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À La Une - Liban - Emploi

Le dossier épineux de la main-d’œuvre palestinienne au Liban

L’OIT et le CEP ont présenté hier au public les résultats d’une étude sur les conditions de travail des réfugiés palestiniens au Liban. L’objectif : donner aux décideurs politiques les outils et chiffres nécessaires pour changer la donne et séparer enfin droits civils et droits politiques.
« Nous sommes partis d’un constat très simple : des centaines de milliers de réfugiés palestiniens vivent sur notre sol, ils travaillent dans des entreprises libanaises, consomment localement, mais la grande majorité d’entre eux vivent dans des conditions proches ou en dessous du seuil de pauvreté. » C’est ainsi que la directrice générale adjointe de la direction régionale de l’Organisation internationale du travail (OIT), Nada al-Nashif, a inauguré hier un atelier de travail présentant les résultats d’une étude sur la situation de la main-d’œuvre des Palestiniens au Liban. « Nous sommes par ailleurs convaincus qu’une meilleure intégration de cette population-là dans le marché du travail libanais est bénéfique pour tout le monde. »
C’est ainsi, à partir de ces deux considérations principales, que va naître l’idée d’une étude sur les conditions de travail des réfugiés palestiniens sur le marché libanais. L’OIT et le CEP (Committee for the Employment of Palestinian Refugees), financés par l’Union européenne, ont mené des enquêtes auprès de 2 600 familles dans les 12 camps et 42 regroupements qui existent à travers le pays. L’étude se concentre autour de trois axes principaux : la démographie des réfugiés palestiniens, leur niveau d’éducation et leur participation au marché de l’emploi.
« L’objectif principal du rapport présenté aujourd’hui au public est de fournir des données objectives et mises à jour aux législateurs et décideurs politiques libanais pour leur donner les moyens d’agir et de changer la donne », a affirmé Mme al-Nashif.

Les principaux résultats de l’étude ne sont guère encourageants
« Cette étude montre des résultats très similaires à celles réalisées précédemment par l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et l’Unrwa », a indiqué Sawsan Masri de l’OIT. Ainsi, selon le rapport, la main- d’œuvre palestinienne est très jeune (63,2 % d’entre elle a entre 15 et 64 ans, contre 52 % seulement des Libanais). 11 % seulement des réfugiés palestiniens poursuivent leurs études après le brevet et seuls 6 % d’entre eux vont à l’université, contre 16,2 % et 15,4 % des Libanais respectivement.
Parmi les réfugiés palestiniens qui travaillent, la grande majorité est en situation de grande précarité. Plus d’un tiers d’entre eux occupent un emploi journalier ou hebdomadaire et près de 80 % travaillent dans le bâtiment, l’agriculture ou dans des petits commerces et n’ont aucune forme de contrat ou de protection sociale. Le salaire moyen de la population active occupée palestinienne est de 537 000 livres, contre un salaire minimal de 679 000 livres pour les Libanais en 2007, soit avant même la hausse des salaires qui a eu lieu en début d’année. Parallèlement, plus de 50 % des Palestiniens gagnent moins de 500 000 livres par mois.
Les femmes, bien que plus éduquées selon l’enquête, sont encore largement exclues du marché du travail (elles ne représentent que 15 % des travailleurs palestiniens au Liban) et sont beaucoup moins payées pour le même poste (82 % du salaire d’un homme en moyenne).
Par ailleurs, le rapport met en lumière un chiffre étonnant à première vue : le taux de chômage parmi les réfugiés palestiniens est de 8 % seulement. « Ce résultat a été obtenu en prenant en compte les critères de l’OIT pour définir une personne au chômage », a expliqué Mme Masri. Les réactions dans le public, venu assister à la présentation du rapport, ne se sont pas fait attendre. Beaucoup ont critiqué les méthodes utilisées pour obtenir ces chiffres, « qui ne correspondent pas à la réalité de la situation des Palestiniens au Liban et qui donnent l’impression que leur problème dans l’intégration du marché de l’emploi est minime ».

Les prochaines étapes dans le changement
Selon les conclusions du rapport, c’est en premier lieu de décisions politiques courageuses dont a besoin le Liban pour améliorer les conditions de travail des réfugiés palestiniens. « Les normes et les lois mettent encore trop de barrières aux employeurs libanais pour embaucher facilement et sans coûts salariaux supplémentaires des travailleurs palestiniens », a regretté le président du CEP, Samir el-Khoury.
Rappelons que mis à part les professions libérales qu’ils ne peuvent pas exercer à cause du principe de réciprocité, les Palestiniens ont toujours beaucoup de mal à obtenir des permis de travail qui leur donnent le droit à percevoir des indemnités de fin de service de la part de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS). « Ce dernier point a été rendu possible grâce à l’amendement de deux textes de loi – dans le code du travail et la loi de la Sécurité sociale – voté en août 2010 par le Parlement qui lèvent la réciprocité dans l’obtention des permis de travail et le rendent gratuit », a expliqué M. el-Khoury. Cette gratuité n’a toutefois pas changé la réalité sur le terrain car les obstacles pour obtenir un contrat de travail, condition pour la délivrance d’un permis de travail, sont encore nombreux. « L’ancien ministre du Travail, Charbel Nahas, avait émis une décision ministérielle pour que les réfugiés palestiniens puissent eux-mêmes aller obtenir leur permis de travail sans que leur employeur n’ait à le faire, mais elle a été suspendue par l’actuel ministre Sélim Jreissati », a expliqué à L’Orient-Le Jour une source informée désirant garder l’anonymat.
« C’est également les mentalités qu’il faut changer », a souligné l’attachée en coopération de la délégation de l’UE au Liban, Paula Martinez. Selon elle, les politiciens ont mélangé droits civils et droits politiques des Palestiniens à des fins électorales et le droit au travail ne veut en aucun cas dire naturalisation ou suppression du droit de retour. « Il faut que les Libanais comprennent que donner plus de droits aux Palestiniens est bénéfique à l’économie libanaise : ils consomment ici, ils cotisent à la Sécurité sociale, même s’ils n’en bénéficient pas, et le travail au noir contribue à tirer vers le bas les conditions de travail et à fragiliser le tissu social », a-t-elle ajouté.
« Nous sommes partis d’un constat très simple : des centaines de milliers de réfugiés palestiniens vivent sur notre sol, ils travaillent dans des entreprises libanaises, consomment localement, mais la grande majorité d’entre eux vivent dans des conditions proches ou en dessous du seuil de pauvreté. » C’est ainsi que la directrice générale adjointe de la direction régionale de...

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