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À La Une - Liban

Réfugié syriens : Dans la Békaa, la crise humanitaire atteint la cote d’alerte

Avec les moyens du bord, Médecins sans frontières fait face aux énormes besoins des réfugiés syriens.

À Taybé, à proximité de Baalbeck, ces réfugiés syriens ont trouvé refuge dans un campement de bédouins. Cette tente de fortune et quelques nattes et couvertures sont leurs seules protections du froid. Photo Anne-Marie EL-HAGE

Dans une vaste pièce sommairement aménagée, des dizaines de familles réfugiées de Syrie patientent, assises sur des chaises numérotées. Nous sommes dans le club sportif de Majdel Anjar, prêté par la municipalité de ce village à l’organisation internationale Médecins sans frontières (MSF), pour en faire un dispensaire médical de santé primaire. La pièce tient lieu de salle d’attente. Les familles se plient à l’interrogatoire médical de deux infirmières de l’organisation qui remplissent les dossiers des patients, avant de les transférer chez le médecin, à tour de rôle, à l’étage au-
dessus.


Les heures passent. Les familles sont nombreuses. Les femmes enceintes aussi, dont certaines sur le point d’accoucher. Les mères, souvent très jeunes, allaitent leurs nouveau-nés. Des enfants toussent, reniflent, s’agitent ou pleurent, aussitôt rappelés à l’ordre par leurs parents. Les moins obéissants sont emmenés dans l’étroite cour pour se dégourdir les jambes, malgré le froid. Par petits groupes, les nouveaux venus s’installent. Ils arrivent des villages environnants de la Békaa, où ils ont trouvé refuge. Ils sont rapidement accueillis par une assistante sociale qui leur explique quelques règles élémentaires d’hygiène et de prévention contre les maladies contagieuses.

 

(Voir aussi : un reportage vidéo de MSF, en cliquant ici)

Grande précarité de vie
Malgré l’affluence, l’ordre règne. Avec résignation, les réfugiés syriens supportent la longue attente, dans l’espoir d’une assistance médicale, même minime et de toute aide qui pourrait améliorer leur quotidien désormais si précaire. Au point où ils en sont, ils n’ont plus grand-chose à perdre. Après avoir fui la guerre, les voilà confrontés à des conditions de vie pénibles qu’ils évoquent avec grande pudeur et autant de fierté.


Car ils manquent de tout, de mazout, de matelas, de couvertures, de nourriture, de logements décents, d’emploi, de médicaments, surtout ceux qui souffrent de maladies chroniques, comme le diabète, l’hypertension, les maladies cardio-vasculaires, l’épilepsie, l’asthme ou même la dépression. «La vie est si chère au Liban, lancent-ils à l’unisson. Nous ne pouvons rien nous permettre, surtout pas les médicaments qui nous étaient assurés en Syrie.» «Les aides, elles, sont distribuées au compte-gouttes, raconte une mère de famille, enceinte de son troisième enfant. Une aide sous forme de coupons de 46 500 LL par personne et par mois délivrés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), à ceux qui sont enregistrés auprès de l’organisation internationale depuis plus d’un mois et demi. » Pour les autres, pas grand-chose, souvent rien.


Lorsqu’ils n’ont pas de famille sur place pour les accueillir, ils doivent alors affronter le froid hivernal, l’humidité, les logements de misère, payés une petite fortune, souvent dans des garages, des bâtisses désaffectées, des taudis laissés à l’abandon, des remises d’agriculteurs. Ils doivent aussi s’adapter au dénuement total, à la promiscuité, aux nuits par terre, sur des matelas en éponge, au manque de commodités minimales pour faire la cuisine, pour se laver ou se chauffer.

 

(Pour mémoire : Réfugiés syriens : le Liban au bord de l'implosion)


Des mesures pour répondre aux besoins
Face à cette grande précarité de vie, les moins résistants tombent malades. Les pneumonies, bronchites, laryngites, sinusites, maladies respiratoires ne se comptent plus. Les cas de contagion aussi. Sans parler des douleurs musculaires ou articulaires. Des maladies liées au manque d’hygiène apparaissent, comme les poux ou la gale. « Cela devient ingérable », constate le chef des activités médicales pour la Békaa de MSF, le Dr Waël Harb, qui supervise les dispensaires de l’organisation dans la région. «Nous vivons une véritable crise humanitaire, déplore-t-il. D’autant que les réfugiés affluent, à chaque regain de tension en Syrie.»
Le médecin assure toutefois qu’il n’y a pas d’épidémie, pour le moment. «Nous avons réussi à réduire les cas de poux et traitons les atteintes de gale. Le nombre de personnes atteintes n’est pas inquiétant, fort heureusement. Mais nous sommes conscients que certains ne lavent leurs enfants qu’une fois par mois. Nous avons observé un seul cas de tuberculose contractée en Syrie. Quant aux quelques cas d’hépatite, ils sont liés à l’eau et ne sont pas alarmants», précise-t-il.


Mais les défis sont immenses. Les réfugiés, principalement les habitants d’Alep, ont importé une maladie cutanée, la leishmaniose, qui résulte de piqûres d’insectes, explique le généraliste. «Malheureusement, les médicaments pour traiter cette maladie n’existent pas au Liban. Nous sommes en train d’étudier un moyen de nous les procurer », souligne-t-il. Le Dr Harb évoque aussi le nombre élevé de femmes enceintes qui nécessitent un suivi médical. « Face à la demande, une gynécologue assurera très bientôt des soins prénataux au dispensaire de Majdel Anjar », promet-il. Quant aux frais d’accouchement, ils sont pris en charge par l’organisation International Medical Corps (IMC). De plus le dispensaire, qui ne recevait les patients que deux jours par semaine, ouvre aujourd’hui ses portes quatre jours sur sept. Deux médecins, deux infirmières et une sage-femme y assurent une permanence.

 

(Pour mémoire : Bouchra, la « réfugiée millionième » de la guerre syrienne)

Un dispensaire débordé
Malgré ces mesures, le dispensaire de MSF de Majdel Anjar est débordé, avec plus de 55 consultations par jour qu’assure son personnel médical. «Même à ce rythme, il ne couvre plus les besoins énormes des réfugiés syriens installés dans la région et se voit contraint de refuser des patients», regrette un représentant de l’organisation qui gère les demandes. C’est la raison pour laquelle MSF envisage d’augmenter ses capacités d’accueil et d’augmenter ses ressources humaines, son personnel médical, ses infirmières, ses psychologues, ses travailleurs sociaux. Des ressources qui s’élevaient à 112 personnes, principalement de nationalité libanaise, fin 2012, selon une source au sein de l’organisation. Le dispensaire de Majdel Anjar devrait aussi très bientôt prendre en charge les maladies chroniques. L’organisation envisage, de plus, d’ouvrir un nouveau dispensaire, toujours dans la même localité, et de créer une clinique itinérante, parallèlement aux activités de ses autres dispensaires situés notamment à Ersal, Baalbeck et Tripoli.


Car les transports constituent un véritable problème pour ces familles totalement démunies. « Nous devons assumer les frais de transport pour venir nous faire soigner ou pour obtenir des aides alimentaires. Mais nous faisons souvent le trajet pour rien », déplore un homme qui attend son tour. Résultat, de nombreuses familles ne font même plus le déplacement. Elles font de l’automédication, avec les médicaments qu’elles rapportent de Syrie. Ou alors, découragées, elles retournent chez elles. « Nous avons voulu rentrer à Damas. Les conditions de vie sont tellement difficiles ici », raconte cette mère de famille. La famille n’a tenu le coup que 13 jours en Syrie. «La misère est, certes, moins pénible que la mort. »


Une misère telle, qu’on ne peut que constater le côté dérisoire des soins primaires dispensés à ces réfugiés, face à la malnutrition, au manque d’hygiène, au froid et à l’aide dramatiquement insuffisante.

 

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