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À La Une - Le billet

Femmes couchées sur le papier

Imaginons un instant que, des pages sur lesquelles les écrivains les ont couchées, des femmes se lèvent, se rencontrent et se mêlent...

« Pilar m’apprendra ce qu’il faut faire pour bien soigner un homme, et je le ferai, dit Maria. Puis, en apprenant, je trouverai des choses moi-même, et il y en a d’autres que tu pourras me dire. »

« Comment occupe-t-elle ses jours de congé ? Tu l’imagines seule chez elle. Elle lave le linge, prépare la cuisine. »

« Les pommes de terre sont très bonnes avec le lard, l’huile de la salade n’était pas rance. L’huile de l’épicier du coin est de bien meilleure qualité que l’huile de l’épicier d’en face, elle est même meilleure que l’huile de l’épicier du bas de la côte. Mais je ne veux pas dire que leur huile à eux soit mauvaise. »

« J’ai mal au cœur. »

« Elle se fait du souci pour Tumi – non pas entre mes mains – et du souci pour moi, du souci pour sa mère et du souci pour les enfants à naître, pour le système de santé publique, ses élèves et les ponts et chaussées de l’île, la guerre dans le monde, la cupidité de quelques-uns qui entraîne le pays à sa perte, du souci parce qu’elle n’a pas le droit de jouer de l’accordéon, ce qui devrait être sa principale distraction, au lit, dans une chambrée de quatre femmes. »

« Elle dessina ses lèvres avec un bâton, colora ses joues avec un autre, crayonna la bordure de ses yeux, bleuit ses paupières, vaporisa son cou avec du parfum, attacha ses perles à ses oreilles et arbora ses lunettes sombres. Ainsi équipée et après un sévère examen critique de l’état déplorable de ses ongles, déchira l’enveloppe de sa lettre, et laissa son regard parcourir le texte tout entier tandis que son dur petit sourire devenait plus petit et plus dur. Éventuellement, elle me demanda une Picayune, en tira une bouffée. “Gout vulgaire mais divin, fit-elle, et me jeta la lettre. Peut-être que cela pourra te servir si jamais tu écris le roman d’un rat”. »

« Elle était tombée enceinte des œuvres de cet ami et c’était lui, Rafic, qui l’avait aidée à avorter en la mettant en relation, moyennant confortables finances, avec son médecin. »

« Avoir un enfant aurait pu te changer, arrondir les angles. Mais quelle mère se permettrait de se comporter comme toi ? »

« Son dépravé de père lui dit un jour, déplorant sa rupture avec le jeune homme fortuné : “Tu es responsable de nous, et surtout de tes sept frères et sœurs”. Seigneur Dieu ! Pouvait-elle persévérer dans sa quête de liberté devant de tels arguments ? »

« Voyant tout perdu, elle était prête à tout oser. Une audace de bravade faisait briller son œil ; et, roulant un morceau de papier, elle alluma, comme pour une réception, les dix bougies des vilains candélabres posés au coin de la cheminée. Puis elle s’adossa au marbre et tendant au feu mourant un de ses pieds nus, qui soulevait par derrière son jupon à peine arrêté sur les hanches, elle prit une cigarette dans un étui de papier rose, l’enflamma et se mit à fumer. »

« Elle était grande. Elle employait des mots d’argot, comme un garçon, mais avec une assurance royale. »

« Que n’avait-elle au moins pour mari, un de ces hommes d’ardeurs taciturnes qui travaillent la nuit dans les livres, et portent enfin à soixante ans, quand vient l’âge des rhumatismes, une brochette de croix, sur leur habit noir, mal fait. Elle aurait voulu que ce nom de Bovary, qui était le sien, fût illustre, le voir étalé chez les libraires, répété dans les journaux, connu par toute la France. »

« Elle avait aperçu un homme d’une certaine classe, sinon un pacha, à tout moins un bey. D’allure élégante, de belle mine, avec une petit moustache séduisante, nimbé de grâce et de beauté, malgré sa minceur et sa taille plutôt petite. Peut-être cela lui suffit-il à l’inciter à se retourner, dès qu’elle l’eût dépassé, pour découvrir alors ses yeux fixés sur elle, des yeux dont elle sentit, gênée, l’acuité et la flamme. »

« Mathilde avait remarqué que dès qu’elle apparaissait, les hommes restaient en général sans voix, et sans le moindre désir de lui faire une cour romantique. C’étaient toujours des mots crus, qui leur échappaient en la voyant. Son effet était si direct que tout ce qu’ils pouvaient exprimer était leur trouble physique. Au lieu de l’accepter comme un honneur, elle s’en vexait. »

« Elle a fait un pas vers moi, en posant les mains sur ses hanches.
– Vous les jeunes, vous vous croyez toujours capables de forcer toutes les portes. »

« Alors Shéhérazade commença le récit des contes qui vont suivre, qu’elle eut toujours soin d’interrompre au moment le plus intéressant, afin de tenir en éveil la curiosité du sultan et de lui faire ainsi reculer de jour en jour l’exécution de sa cruelle résolution. »

« Mais Adeline Serpillon appartenait à cette écrasante majorité des mortels qu’on n’assassine pratiquement pas. »


(Extraits tirés, dans le désordre, de : « Pour qui sonne le glas » de Ernest Hemingway ; « Kafka sur le rivage », d’Haruki Murakami ; « La cantatrice chauve » d’Eugène Ionesco ; « L’embellie » d’Audur Ava Olafsdottir ; « Petit déjeuner chez Tiffany », de Truman Capote ; « Montre tes jambes Leila », de Rachid el-Daif ; « La belle du Caire », de Naguib Mahfouz ;« Bel Ami » de Guy de Maupassant ; « Venus Erotica » d’Anaïs Nin ; « Madame Bovary », de Gustave Flaubert, « Gatsby le Magnifique », de F. Scott Fitzgerald ; « Les Mille et Une Nuits »; « Des femmes qui tombent », de Pierre Desproges).


Voir aussi notre dossier Spécial Journée de la femme

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