pas que le Liban se repose et la discorde entre sunnites et chiites est une bouée de sauvetage pour le régime », a-t-il ajouté, affirmant que « Bachar el-Assad veut sauver son régime au prix du sang des Libanais et il n’hésitera pas à utiliser l’intermédiaire d’un ancien ministre qui s’est porté volontaire pour mener des attentats au Liban, ou le biais d’organisations armées, infiltrées par divers types de criminels, d’assassins, de toxicomanes et de hors-la-loi ».

 

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