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À La Une - Liban

Place des Martyrs, le « oui » au mariage civil

Une centaine de Libanais se sont mobilisés au centre-ville de Beyrouth pour la légalisation du mariage civil, suite à un appel sur les réseaux sociaux.

Roger Bejjani s’exprimant hier au nom des manifestants en faveur du mariage civil. Photo Ibrahim Tawil

La société civile n’a pas encore dit son dernier mot à propos de la légalisation du mariage civil. Malgré les menaces de traîtrise à la religion proférées par le mufti de la République, la désapprobation de certains politiciens et le silence précautionneux d’autres, les partisans d’un projet de loi favorable au mariage civil facultatif ont observé un sit-in hier, au centre-ville de Beyrouth, pour faire avancer les choses vers une législation appropriée.
Cela fait en effet plus de trois semaines que la question du mariage civil facultatif fait l’objet de tiraillements et de vives tensions au sein de la société civile et des milieux politiques et religieux. Relancé par le premier « mariage civil » au Liban, celui de Khouloud Sukkariyé et Nidal Darwiche, le débat s’est rapidement étalé sur les réseaux sociaux. Et c’est sur Facebook que l’initiative du sit-in a été lancée il y a quelques jours, appelant à une vaste mobilisation populaire.
Hier, sous le monument des Martyrs, une centaine de personnes du « Rassemblement des citoyens pour un État civil » ont brandi haut leurs slogans : « Oui au mariage civil, non à la guerre civile », « Je suis sunnite, je suis chiite : nous sommes libres de nous marier civilement », ou encore « Les religions appellent à l’amour, le confessionnalisme à la division ».

Séparer l’État de la religion
« C’est sur les décombres de Béryte, la première école de droit de l’histoire humaine, et du cœur de Beyrouth, mère de toutes les lois, que nous nous adressons aujourd’hui aux hommes de Dieu », a déclaré Roger Bejjani, prenant la parole au nom des participants. « Occupez-vous des choses religieuses et laissez au peuple le soin de décider de ses propres affaires. Ne vous mêlez plus de politique et des affaires de l’État car vous n’êtes pas élus par le peuple et vous manquez de la légitimité de la représentation », a-t-il dit.
Et d’ajouter à l’adresse des responsables politiques : « Le temps de la mainmise des autorités religieuses est révolu. Il est temps de ne plus sombrer dans le fanatisme confessionnel et d’ôter le confessionnalisme des esprits. Protégez les droits des citoyens libanais sous l’autorité d’un État de droit civil, où sont respectés les droits de l’homme, l’égalité des sexes, la laïcité, la modernité et la justice sociale. » Roger Bejjani a par ailleurs revendiqué la reconnaissance officielle du mariage de Khouloud et Nidal, jusque-là rejetée.
De son côté, Pascale Choueiri-Saad a appelé les députés libanais et les organisations de la société civile à approuver le projet de loi relatif à la légalisation du mariage civil facultatif, estimant que « les législatives de 2013 constitueront un examen pour tous les responsables libanais à ce sujet ».
Pour sa part, Hala Hassan, une étudiante de 21 ans, affirmait que « le mariage civil est un droit ». « Le mariage religieux ne protège pas les droits des femmes et des enfants, et les autorités religieuses n’ont aucun droit d’intervenir dans les affaires de la loi et de la politique », a-t-elle ajouté.
Pour Maria Hélou (22 ans), « il est grand temps de prendre cette décision courageuse dans un pays où coexistent 18 communautés, et de séparer l’État de la religion ». « Nous sommes en 2013, dans une ère moderne, et ce projet n’aboutit toujours pas. À chaque fois qu’il est présenté, les présidents de la République l’approuvent, et il se trouve un Premier ministre qui croule sous les pressions religieuses », a-t-elle dit. 


En effet, le chef de l’État, Michel Sleiman, avait indiqué sur Twitter être favorable à l’instauration du mariage civil au Liban, mais le Premier ministre, Nagib Mikati, avait rétorqué que « la question n’a pas à être soulevée actuellement, et elle ne le sera pas tant que je serai Premier ministre ».

Illogique
Pour beaucoup hier, les excuses présentées par les autorités religieuses n’étaient pas recevables. « J’ai conclu deux mariages civils à l’étranger, mais l’ironie est que j’ai divorcé la première fois au Liban », expliquait le présentateur télé Serge Zarka. Reprenant l’un des principaux arguments en faveur de l’établissement du mariage civil facultatif, il a rappelé que le juge libanais se prononce sur les contrats de mariage civil conclus à l’étranger, notamment en cas de divorce. En effet, il est vrai que le juge libanais statue sur les litiges éventuels liés au contrat de mariage, en se basant sur la loi en vigueur au lieu où ce contrat a été conclu, ce qui peut être perçu d’ailleurs comme une atteinte flagrante au pouvoir souverain du juge.
« Ce rassemblement est aujourd’hui très important car il regroupe des personnes de tous les âges, de toutes les confessions, et de toutes les affiliations politiques », a ajouté Serge Zarka, souhaitant voir « les instances religieuses ne plus user de la religion comme excuse en politique ». « Les religieux chrétiens ou musulmans dans d’autres pays ont-ils d’autres croyances ? N’appartiennent-ils pas tous aux mêmes institutions religieuses ? Comment donc le mariage civil peut-il être perçu contre la religion au Liban, et acceptable ailleurs ? » s’est-il interrogé.
Pour sa part, Ahmad, venu de la Békaa pour participer au rassemblement, faisait remarquer l’aspect illogique de se diriger vers Chypre pour conclure un contrat de mariage applicable au Liban. Une remarque reprise par le Dr Patricia Nabté, qui s’est interrogée de savoir pourquoi le Liban laisserait Chypre profiter du business du mariage civil. « Il n’est jamais sain que les religieux interviennent dans les affaires de l’État, sous l’audacieuse prétention qu’ils parlent au nom de Dieu », a-t-elle affirmé.

 

(Lire aussi : Les propos du mufti provoquent un tollé sur la Toile)


Ainsi, les défenseurs du mariage civil facultatif auraient plus d’un argument dans leur sac. Après le sit-in d’hier, de nouvelles mesures sont attendues pour promouvoir une législation à la hauteur de leurs attentes. « Si nous avons exprimé le désir de ne pas voir de politiciens participer à notre sit-in d’aujourd’hui, pour que personne ne monopolise notre cause, nos prochains projets seront avec les responsables politiques, car nous avons besoin de leur soutien pour aboutir à la promulgation d’une loi civile », a indiqué Bahjat Salameh à l’issue de la rencontre. En réponse à une question, il a affirmé que « les propos du mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, nous ont poussés à redoubler d’efforts », rappelant enfin les positions favorables de l’ancien Premier ministre Saad Hariri « qui a contrebalancé le discours du mufti ».

 

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