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À La Une - Syrie

Lever l’embargo sur les armes, « c’est maintenant »

Paris et Londres veulent armer les rebelles ; « on est plus près de 100 000 morts », selon un haut responsable français, dont 159 tués pour la seule journée d’hier.

François Hollande est déterminé à armer les rebelles syriens. AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS

C’est une nouvelle étape qui a été franchie hier dans le conflit syrien, une de celles qui pourraient bien redéfinir l’équilibre des forces sur le terrain et, par conséquent, le jeu politique des belligérants. Car la France et la Grande-Bretagne ont prôné une levée rapide de l’embargo européen pour pouvoir livrer des armes aux rebelles en guerre contre le régime en Syrie. Mais de son côté, le régime de Bachar el-Assad, qui assimile les rebelles à des « terroristes », a dénoncé une « violation flagrante du droit international », se faisant l’écho de son grand allié russe qui a prévenu que la livraison d’armes à des « acteurs non gouvernementaux » est contraire « à la loi internationale ». Les positions française et britannique pourraient alors creuser davantage le fossé avec la Russie, qui continue à fournir des armes au régime Assad, et éloigner toute perspective d’un consensus international sur la crise.


En revanche, la Coalition de l’opposition a parlé d’« un pas dans la bonne direction », après avoir pendant des mois plaidé pour l’envoi d’armes aux rebelles sous-équipés et sous la menace constante de l’aviation, atout principal du régime. « Assad n’acceptera de solution politique que lorsqu’il saura qu’il a face à lui une force (armée) qui va le renverser », a estimé le porte-parole de l’opposition Walid Bounni. Pour ce faire, les militants de la Commission générale de la révolution syrienne ont réclamé « des armes lourdes, de défense antiaérienne et antichars » et « non des armes légères ou moyennes ».

 

(Lire aussi : La Syrie menace de frapper au Liban les hommes armés s’infiltrant sur son territoire)

Missiles sol-air
« Nous souhaitons que les Européens lèvent l’embargo. Nous sommes prêts à soutenir la rébellion, donc nous sommes prêts à aller jusque-là. Nous devons prendre nos responsabilités », a déclaré le président français François Hollande à Bruxelles. Son chef de la diplomatie, Laurent Fabius, a indiqué que Paris et Londres demandaient aux Européens de lever l’embargo « maintenant » pour que les « résistants » puissent se défendre. « On ne peut pas accepter qu’il y ait ce déséquilibre actuel avec d’un côté l’Iran et la Russie qui livrent des armes à Bachar et de l’autre des résistants qui ne peuvent pas se défendre », a fait valoir le ministre des Affaires étrangères.
L’objectif, selon des responsables français, est de leur fournir des missiles sol-air. Les armes modernes, notamment antiaériennes, pourraient, afin d’éviter qu’elles ne tombent en de mauvaises mains, être dotées de pièces périssables, estiment des experts. Car le cauchemar de tous les services antiterroristes du monde est de voir un avion de ligne, en Afrique, au Maghreb ou ailleurs, abattu par un missile sol-air qui aurait été fourni à des groupes rebelles syriens puis détourné, volé ou acheté par un groupe terroriste. Jusqu’à présent, Paris et Londres fournissent aux rebelles des matériels non létaux.


L’examen de la poursuite de l’embargo est prévu fin mai. Cependant, l’UE a assuré qu’il était « possible » d’en discuter « sans délai ». M. Fabius a affirmé qu’il « faut aller très vite », n’excluant pas une réunion avant fin mars. Et si l’embargo n’était pas levé, il a dit que la France « est une nation souveraine », laissant entendre qu’elle était prête à s’en affranchir. Le Premier ministre britannique David Cameron a aussi indiqué que son pays pourrait se désolidariser de l’embargo. « C’est possible (...) nous pouvons avoir une politique étrangère indépendante. » Les décisions européennes en matière de politique étrangère se prenant à l’unanimité des Vingt-Sept, il suffirait à Londres et à Paris d’opposer leur veto à cette reconduction pour que cet embargo soit automatiquement levé. Mais plusieurs membres de l’UE, dont l’Allemagne, voient d’un mauvais œil l’idée de lever l’embargo. Toutefois, Berlin a dit être « prêt à discuter immédiatement au sein de l’Union européenne ». Quant aux États-Unis, ils verraient d’un bon œil un soutien accru de la France et du Royaume-Uni aux rebelles syriens, a indiqué hier la diplomatie américaine, mais sans se prononcer explicitement pour une levée de l’embargo européen sur les armes.

 

(Tribune : Une génération d’enfants au bord du gouffre)

Manque de solidarité
Sur le terrain, l’armée a continué de bombarder les bastions rebelles, notamment dans la province de Damas ou au moins douze personnes ont perdu la vie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Dans la localité de Mouadamiyat al-Cham, au sud de la capitale, au moins sept personnes ont été tuées par des tirs de roquettes. Dans la capitale, les quartiers périphériques de Jobar et de Barzé ont été également bombardés, selon l’OSDH. Dans la ville de Homs, les quartiers rebelles de Baba Amr et Khaldiyé ont une nouvelle fois subi de violents bombardements alors que des combats s’y déroulaient parallèlement. Homs, surnommée « la capitale de la Révolution », est aujourd’hui contrôlée à 80 % par l’armée, qui mène depuis plusieurs jours une violente offensive contre les enclaves rebelles de Khaldiyé et du Vieux Homs, assiégés depuis huit mois. Les violences ont fait mercredi 159 morts à travers la Syrie dont 63 civils, 56 rebelles et 40 soldats, selon l’OSDH. Ce conflit a fait, selon l’ONU, plus de 70 000 morts, mais selon un haut responsable français ayant requis l’anonymat, « on est plus près de 100 000 morts ».


Par ailleurs, le Programme alimentaire mondial a affirmé avoir besoin de 156 millions de dollars d’ici à juin afin de pouvoir venir en aide à 2,5 millions de personnes en Syrie et à un million de réfugiés dans les pays voisins, avertissant que le manque de ressources menaçait ses plans. Et la branche grecque de l’ONG Médecins sans frontières (MSF) a dénoncé hier les mauvaises conditions d’accueil en Grèce, porte d’entrée dans l’Union européenne, des réfugiés syriens fuyant la guerre dans leur pays. « Il y a un manque total de réponse humanitaire et de solidarité » en Grèce vis-à-vis des demandeurs d’asile syriens qui affluent, a déclaré Willem de Jonge, directeur général de MSF-Grèce.
Enfin, les Philippines ont confirmé hier leur engagement au sein de la Force de l’observation du désengagement sur le Golan (Fnuod) malgré la capture de 21 Casques bleus philippins par les rebelles syriens, libérés depuis.

C’est une nouvelle étape qui a été franchie hier dans le conflit syrien, une de celles qui pourraient bien redéfinir l’équilibre des forces sur le terrain et, par conséquent, le jeu politique des belligérants. Car la France et la Grande-Bretagne ont prôné une levée rapide de l’embargo européen pour pouvoir livrer des armes aux rebelles en guerre contre le régime en Syrie. Mais...

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