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À La Une - Insolite

Un ex-mafieux devenu peintre fait sensation à Rome avec sa vision idéalisée de la Sicile

Les toiles de Mutolo, artiste prolifique, se vendent entre 400 et 1.300 euros.

Un Italien observe une des peintures de Gaspare Mutolo exposée à Rome, le 18 janvier 2013. AFP / GABRIEL BOUYS

Un passé de tueur et de trafiquant de drogue pour Cosa Nostra et, 30 ans plus tard, un présent de peintre à succès qui expose dans une galerie de Rome : le parcours de l'ex-mafieux Gaspare Mutolo est tout à fait inhabituel.

 

Mutolo, aujourd'hui âgé de 72 ans, est un nom à sinistre consonance en Italie. Il fut organisateur d'enlèvements, trafiquant avec le Singapourien Kok Bak Kin et tueur à gages pour le compte du boss mafieux Toto Riina, avec 22 homicides par étranglement à son actif.

 

Mais depuis 1991, il a changé complètement de vie et est devenu un "repenti de la mafia", en décidant de collaborer avec les célèbres juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino --qui devaient être assassinés peu après-- pour mettre en déroute la mafia sicilienne, Cosa Nostra.

Ce qui ne l'empêchera pas d'écoper de 16 ans de prison lors du "maxi-procès" contre la mafia, qui verra la condamnation de dizaines de chefs mafieux début 1992.

 

"Mutolo, c'est une belle histoire de peinture, avec une véritable rédemption sociale et morale: il a commencé par peindre. La peinture l'a aidé à se sauver sur le plan moral, puis il s'est mis à collaborer avec la justice", explique à l'AFP Marco Dionisi, directeur de la galerie Baccina 66, qui expose une trentaine des toiles de l'ex-mafieux.

 

Dans ses tableaux au style naïf présentés jusqu'au 31 janvier à Rome, on retrouve de façon récurrente sa vision nostalgique de Palerme faite de maisonnettes à toits de tuile où dominent des tons riants, rouge, vert ou jaune. En arrière-plan, il peint souvent le Mont Pellegrino, paysage familier de son enfance dans le quartier de Partanna-Mondello. Au loin, sur la mer bleutée, voguent de petits bateaux aux voiles rouges ou bleues.

Mutolo vit aujourd'hui dans un lieu secret, sous le régime de protection spéciale accordé aux "repentis" de la mafia.

 

"Cette forte polychromie, les couleurs très gaies et extraverties, très claires, sont en contraste avec sa vie actuelle. Cela correspond à un rêve, à ce qu'il a à l'intérieur de lui-même", explique M. Dionisi, en soulignant que Mutolo s'inspire d'une "terre où il est né, a vécu, qu'il a énormément aimée et où il ne reviendra sans doute plus jamais".

 

Mutolo a commencé à peindre en 1983 lorsqu'il purgeait une longue peine dans la prison de haute sécurité de Florence. Il a expliqué dans de rares interviews avoir commencé par ennui, "parce que les journées passaient très lentement". Il a appris en regardant travailler un autre détenu surnommé l'Aragonese, condamné à perpétuité pour avoir assassiné sa femme et s'être débarrassé de son corps.

Il s'agit seulement de la troisième exposition personnelle de Mutolo en presque 30 ans d'activité.

 

"Mutolo a une base de style +naïf+ mais il a une capacité de composition extraordinaire qui a augmenté avec le temps", souligne auprès de l'AFP le critique d'art Fulvio Abbate. Selon cet expert, "ses tableaux sont vraiment beaux, au-delà du fait que ce soit ou non un ex-mafieux, cela n'a rien à voir".

 

Sa peinture mêle visions oniriques et références au passé comme dans une de ses vues idéalisées de Palerme, surmontée d'une horrible pieuvre aux multiples tentacules. En Italie, la pieuvre est l'un des autres surnoms de la mafia.

Une autre toile montre la capitale sicilienne parsemée de graffitis comme: "chassons la mafia des institutions".

"A travers sa collaboration avec Falcone, il a cherché à aider aussi les jeunes à ne pas tomber dans les griffes de la mafia", explique M. Dionisi, qui a rencontré à plusieurs reprises le peintre. "C'est un homme qui a profondément changé et méprise ce qu'il a fait avant", selon lui.

 

Mutolo, artiste prolifique, dont les toiles se vendent entre 400 et 1.300 euros, ne limite pas son inspiration à la Sicile et travaille actuellement à une nouvelle série "Paysages et fleurs". Ses oeuvres se vendent plutôt bien dans les milieux des passionnés d'art tout en ayant conquis aussi ses ex-correligionnaires: "il n'y a pas d'ex-mafieux qui n'ait pas un de ses tableaux", selon M. Dionisi.

 

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Mutolo, aujourd'hui âgé de 72 ans, est un nom à sinistre consonance en Italie. Il fut organisateur d'enlèvements, trafiquant avec le Singapourien Kok Bak Kin et...

commentaires (1)

L'artiste peintre, devenu un métier refuge, basé simplement sur le markéting. Je n'ai jamais pensé, pour vendre des journaux, qu'on est capable de se baisser à ce point et de manquer du respect vis à vis des vrais artistes où la majorité d'aujourd'hui meurent de faim. Malheureusement la majorité des médias d'aujourd'hui sont aveuglés par les histoires négatives de ce genre et prennent le devant sur l'intellectuel considéré comme deux fois rien à nos jours. Et le journaliste son rôle est réduit qu'à copier les autres articles sans même réfléchir ou les lire. C'est décevant. La responsabilité où est elle ?

Gebran Eid

08 h 37, le 20 janvier 2013

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Commentaires (1)

  • L'artiste peintre, devenu un métier refuge, basé simplement sur le markéting. Je n'ai jamais pensé, pour vendre des journaux, qu'on est capable de se baisser à ce point et de manquer du respect vis à vis des vrais artistes où la majorité d'aujourd'hui meurent de faim. Malheureusement la majorité des médias d'aujourd'hui sont aveuglés par les histoires négatives de ce genre et prennent le devant sur l'intellectuel considéré comme deux fois rien à nos jours. Et le journaliste son rôle est réduit qu'à copier les autres articles sans même réfléchir ou les lire. C'est décevant. La responsabilité où est elle ?

    Gebran Eid

    08 h 37, le 20 janvier 2013

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