Rechercher
Rechercher

À La Une - Beau livre

Il était une fois, les fabuleuses années de Beyrouth

Des milliers de souvenirs enfermés dans la véritable boîte à merveilles qu’est l’ouvrage de Imad Kozem, « Pure Nostalgia ».

«Chouette, je vais manger des falafels» a lancé Dalida à son arrivée en janvier 1973 à l’AIB. La diva retrouvait Beyrouth pour la 4e fois avec le même enthousiasme. Ses trois spectacles au théâtre Piccadilly affichaient complet. Les billets étaient vendus à 35, 25 et 15 LL.


«Un tube de pâte à ballons, Martine à la Mer, trois sucettes Chuppa Chups, une barre de chocolat Nestlé Nuts et deux pipes en réglisse. Total des achats, 7 LL.» Voici la liste qu’un enfant de dix ans pouvait se payer à la caisse hi-tech de Spinneys, ce grand supermarché de Ramlet el-Baïda, où les enfants s’amusaient à enchaîner les montées/descentes sur l’escalator électrique.


À 18 heures précises, les petits chérubins ont fini depuis longtemps leurs devoirs et sont sagement installés devant l’écran télévisé, dans l’attente que Télé-Liban entame son programme avec l’hymne national. La soirée commence par les dessins animés Heckel and Jeckle, suivis par Casper, le gentil fantôme. Quand Abou Salim apparaît, les parents viennent rejoindre les enfants devant le petit écran. À vingt heures trente, c’est l’heure du légendaire As3adou lahou masa’akoum (bonsoir) d’Arafat Hijazi, le présentateur du journal télévisé. Suivent les séries al-Akhras, avec Élie Snaifer, ou al-Bou’assa’, qui a pour vedette Antoine Kerbage...


Ces souvenirs, et des centaines, des milliers d’autres, sont enfermés dans cette véritable boîte à merveilles qu’est l’ouvrage de Imad Kozem, Pure Nostalgia, publié par GraphiShop, aux textes en français et en anglais rédigés par Gladis Audi et une préface signée par Mario G. Haddad.

 


Kozem l’informaticien, «jadis enfant unique, donc très gâté», comme il aime à se présenter, grand collectionneur de jouets (l’on dit qu’il possède l’une des plus belles et des plus rares collections de jouets de la région), grand amateur de «oldies but goldies», révolté et furieux de la manière dont sa ville natale, Beyrouth, a été défigurée au fil des décennies, a passé trois années à chasser, collecter, amasser, répertorier des images, des photos, des publicités de l’âge d’or de la capitale libanaise. De sa banque de données qui recèle quelque 34.440 documents, il en a sélectionné 3000 réunis dans cet ouvrage dont les 450 pages sont joyeusement truffées de souvenirs personnels, d’anecdotes savoureuses, de petits indices qui fleurent bon l’enfance ou la jeunesse (selon l’âge du lecteur).


Le résultat est une forme particulière d’autobiographie collective jubilatoire du Beyrouth des années 1950 à 1975.
Entre une ouverture sur un «Jouissez de la vie, il est beaucoup plus tard que vous ne le pensez» et une conclusion, ou presque, sur «La nostalgie est la négation du présent douloureux et l’aspiration ardente vers un passé cristallisé», le beau livre déroule treize chapitres inaugurés, comme il se doit pour tout voyage, par une descente à l’Aéroport international de Beyrouth. Premières réminiscences. Juin 1975 ou le lancement, par la MEA, du fameux «Jumbo Jet», fleuron de la flotte, aka le Boeing 747-200. Une photo en noir et blanc, représentant les employés de la compagnie posant fièrement devant l’oiseau d’acier, en témoigne. Des publicités d’époque illustrent des pages adjacentes, de même que celles vantant les mérites de la TMA. Autre événement marquant inscrit dans les annales de l’AIB: un appareil deux fois supersonique franco-britannique capable de relier Beyrouth à Paris en deux heures, le Concorde 002 a touché le tarmac libanais le 7 juillet 1975 à 9 heures.


De l’aéroport et ses visiteurs illustres, l’ouvrage nous emmène vers les lieux-phares du Beyrouth d’antan. En longeant les plages célèbres, du Saint-Simon au Saint-Michel, en passant par les plongeoirs du Strand Beach, des chalets de la Siesta, des cascades du Summerland ou des joueurs de trictrac du Coral Beach. Des photos des nuits folles de l’Acapulco, des dames blondes se prélassant à la Marina du Saint-Georges.

 


Direction Hamra, le paradis du shopping et des cafés-trottoirs, puis la corniche de Raouché, l’avenue des Français, Zeytouné ensuite et enfin Bab Idriss et Bourj, la fameuse place des Canons. Les photos défilent et, avec elles, les noms mythiques, pêle-mêle: le Grand Hôtel d’Orient, le Flying Cocotte de la rue Kantari, le Biarritz, le Strand, le Tramps (la boîte la plus en vogue du Moyen-Orient), la piscine de l’hôtel Carlton, le Sporting Club (le seul peut-être à avoir conservé son authenticité), le Blow Up, bar par lequel sont passés entre autres Tom Jones, Engelbert Humperdink, Santa Esméralda. Un élixir de jeunesse pour les cellules grises mnémoniques.


Comme le note si bien Mario G. Haddad: «Les gens de ma génération qui ont eu la chance de vivre ces années de rêve se délecteront en trouvant dans les pages qui suivent les souvenirs de ce que fut notre jeunesse. Si par contre vous êtes plus jeunes, vous en aurez certainement entendu parler par vos parents ou vos grands-parents et cet album vous permettra d’imprégner d’images les noms magiques qui résonnent encore dans toutes les mémoires.»
Des moments de vie ancrés dans la poussière du temps. Des réminiscences où il fait bon se blottir en ces temps d’hystérie collective.


Un ouvrage (dont une partie des bénéfices vont à l’association Tamanna) dédié à la mère et au feu père de Imad Kozem, qui «ont vécu leur époque intensément et m’ont immergé avec eux dans “l’air du temps”».


Souvenirs, souvenirs...

 

 

Lire aussi :

Beyrouth, Destroy... comme une renaissance

 

Pour mémoire :

Dis, te souviens-tu ?, le billet de Médéa Azouri

«Chouette, je vais manger des falafels» a lancé Dalida à son arrivée en janvier 1973 à l’AIB. La diva retrouvait Beyrouth pour la 4e fois avec le même enthousiasme. Ses trois spectacles au théâtre Piccadilly affichaient complet. Les billets étaient vendus à 35, 25 et 15 LL.
«Un tube de pâte à ballons, Martine à la Mer, trois sucettes Chuppa Chups, une barre de chocolat Nestlé...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut