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À La Une - Témoignage

Le sourire de Jennifer, la petite miraculée d’Achrafieh

Réunie autour de la crèche et du sapin de Noël, dans l’appartement provisoire qu’elle occupe, Jennifer, rescapée de l’attentat d’Achrafieh, et sa famille racontent le combat de la fillette.

La famille Chédid au grand complet : le bonheur malgré l’épreuve.

Un large sourire lui illumine le visage. Ce visage encore meurtri par les éclats de verre. Deux mois jour pour jour après l’attentat d’Achrafieh, Jennifer Chédid, la petite miraculée de dix ans à la volonté de fer, se porte « mieux ». C’est ce qu’elle avoue timidement, d’une voix fluette, depuis le salon d’un appartement coquet à Dékouaneh, où elle a été provisoirement installée avec sa famille par le Courant patriotique libre.
La fillette n’en dit pas plus. Pudeur oblige. Elle ne se plaint pas des milliers de cicatrices encore visibles sur son crâne, son visage, son cou et son corps et qui lui provoquent de terribles démangeaisons. Ni des éclats de verre encore plantés dans son visage. Ni de la raideur d’une partie de son visage et de son œil droit. De temps à autre, elle porte juste la main à son visage ou à son cou pour se gratter. Elle se ravise aussitôt, rappelée à l’ordre par sa mère Nisrine.
Elle n’évoque pas sa douloureuse convalescence. Ni les lourds traitements, scanners, séances de physiothérapie, pommades et autres contraintes auxquelles elle est obligée de se plier régulièrement pour apaiser ses blessures et guérir son traumatisme. Ni sa difficulté à trouver le sommeil, malgré les calmants qu’on lui administre encore. Elle évite de mentionner la possible greffe crânienne qu’elle pourrait subir si les médecins en décidaient. De même que les interventions de chirurgie esthétique auxquelles elle devra se plier inévitablement, comme l’assurent ses parents, Richard et Nisrine.

 

C'est dans cette pièce que Jennifer se trouvait

au moment de l'explosion.


Une longue convalescence
Tout ce qui intéresse aujourd’hui Jenny, comme l’appellent ses proches, c’est de combler son retard en mathématiques, en grammaire arabe et en sciences. Car la bonne élève a repris le chemin de l’école il y a un peu plus de deux semaines. « J’ai encore des lacunes, dit-elle avec gravité. Je dois rattraper mon retard. » Un rattrapage difficile sans aide extérieure, après un mois et demi d’absence. « Je voudrais tellement aider ma fille, mais je rentre tard du travail, explique sa mère. Je lui donne alors le bain avant de lui appliquer la pommade sur les cicatrices et lui refaire les pansements. »
Et puis à l’école, les enseignantes sont attentives et pleines de bonne volonté. Mais elles n’ont pas la possibilité de revenir sur les notions que Jenny a ratées, vu les contraintes de temps que leur impose le programme. Il faut dire que la fillette doit être ménagée. Toujours sous médication, elle n’a pas recouvré sa réelle capacité de concentration. « J’ai parfois mal à la tête », dit-elle, effleurant la cicatrice de son crâne. « Tant que le crâne ne sera pas totalement refermé, elle est interdite de sport et de foule », affirme Nisrine. « Nous ne pouvons pas prendre le risque qu’elle tombe, qu’elle soit bousculée ou qu’elle reçoive un coup, explique-t-elle. Nous la protégeons aussi du bruit qui la dérange et la fatigue. »
Fini donc le service d’autocar pour la fillette que son père dépose et ramène chaque jour. Finie aussi la cour de récréation, où elle risquerait de se faire mal. Jenny reste en classe avec deux amies qui lui tiennent compagnie. « Chaque semaine, j’ai l’autorisation de choisir deux nouvelles amies qui passeront la semaine avec moi », avoue-t-elle avec ce sourire qui ne la quitte jamais.

 

Jennifer et Josiane Chédid, tout sourire, devant la crèche de Noël

soigneusement préparée par leur père Richard.


Traumatisme psychologique
Un sourire qu’elle a réussi à communiquer à sa famille, malgré l’épreuve. « La prière nous a énormément aidés », souligne sa mère, tout sourire elle aussi. « Nous savons que le chemin est long vers la guérison totale. Mais nous rendons grâce à Dieu, à la Vierge, à sainte Rafqa et à saint Charbel », dit-elle, montrant les icônes encore tachées de sang qu’elle a sauvées de l’appartement en ruines. « Je n’arrive toujours pas à croire que ma famille est sauvée », lance-t-elle les larmes aux yeux.


Nisrine s’inquiète cependant. Non seulement pour la capacité de récupération de sa benjamine qui souffre dans sa chair, mais aussi pour son aînée Josiane, 17 ans, qui a sorti sa sœur des décombres et qui peine à se remettre. « Elle est encore traumatisée. Ses nuits sont hantées de cauchemars. Elle revit sans cesse l’explosion et le déroulement de l’événement, raconte-t-elle. Mais elle m’en parle, fort heureusement, surtout la nuit. Nous nous asseyons alors devant la crèche et le sapin de Noël, et nous bavardons. » « Je n’arrête pas de me dire qu’à une seconde près, nous serions tous morts », renchérit Josiane, relatant les instants de l’explosion.


Qu’en est-il de l’assistance psychologique promise ? « Elle a été de courte durée », note Nisrine, dont le silence en dit long sur les promesses lancées en l’air par telle ou telle partie désireuse de se faire de la publicité. Pour le moment, la jeune fille a repris les études d’art dramatique qu’elle rêvait d’entreprendre. « Mais je ne la sens pas enthousiaste », constate sa mère.


L’inquiétude de cette mère face à la douleur de ses enfants n’est pas sans fondement. La famille a été avisée qu’elle pourrait réintégrer son logement à Achrafieh avant le 31 décembre. D’ici là, les travaux de reconstruction réalisés par l’association Offre-Joie devraient être terminés. Les filles sont-elles psychologiquement prêtes à retourner sur les lieux de l’attentat ? La mère l’appréhende fortement.

 

 

Pour mémoire :

Sur les réseaux sociaux, un élan de solidarité avec les victimes d’Achrafieh

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