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À La Une - Conférence

Edward Djerejian à Cannes : Le Hezbollah pourrait mener des actions terroristes en cas d’attaque contre l’Iran

La cinquième réunion internationale sur la gouvernance mondiale, organisée par la World Policy Conference (WPC), a clôturé ses travaux hier à Cannes. L’une des dernières sessions a porté sur la situation au Moyen-Orient et son possible impact sur le Liban

La cinquième réunion internationale de la World Policy Conference (WPC), visant à plancher sur les meilleurs moyens d’améliorer la gouvernance mondiale (voir L’Orient-Le Jour du 10 décembre), a clôturé ses travaux hier, lundi, à Cannes, au terme de quatre jours de débats. Près de 400 personnalités d’horizons très divers – des dirigeants et de hauts responsables politiques, des ambassadeurs, des chefs d’entreprise internationaux, des experts, des journalistes et des universitaires – ont participé aux réunions, intensives, tenues à l’hôtel Martinez, sur la Croisette. 


Le Liban était présent à ces débats par le biais des contributions du Premier ministre Nagib Mikati (représenté par l’ambassadeur Moustapha Adib), du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé (qui a participé à un atelier de travail sur la gouvernance mondiale dans le domaine de la finance), du vice-gouverneur de la BDL, Raëd Charafeddine, ainsi que de MM. Riad Tabet, président de la Berit International Holding et de Batiliban-France, et Samir Nasr, directeur général des ECE (Études et consultations économiques, basées à Beyrouth).


Dans le discours qu’il avait préparé pour la séance inaugurale (et qui a été lu par l’ambassadeur Moustapha Adib), le Premier ministre avait tiré la sonnette d’alarme concernant la situation explosive actuelle au Moyen-Orient, mettant l’accent sur les défis présents et suggérant une feuille de route qui devrait être suivie afin que le printemps arabe aboutisse réellement aux objectifs escomptés en termes de démocratie, de changement de mentalités et de développement social et économique.


Les défis et les enjeux divers auxquels est confronté le Moyen-Orient et leur impact possible sur le Liban (entre autres) ont fait l’objet, précisément, d’une session plénière dirigée par Mehmet Ali Birand, rédacteur en chef de CNN Turk, et animée par un panel prestigieux : Edward Djerejian, ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie et président fondateur du James Baker III Institute for Public Policy ; Meir Sheetrit, député israélien et ancien ministre israélien de l’Intérieur ; Manuel Hassassian, ambassadeur de Palestine à Londres ; Jean-David Levitte, ancien conseiller diplomatique du président Nicolas Sarkozy ; et Mme Mona Makram Obeid, ancienne députée égyptienne.


Abordant les dossiers iranien et syrien, Edward Djerejian s’est d’abord montré sceptique quant à l’efficacité d’une attaque militaire contre l’Iran afin de stopper son programme nucléaire. Il a précisé sur ce plan que si Israël mène cette attaque, le programme nucléaire de l’Iran sera retardé de deux ans, et si la frappe est dirigée par les États-Unis, le répit sera de quatre ans. « Pour éradiquer la menace, il faudrait une offensive globale, ce que nul ne souhaite, a affirmé l’ancien ambassadeur américain. Une opération militaire ne fera donc que reporter la menace, mais dans l’immédiat, elle poussera le régime iranien à lancer des attaques terroristes en ayant recours notamment au Hezbollah. »

Assad, un ophtalmologue sans vision
Concernant la situation en Syrie, M. Djerejian a relevé que le régime syrien, depuis Hafez el-Assad et jusqu’au pouvoir actuel du fils, Bachar el-Assad, a fait preuve d’un très grand degré de résilience. « Il n’en reste pas moins que nous sommes aujourd’hui dans l’ère post-Assad, a relevé M. Djerejian. Cela est indéniable. L’indice le plus probant de cette ère post-Assad est que les rebelles ont réussi à transposer la bataille à Damas et Alep. Bachar el-Assad a montré qu’il est un ophtalmologue sans vision. En 2003, je l’avais incité à s’engager sur la voie des réformes politiques. Il m’avait alors répondu que le peuple syrien n’est pas prêt pour les réformes. En 2011, ils ont ressorti le même argument, ce qui illustre le fait que Bachar el-Assad n’a rien compris et qu’il n’est pas sérieux pour ce qui a trait aux réformes. Le régime faiblit de plus en plus, mais l’opposition n’est pas encore suffisamment unie pour que l’on puisse percevoir la nature de la relève. »
Indiquant que la tendance actuellement est à « une certaine intervention internationale » pour mettre un terme à la tragédie syrienne, M. Djerejian a réitéré ses appréhensions concernant la relève qui pourrait être mise en place à Damas, soulignant que plus la crise se prolonge et plus les courants radicaux se renforceront. Il a rapporté à cet égard qu’il y a près d’un an, l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger a demandé au président Vladimir Poutine quel était, selon lui, le plus grand danger qu’il craignait. Le président russe a répondu : « La montée du fondamentalisme musulman. » Et M. Djerejian d’ajouter que les dirigeants russes qualifient les Américains de « naïfs », leur reprochant de « soutenir le fondamentalisme contre des régimes laïcisants ».

 

Photo AFP

 


L’ancien ambassadeur US a d’autre part confirmé dans ce contexte que la Russie et la Chine s’opposent à un vote au Conseil de sécurité contre le régime syrien afin de ne pas créer un précédent en matière d’’intervention onusienne dans les affaires intérieures d’un pays, ce qui risquerait d’entraîner une intervention similaire face à la situation en Tchétchénie et au Tibet. M. Djerejian a d’autre part insisté sur l’importance de la sauvegarde du caractère pluricommunautaire de la société syrienne, mettant en garde à ce propos contre les retombées sur le Liban, mais aussi sur la Turquie et même sur Israël, d’un éventuel éclatement de la Syrie.

Jean David Levitte et la menace iranienne
L’intervention de M. Jean David Levitte a été essentiellement axée sur le dossier iranien. Il a d’abord souligné, d’emblée, que les États-Unis étant de moins en moins dépendants du pétrole, ils ne sont plus enclins autant qu’auparavant à intervenir directement au Moyen-Orient en tant que meneurs de jeu. Ils préfèrent plutôt les actions collectives. Ce « repli » relatif américain a une exception, précise l’ancien conseiller du président Sarkozy : l’Iran. Si le régime iranien parvient à obtenir la bombe, cela entraînera inéluctablement une course à l’arme nucléaire dans la région, incluant en priorité l’Égypte et l’Arabie saoudite, ce que Washington est déterminé à éviter. D’où les sanctions imposées à Téhéran. Des sanctions qui s’avèrent efficaces, souligne Jean David Levitte, puisque l’exportation du pétrole iranien est en chute libre, entraînant un manque à gagner, en termes de recettes pétrolières, de 3 milliards de dollars par mois, ce qui provoque une grogne sociale grandissante, « notamment au niveau du bazar ».

 

 

Le guide suprême iranien, Ali Khamenei. archives AFP

 


Face à une telle situation, indique M. Levitte, Khamenei pourrait accélérer la marche vers l’arme nucléaire car, comme dans le cas de la Corée du Nord, obtenir la bombe signifie pour Téhéran « consolider le rôle régional de la République islamique et, surtout, protéger le régime ». « Donc, paradoxalement, les sanctions imposées à Téhéran accélèrent la marche vers la bombe nucléaire en Iran, ajoute l’ancien conseiller de Sarkozy. Or Israël ne laissera pas faire le régime iranien sur ce plan, et ce qui compte pour Israël dans ce cadre, c’est le seuil à partir duquel le processus de fabrication de la bombe deviendra irréversible. Ce seuil d’irréversibilité, nous y sommes presque. Il sera atteint dans un délai qui se compte en trimestres. »


À la lumière de telles données, le président Barack Obama tentera d’éviter le conflit en essayant de relancer la négociation avec le régime iranien, notamment par voie directe, affirme M. Levitte qui ajoute qu’en cas d’échec, le président Obama essaiera de ne pas s’engager seul dans un conflit et cherchera à réitérer le scénario de la guerre du Koweït, lorsque le président Bush avait mis sur pied une large coalition pour mettre fin à l’occupation irakienne du Koweït. Mais une telle coalition, poursuit M. Levitte, risquerait de se heurter à la Russie et la Chine. L’ancien conseiller de l’Élysée part de cette constatation pour suggérer que le président Obama propose aux Russes un « package global », afin de les convaincre, de manière qu’une éventuelle attaque contre l’Iran soit associée à une relance effective du processus de paix israélo-palestinien et une accélération du règlement en Syrie.

La position israélienne
 Intervenant à son tour sur la question, le député israélien et ancien ministre Meir Sheetrit (opposition) a souligné qu’Israël ne saurait accepter en aucun cas que l’Iran obtienne l’arme nucléaire, et même si l’État hébreu se trouve contraint d’agir seul, il n’hésitera pas à le faire. M. Sheetrit a souligné sur ce plan que si le régime iranien parvient à fabriquer la bombe, il ne manquera pas de phagocyter les pays arabes, « dont notamment les plus proches alliés des États-Unis ».


S’il a affiché ainsi une position ferme concernant le dossier nucléaire iranien, Meir Sheetrit s’est montré par contre particulièrement conciliant au niveau du problème palestinien, affirmant que la paix est dans l’intérêt d’Israël et se prononçant clairement à cet égard pour la relance de l’initiative arabe de paix, telle qu’avalisée lors du sommet de Beyrouth. « L’initiative arabe de paix constitue une opportunité historique qui doit être saisie par Israël », a déclaré M. Sheetrit qui s’est prononcé pour un règlement sur base des frontières de 1967.


La position du député israélien n’a pas empêché toutefois l’ambassadeur de Palestine à Londres, Manuel Hassassian, de stigmatiser vivement la politique de l’actuel gouvernement israélien, notamment pour ce qui a trait à la décision de construire de nouvelles implantations dans les territoires palestiniens. L’ambassadeur palestinien s’est montré en outre réservé au sujet de la portée des révolutions arabes, déplorant l’absence de changement au niveau des mentalités et des réalités sociales. Un point de vue partagé par l’ancienne députée égyptienne Mona Makram Obeid qui a relevé que « deux Égypte » se font face aujourd’hui du fait que le président Morsi s’est « arrogé des prérogatives que même son prédécesseur n’avait pas ». Et Mme Obeid de souligner que le projet de Constitution que le président Morsi veut faire approuver « limite la liberté de la presse et porte atteinte aux droits des chrétiens, des minorités et des femmes »... Ce qui explique, à l’évidence, la confrontation actuelle entre « deux Égypte », l’une libérale et l’autre engluée dans la tentation totalitaire.

 

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