Rechercher
Rechercher

À La Une - Action humanitaire

À Baalbeck, Mia Farrow, témoin de la résilience des Libanais et des Syriens

Au second jour de sa mission au Liban, l’actrice américaine n’a pu cacher ses émotions face aux rudes épreuves endurées par les réfugiés syriens. Reportage.

L'ancienne actrice américaine et ambassadrice de bonne volonté de l'Unicef, Mi Farrow, a rencontré, le 15 janvier 2013, des réfugiés syriens dans la Bekaa (Liban-est). REUTERS/Mohamed Azakir

Les traits de l’actrice Mia Farrow, préservés dans l’éclat de sa peau fine, transmettent l’intensité des émotions, presque sans mimisme. Au grand écran, la force du sentiment est là, dépouillée, abstraite, dissociée de l’impact laissé sur l’être personnifié par l’actrice.


Mais dans la tournée de deux jours auprès des réfugiés syriens au Liban, l’icône du cinéma américain, devenue ambassadrice de bonne volonté de l’Unicef, puise dans les stigmates de ses interlocuteurs le moyen de retransmettre au public international la violence muette qui continue de secouer les réfugiés.


Après le Akkar, la veille, c’est à Baalbeck que Mia Farrow s’est rendue, avec une délégation de l’Unicef. Sa silhouette fine, renflouée dans un anorak bleu de l’organisation, descend du quatre-quatre qui la dépose devant la maison de Hanaa et de son époux, boucher du quartier. La demeure de deux étages, aux murs encore non enduits de ciment, abrite depuis près d’un an cinq familles de réfugiés syriens, accueillis sans contrepartie par les propriétaires, eux-mêmes parents de quatre enfants. À petits pas, Mia Farrow traverse l’enceinte boueuse de la maison, au gazon disparate encore drapé des neiges de la tempête passée. Le froid austère est percé par les accueils chaleureux de quelques jeunes enfants syriens, venus la rejoindre au perron, pour lui indiquer le chemin au second étage, récemment réhabilité par l’Unicef. Voyant les dalles fraîchement nettoyées de l’étage, elle hésite un moment à y traîner ses bottes alourdies de boue. Elle se décide enfin à ôter ses chaussures à l’entrée de l’une des trois chambres de l’étage avant d’y entrer. Les médias suivent son initiative, avant de la rejoindre dans la chambre, meublée de matelas à même le sol. Assise les jambes croisées, elle livre son écoute aux doléances des femmes et enfants regroupés près d’elle.
Elle note les détails des récits relatés par les femmes, leur périple pour fuir Koussair, « jamais en groupe, toujours par étapes », et leur arrivée « dans le froid de l’hiver, après une nuit passée sous les arbres, dans les rues de Baalbeck ». Mia Farrow compatit sans fausses émotions.

 

 

Distribution d'aide à Baalbeck. Joseph Eid/AFP


Ce qui ne l’empêche pas de dire toute son admiration pour Hanaa, cette Libanaise qui affirme qu’elle n’aurait jamais pu laisser des Syriens, hommes, femmes et enfants, dans la rue. « Rien ne l’obligeait à abriter chez elle ces réfugiés. Et elle ne savait pas que l’Unicef allait venir l’aider », estime l’ambassadrice. Alors que les réfugiés étaient déjà chez Hanaa depuis un moment, l’Unicef a aidé à améliorer l’installation des familles.

Des larmes éloquentes
L’actrice examine l’état du plafond, qu’elle décrit sur son petit carnet jaunâtre. Sa calme sérénité esquisse de temps à autre un sourire, échangé du coin de l’œil avec une enfant de deux ans qui s’agite près d’elle. Discrètement, elle lui fabrique un éventail en papier, que la petite agite en riant.


Elle s’adresse ensuite à la femme entièrement voilée de noir, sexagénaire comme elle, assise dignement à sa droite. Les rires furtifs avec les enfants cèdent la place à des larmes partagées, petites, presque invisibles, mais profondément éloquentes. La « hajjé » a trois filles au Liban et trois autres en Syrie. « Je suis sûre que l’idée ne lui a jamais traversé l’esprit de se trouver là », répète l’actrice, lui demandant si elle a des amis à Baalbeck. « Les bonnes gens de cette maison nous ont permis de garder la tête haute », lui répond-elle. Mia Farrow s’attachera à cette phrase tout au long de sa tournée.

 

 

Mia Farrow et une réfugiée syrienne hébergée par une Libanaise à Baalbeck. Jospeh Eid/AFP


« La dignité que ces femmes ont chez elles leur est en partie reniée ici », évoquera-t-elle ensuite, s’attardant sur les propos d’une femme croisée au Akkar, qui lui avait décrit, « en brillante avocate de formation, l’humiliation qu’elle ressentait lors de la distribution des biens de première nécessité ».

 

(Pour mémoire : Une situation effroyable pour les réfugiés syriens à Saïda)

Des violences latentes dans les dessins d’enfants
Achevant sa tournée hier à l’association SAWA, qui œuvre depuis 22 ans à fournir un espace de divertissement et d’échanges pédagogiques aux enfants, c’est une ambiance joviale qui a prévalu.

 

Les enfants de trois à sept ans, le visage peint de couleurs, attendent en file indienne le paquet de l’Unicef que leur remet tour à tour Mia Farrow. Les enfants découvrent un anorak, un bonnet, une écharpe et des gants pour apaiser le froid mordant. L’ambassadrice veille à ce que tous reçoivent leur paquet. Elle ressent toutefois l’anxiété des parents, soucieux de ne pas sortir les mains vides de ce premier tour. Elle comprend « les tensions » décrites par un journaliste basé dans la Békaa. Des tensions qui s’attisent en effet entre Libanais et Syriens, mais aussi entre Syriens politiquement divisés.

 

(Lire aussi : Les réfugiés palestiniens venus de Yarmouk et la sécurité au camp de Beddaoui)

 

Deux jeunes assistantes sociales de l’association SAWA, la première à avoir aidé les réfugiés syriens dans un environnement politique hostile aux soulèvements en Syrie, décrivent rapidement « les violences latentes dans les comportements des enfants et même dans leurs dessins ». « Envoyez-moi ces croquis », leur demande Mia Farrow, en leur écrivant son adresse mail. « J’ai déjà une triste collection de dessins produits par des enfants dans un environnement de violence », murmure-t-elle. Après sa lutte en faveur des réfugiés du Darfour en 2003, qu’elle a décrite dans les colonnes du Chicago Tribune en 2006, c’est un témoignage aussi précis que possible qu’elle compte transmettre, à travers son blog et ses tweets, sur la situation des réfugiés syriens. « Le plus triste est de ne rien faire, parce que l’action qui nous est demandée est en réalité si minime. C’est lorsque nous surmontons nos appréhensions, à travers de petits actes, que nous pouvons faire changer la réalité. À condition que ces actes soient l’expression de notre humanisme dans son intégralité, et non son reflet fade, par bribes réduites. »

 

 

Lire aussi

À Aïn el-Héloué, la misère du double exode des réfugiés palestiniens de Syrie

 

Les traits de l’actrice Mia Farrow, préservés dans l’éclat de sa peau fine, transmettent l’intensité des émotions, presque sans mimisme. Au grand écran, la force du sentiment est là, dépouillée, abstraite, dissociée de l’impact laissé sur l’être personnifié par l’actrice.
Mais dans la tournée de deux jours auprès des réfugiés syriens au Liban, l’icône du cinéma...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut