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À La Une - L'impression de Fifi ABOU DIB

Rien à voir

Depuis le début des événements en Syrie, nous ne cessons de comparer la situation de nos voisins avec l’époque où nous vivions sous la guerre. Les premiers temps, certains de nos compatriotes affectaient l’indifférence, allant même jusqu’à évoquer un juste retour des choses, le régime syrien ayant forcé sur la manivelle à l’époque de son règne sur le Liban. Prompts à l’amalgame comme on peut l’être sous nos cieux, certains se frottaient les mains de voir, plongés dans l’enfer qui fut le nôtre, des hommes en âge d’avoir tenu les Orgues de Staline à Beyrouth. Soit, mais ils n’étaient pas 22 millions. Ils ne représentaient pas l’ensemble de la population syrienne qui, elle, pâtissait autant que nous des abus baassistes sans oser protester. Depuis que les premières émeutes ont ouvert la boîte de Pandore où trépignaient des démons indomptés, on ne compte plus les témoignages et les scandales, les crimes incommensurables contre la dignité humaine et la liberté de penser.


Ce conflit qui s’annonce interminable est-il comparable à celui que nous avons traversé ? Minés, ruinés, éparpillés, endeuillés, les Libanais n’ont pas fini de souffrir des séquelles de leur guerre de 15 ans. Dans nos souvenirs, nous avons eu peur, nous avons migré de quartier en quartier, de ville en ville et d’une villégiature à l’autre avant de quitter le pays, certains d’entre nous pour toujours. Nous avons passé des hivers sous la neige dans des maisons qui n’avaient vécu que l’été, et où les mots se figeaient en buées sinistres, étranglés par la crainte de l’avenir et déjà du lendemain. Nous avons manqué d’eau, de vivres, de carburant, nous avons inventé des réseaux d’approvisionnement et de solidarité, nous avons inventé plein de choses, et souvent nous avons forcé l’admiration du monde qui nous regardait gesticuler, fasciné par notre terrifiant spectacle. Les Syriens, de leur côté, sont eux aussi en train d’inventer des stratagèmes pour survivre. Ont-ils le choix ?


Les canaux d’information officiels de la Syrie publient des dépêches ubuesques où l’on apprend que des équipes de foot locales s’entraînent en vue des matches régionaux de 2014, que des expositions d’arts plastiques ont lieu ici ou là. Elles annoncent des festivals, des soirées animées par des DJ (en recommandant de ne pas conduire après avoir bu). On va encore dire que le pouvoir est déconnecté de la réalité, mais nous savons, nous, que des vernissages peuvent avoir lieu sous les bombes et que les boîtes de nuit n’ont jamais autant travaillé que quand les gens se sentaient en danger. Nous avons nous aussi préparé nos examens sous les obus, et pointé au travail après des nuits blanches dans les abris de fortune. Oui, nous avons essuyé quelques tirs de roquettes sur les campus des facs où logeaient aussi, parfois, des réfugiés. Mais non, nous n’avons jamais perdu 80 étudiants d’un coup. Des architectes. Des qui espéraient un jour participer à la reconstruction d’un pays dont on ne compte plus les ruines. Et non, il n’y a plus matière à comparaison depuis longtemps.

Depuis le début des événements en Syrie, nous ne cessons de comparer la situation de nos voisins avec l’époque où nous vivions sous la guerre. Les premiers temps, certains de nos compatriotes affectaient l’indifférence, allant même jusqu’à évoquer un juste retour des choses, le régime syrien ayant forcé sur la manivelle à l’époque de son règne sur le Liban. Prompts à...

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