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À La Une - Droits de la femme

« Un code civil pour tous est nécessaire au Liban », estime Élisabeth Badinter

Rencontre informelle entre la philosophe et militante française, Élisabeth Badinter, et plusieurs femmes de la société civile libanaise, sur le thème des droits de la femme. Une rencontre initiée par la journaliste May Chidiac, présidente du MCF Media Institute et professeur à Notre-Dame University.

Élisabeth Badinter et May Chidiac. Photos MCF Media institute

C’est un véritable déballage auquel a eu droit Élisabeth Badinter, vendredi dernier, de la part d’une poignée de femmes libanaises politiciennes, cadres, intellectuelles, militantes ou activistes de la société civile. Un déballage des innombrables problèmes que rencontrent les femmes dans leur vie quotidienne, dans cette société régie par les lois communautaires, au sein de laquelle elles tentent de se faire une place, au niveau de leur vie familiale, dans le monde du travail et dans la vie politique. Et qui a mis en exergue leur frustration extrême de ne pouvoir obtenir leurs droits, face au refus des ordres religieux, à l’immobilisme de la classe politique et surtout en l’absence d’une loi libanaise civile sur le statut personnel.


La rencontre, animée par May Chidiac, s’est déroulée, vendredi, au siège du MCF Institute, à Dora. Elle a vu la présence de l’ancienne ministre des Finances, Raya Haffar el-Hassan, de la directrice de l’Institut de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, Fadia Kiwan, de la directrice du Basil Fuleihan Institute of Finance, Lamia Moubayed Bsat, de la cofondatrice du forum MIT pour le monde panarabe, Hala Fadel, de la directrice générale adjointe de la Banque libano-française, Raya Raphaël, de l’activiste et consultante en relations publiques et communication, Asma Andraos, et de la présidente du Rassemblement des Français de l’étranger, Denise Revers Haddad.

Une société politique patriarcale
Les participantes n’ont pas manqué de dénoncer l’impossibilité, dans cette société « très patriarcale », comme l’a qualifiée Asma Andraos, de faire adopter des lois pour protéger la femme libanaise, comme la loi contre la violence conjugale ou celle autorisant la Libanaise ayant épousé un étranger à transmettre sa nationalité à ses enfants. Elles ont également fait part de « la faible représentation féminine en politique » et de la « difficulté pour une femme de percer dans la vie politique sans être poussée par un parti politique ». Elles ont évoqué, à ce titre, la grande frilosité des partis à introduire des femmes dans leurs listes électorales.


Mme Badinter s’est intéressée au parcours de l’ancienne ministre des Finances, Raya el-Hassan, qui a été nommée au gouvernement pour ses compétences, alors qu’elle n’a aucun background politique. L’ancienne ministre, qui estime sa nomination « positive pour la cause féminine », a néanmoins raconté sa grande difficulté « à être prise au sérieux par les parlementaires » et « les attaques verbales répétées », à la limite de la vulgarité, qu’elle a subies de la part de ses adversaires politiques, et parfois même de la presse, à l’heure où la polarisation était très importante. Est-ce parce qu’il s’agissait d’une femme ?


Également parmi les dossiers mis sur le tapis, l’impossibilité pour la femme libanaise d’être tutrice légale de ses propres enfants. Raya Raphaël a regretté qu’une mère ne puisse toujours pas ouvrir de compte bancaire au nom de ses enfants. « Et pourtant, la femme libanaise est active », a-t-elle observé, mettant l’accent sur le contraste entre les droits des femmes et leur accès à la vie active. « À la Banque libano-française, 51 % du personnel est constitué de femmes », a-t-elle affirmé, à titre d’exemple. Alors qu’au niveau du pays, seulement 27 % de femmes sont actives, selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT). « Le problème réside aussi dans le nombre restreint de femmes aux postes de cadres supérieurs », a insisté l’assistance.

Peu de jeunes militantes
Qu’en est-il de la réaction des féministes ? a demandé Mme Badinter. « Il y a de moins en moins de féminisme », a constaté Fadia Kiwan, précisant qu’il n’existe « pas de débat fondamental sur les droits des femmes au Liban », ce qui a entraîné « une régression » à ce niveau. Mme Kiwan a aussi souligné que dans l’ensemble du monde arabe, à l’instar du Liban, ce ne sont pas seulement les droits de la femme qui sont menacés, mais aussi « les libertés fondamentales ».


Lamia Moubayed a illustré ces propos en citant l’exemple du tchador. « Le port du tchador se répand chez des femmes de la société libanaise qui ne le portaient pas il y a des dizaines d’années », a-t-elle déploré. Autre lacune féministe, « il n’y a pas de sang jeune chez les militantes », a noté May Chidiac. Pire encore, « au Liban, on peut mourir pour ses opinions », a renchéri Hala Fadel, expliquant la léthargie des féministes et leur « fatigue » après avoir fait la révolution en 2005. Dans ce cadre qui n’a rien d’optimiste, les femmes ont intérêt à un code laïc, car ce sont elles qui paient le prix de l’obscurantisme des communautés religieuses. Mais le veulent-elles seulement ?


C’est en faisant part de sa grande perplexité face à la situation libanaise qu’Élisabeth Badinter a clôturé cette discussion à bâtons rompus. La militante n’a pu que constater le difficile combat des femmes libanaises, vu la persistance des lois communautaires. « Pour mener ce combat aussi destructeur, il faut être prêt », a-t-elle estimé. Rappelant qu’« en France, le combat féministe a été possible grâce à la laïcité », elle a souligné qu’au Liban, pour que les femmes libanaises obtiennent l’égalité des droits, « un code civil pour tous est nécessaire ». Avant de conclure, sur une note optimiste : « Cela reste un pays exceptionnel, où on se sent bien... »

 

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