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À La Une - Société

L’abolition de la peine de mort, un combat qu’Ibrahim Najjar a fait sien

Le débat sur la peine capitale ne cesse de faire couler de l’encre. Cette troisième partie de notre dossier (voir « L’Orient-Le Jour » des lundi 25 et mardi 26 février) est consacrée au combat pour son abolition, mené par l’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar.

Les membres de la Commission internationale contre la peine de mort.

Malgré une nette tendance à l’abolition de la peine capitale et un recours limité à cette peine dans la plupart des pays, le nombre des condamnations à mort dans le monde reste alarmant. En 20 ans, plus de 50 pays sont devenus abolitionnistes en droit, mais en dépit de ces progrès, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l’objectif principal: l’abolition totale qui est un acte politique exigeant beaucoup de courage.


L’engagement de l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar en faveur de l’abolition universelle est constant. Ce combat constitue une de ses priorités en matière de droits de l’homme et se concrétise dans son action aux côtés des mouvements abolitionnistes, tant au niveau social qu’international, notamment dans son adhésion à la «Commission internationale contre la peine de mort». Créée par l’ancien chef de gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, et composée de treize personnalités internationales, dont Ibrahim Najjar et l’ancien ministre français de la Justice Robert Badinter, cette commission s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, partant du principe qu’elle viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Démarche vers l’abolition
«Tu ne tueras point»... C’est par ces mots que M. Najjar avait réagi dès son entrée en fonctions en 2008, face à une pile de 19 condamnations à mort, toutes contresignées par le chef de l’État et les ministres concernés, mais qui avaient besoin d’être validées par le nouveau ministre pour être mises à exécution. «J’ai immédiatement demandé au service de législation et de consultation de préparer un projet d’abolition de la peine de mort et d’engager une procédure pour instaurer une nouvelle loi sur l’aménagement des peines, c’est-à-dire de trouver des peines alternatives.» «Pour la première fois au Liban, nous avions appliqué la loi sur la réduction des peines carcérales. Par la suite, nous avons lancé une campagne de sensibilisation de l’opinion publique à travers les médias et des affiches accrochées dans les rues et les universités contre la peine de mort et les détentions abusives. Depuis ce jour, je crois qu’un véritable moratoire de fait a été adopté», déclare-t-il. Et d’ajouter: «J’ai tenté d’aller plus loin en réunissant tous les courants du Parlement libanais afin de poser le problème de la peine de mort, de son abolition et des peines alternatives. Je me suis rendu compte que les opinions étaient très divergentes, du Hezbollah aux Forces libanaises, en passant par les courants intermédiaires. L’abolition en bonne et due forme n’était pas envisageable. Les présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du gouvernement, eux aussi, n’y étaient pas favorables.»

 

(Pour mémoire : La belle leçon de Badinter)

Soutien de la Commission internationale contre la peine de mort
«La visite d’une délégation espagnole venue me soutenir dans mon action m’avait surpris au début, et m’a fortement encouragé par la suite», poursuit Ibrahim Najjar. «Sensibles à votre démarche, nous vous soutenons, m’ont-ils dit, parce que vous êtes le premier ministre arabe de la Justice à prendre position publiquement contre la peine de mort. Alors commençait pour moi quelque chose de nouveau, non seulement au Liban, mais dans les pays arabes aussi! J’ai alors œuvré pour obtenir la grâce en faveur d’un Palestinien, que je ne connaissais pas mais dont je n’ignorais pas le cas, Youssef Chaabane. Celui-ci avait été condamné à mort par les tribunaux libanais, avant que sa peine n’ait été commuée en emprisonnement perpétuel, pour avoir assassiné le conseiller militaire jordanien à Beyrouth. Puis, me rendant compte que deux autres Palestiniens avaient été exécutés en Jordanie pour le même crime, j’ai usé de mes moyens pour que le président de la République le gracie et j’ai obtenu gain de cause.»


«En tant que commissionnaire engagé dans la défense des droits de l’homme, les demandes d’intervention auprès des pays arabes m’assaillent de partout», souligne Me Najjar. Et d’attirer l’attention sur le véritable enjeu: «Le Liban, pays entouré et souvent talonné par une culture de la mort et de la banalisation de la personne humaine, a quand même réussi à préserver un principe directeur, celui de la dignité de la personne humaine. Principe qui doit être au centre de toute politique, au cœur de toute équité et de toute justice. C’est le combat pour le respect de toute personne, le combat contre l’élimination physique, acte de barbarie incrusté dans des convictions d’un autre temps.» «À ce jour, précise Me Najjar, 53 exécutions ont été appliquées au Liban depuis l’indépendance en 1943 et plus de 110 décisions de justice exécutoires sont dans les tiroirs, et ce depuis mon refus de 2008. Aucune décision n’a été encore prise sous le mandat de l’actuel président, et il a d’ailleurs suffi qu’un ministre de la Justice ou un Premier ministre (en l’occurrence Salim Hoss) refusent de contresigner l’ordre d’exécution pour aboutir à une abrogation ou à un moratoire de fait, signe de bonne marche sur le chemin de l’abolition...»

Une dimension internationale
Une résolution en faveur d’un moratoire sur l’application de la peine de mort dans le monde a été massivement adoptée, en décembre 2012, par l’Assemblée générale de l’ONU. S’il s’agit d’un texte non contraignant, à simple portée morale, il est intéressant toutefois de relever le nombre record de pays favorables à un tel moratoire: 111 États se sont prononcés pour l’abolition, 41 ont voté contre, dont les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Inde, la Corée du Nord, l’Arabie saoudite, et 34 autres se sont abstenus. Le Liban ne pouvait prendre position que par l’abstention. Dans les autres pays arabes, la situation est peu favorable à l’abolition, car elle fait partie intégrante de la charia. Seul le Qatar a adopté une sorte de moratoire de fait, bien qu’à l’Assemblée des Nations unies, il ait voté contre. Par ailleurs, la réunion de la Commission internationale contre la peine de mort, tenue à Madrid en décembre 2012, sera suivie d’une autre, le 14 avril 2013 à Oslo, dans le but de définir une nouvelle action, notamment en Afrique et en Amérique du Sud, d’élaborer les stratégies abolitionnistes des années à venir et de rappeler à un niveau planétaire la nécessité de l’abolition universelle pour un monde de progrès et de justice.


Et l’ancien ministre de conclure: «Malgré une prise de conscience qui n’existait pas il y a quelques années, et un fort engagement de la société civile libanaise dans la protection des droits de la femme et des détenus, un long chemin reste à parcourir. Il faut absolument que notre société puisse se développer afin de faire face à l’obscurantisme et au danger du “terrorisme intellectuel” qui ne vont pas de pair avec les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Bien que le Liban vive parfois un état de divorce entre le fait et le droit, l’idéal et le concret, il n’en demeure pas moins que le pays du Cèdre reste un ferment pour tous les pays environnants.»

 

 

Pour mémoire

La peine de mort, une justice qui assassine ?

 

II- La peine de mort au Liban : des familles de victimes et un condamné témoignent

 


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