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À La Une - CES JEUNES DE LA DIASPORA LIBANAISE QUI FONT PARLER D'EUX

Loubnan Baalbacki, un maestro libanais dans les Carpates

"Ma nationalité, c’est la musique. Et celle-ci ne se soucie pas des frontières".

Loubnan Baalbacki, dirigeant l'orchestre philharmonique du Liban, le 12 octobre 2012, en l'Eglise Saint Joseph, à Beyrouth. Photo Wael Ladki. 

Chez les Baalbacki, si l'on ne naît pas artiste, on a du moins de grandes chances de le devenir. 

Que l'on en juge : il y a d'abord Abdel Hamid, le père, un peintre de renom. Puis les enfants, aujourd’hui adultes : Oussama, peintre également, Soumaya, chanteuse, Salman, joueur de percussion, Mounzer acteur… et maintenant Loubnan, le maestro. Septième enfant d’une fratrie de huit, le jeune homme a fait ses débuts sur la scène libanaise en octobre dernier en dirigeant l’orchestre philharmonique national en l’Église Saint Joseph à Beyrouth. Une véritable consécration pour ce jeune homme de 31 ans, qui lui a permis de renouer les liens avec son pays.

 

Ce concert marque en effet pour ce chef d'orchestre installé depuis neuf ans en Roumanie, le début d'une collaboration sur le long terme avec l'ensemble libanais. Une collaboration selon laquelle Loubnan doit venir au Liban tous les deux mois, pour une période de trois semaines, afin de diriger les musiciens de l'orchestre philharmonique.

 

(Pour mémoire : Bacchanales et houle « franckienne » sous la férule de Loubnan Baalbacki)

 

Le destin de Loubnan s’est joué à l’âge de 9-10 ans, lorsqu'il tombe sur une cassette et l’insère dans le lecteur. Le Concerto pour violon de Beethoven emplit sa chambre, dans la maison familiale à Hamra. Un coup de foudre musical. "J’ai une relation très étrange et secrète avec cette cassette, raconte Loubnan. Elle représente mon premier contact avec la musique classique. Je n’ai jamais su qui, dans la famille, l’avait achetée. J’étais le seul à la connaître et je l’écoutais tous les jours, dès que j’étais seul à la maison. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à rêver de musique classique".

 

A la maison, on baigne dans l’art et on écoute les classiques orientaux. Quand Soumaya, une des grandes sœurs de Loubnan, se lance dans le chant, elle ramène à la maison des claviers et un oud. Grâce à ces instruments, le jeune Loubnan part à la découverte des sons. "Soumaya est celle qui a découvert mon talent musical, reconnaît le jeune homme. J’ai pris l’habitude de la suivre à chaque fois qu’elle se rendait au conservatoire" à Beyrouth.

 

A 13 ans, Loubnan arrête de suivre sa sœur et se rend seul au conservatoire, pour y suivre des cours de piano et de violon. Sa motivation : interpréter un jour ce Concerto pour violon de Beethoven qui l'entête. Parallèlement, il forme un groupe avec des amis. "Je jouais du violon et je dirigeais la formation. J’ai alors commencé à ressentir une envie de diriger".

 

Son bac en poche, Loubnan part étudier trois ans la musicologie à l’Université Saint-Esprit de Kaslik, au nord de Beyrouth. "Je n’y ai pas trouvé ce que je cherchais", déplore-t-il.

Son regard se tourne alors vers l’Europe, là où il fallait être pour la musique classique. Il tente Paris puis Berlin pour finir à Kluj, en Roumanie. Il ne parle pas la langue et s’exprime avec les mains. Mais il fait une rencontre déterminante : Petre Sbarcea, le maestro qui deviendra son maître. Celui-ci lui demande tout de suite de diriger. "Il voulait voir comment je ressentais la musique. Puis il m’a dit que j’avais de bonnes mains pour la direction d’orchestre. Ce professeur a changé ma vie".

 

 

Loubnan Baalbacki devant l'orchestre philharmonique du Liban en l’Église Saint-Joseph, à Beyrouth. Photo Waël Ladki.  

 

 

Rapidement, Loubnan prend la direction de l’orchestre de l’Académie de musique. "Le talent musical ne suffit pas pour être un bon chef d’orchestre, explique-t-il. Il faut beaucoup de psychologie. C’est un art très complexe. Pour que les émotions parviennent au public, les musiciens doivent vivre leur musique et y prendre du plaisir. Tout est dans le dosage. Combien faut-il prendre de l’âme des musiciens pour qu’ils donnent le meilleur de leurs émotions. C’est ce que j’appelle +l’art manipulatoire de la direction+".

 

En 2009, son diplôme de l’Académie de musique en poche, le jeune homme décide de s’établir à Bucarest, capitale culturelle foisonnante. Il y commence sa carrière professionnelle. Il dirige d’abord l’orchestre de l'opéra de Timisoara, puis, une dizaine d'autres à travers la Roumanie. A chaque fois, il inclut dans la programmation des concerts une œuvre d’un compositeur libanais, pour le faire découvrir au public local. Il invite aussi Marcel Khalifé à se produire sur scène avec lui, ainsi que Charbel Rouhana.

 

En novembre, Loubnan s’envolera pour l’opéra de Düsseldorf, où il fera un stage d’assistance de trois mois, qui se poursuivra, il l’espère, par une collaboration à plus long terme. Car ce que vise le jeune Libanais, aujourd'hui, c'est une carrière internationale. "La direction d’orchestre est une carrière dont les fruits se récoltent tard, car il faut atteindre une maturité musicale et maîtriser l’art de la relation avec les musiciens".

 

Mais pour le moment, Loubnan Baalbacki est bien en Roumanie. Il y a fondé une famille. "Ma terre d’ancrage reste la Roumanie. Je n’ai pas la nationalité roumaine. J’ai celle de la musique, et celle-ci ne se soucie pas des frontières. Avec elle, je peux voyager partout".

 

 

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