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À La Une - Le point

Un rêve américain

En 2008, les Américains avaient envoyé à la Maison-Blanche un fabricant de rêve – ce qui n’est pas forcément répréhensible –, qui, quatre ans plus tard, n’a toujours pas réussi à concrétiser ce rêve – ce qui ne laisse pas augurer d’un proche avenir radieux. Sagement ou non, ils ont opté pour un président sortant, et donc qu’ils connaissent, plutôt que pour un adversaire qui n’a fait ses preuves qu’à l’occasion de Jeux olympiques d’hiver. Ce faisant, ils ont donné au premier un nouveau bail censé, cette fois, unifier des rangs qui jamais n’auront été aussi divisés. Il est permis de douter, au vu des résultats des législatives (une Chambre des représentants plus républicaine que jamais), que l’union sacrée soit pour demain. Tout comme on peut s’interroger sur la possibilité de voir réglés, dans un proche avenir, les problèmes du chômage et de la croissance. À tout le moins peut-on espérer voir se mettre en place, avec beaucoup de chance, un nouveau système de santé en faveur des plus démunis. Ce n’est pas assez, dites-vous ? C’est énorme, au pays du chacun pour soi.


« Le meilleur est encore à venir », a lancé le président au soir de sa victoire, ce qui est une forme à peine remaniée du fameux « Yes we can », qui faisait écho au « I have a dream » de Martin Luther King. Dans la réalité, les choses sont quelque peu différentes. Selon un sondage de l’Associated Press, d’un groupe de chaînes de télévision, dont le New York Times faisait état quelques heures après la clôture des bureaux de vote, quatre Américains sur dix pensent que l’économie se remet lentement mais sûrement de la crise de 2008 qui avait failli tout emporter ; ils sont plus nombreux à croire le contraire, ce qui devrait laisser rêveurs les états-majors des deux camps.


Techniquement, on pourrait recommander aux écoles de Sciences po d’inclure dans leur programme cette campagne électorale, la plus coûteuse de l’histoire, ainsi que l’impact des publicités, négatives en majeure partie, sur le cours de la bataille. Dès le départ, on voyait bien que les stratèges du Parti de l’âne jouaient la carte des grands électeurs plutôt que celle des votes populaires, avec un accent particulier sur les grands États. Un score de 303 contre 206 (le nombre de voix obtenus par les deux adversaires au sein du collège électoral), c’est ce qui, en définitive, compte, et non pas les 58 millions de bulletins recueillis par l’un contre 56 millions pour l’autre.


Les premières analyses opérées à chaud n’apportent pratiquement que bien peu de surprises. Il apparaît ainsi que le président sortant a bénéficié d’une large coalition comprenant les Afro-Américains, les Hispaniques, d’autres groupes minoritaires et une large fraction de jeunes (60 pour cent de la tranche des 18-29 ans contre 37 pour cent à son concurrent).


La victoire d’Obama aura été sans bavure dans les États suivants sur les neuf qui faisaient l’objet d’une âpre lutte : Ohio, Wisconsin, Virginie, New Hampshire, Colorado et Nevada, ne laissant au représentant du Grand Old Party que la Caroline du Nord. En Floride, le décompte se poursuivait dans la journée d’hier, avec la possibilité, là encore, de voir l’actuel chef de l’exécutif enlever ce bastion républicain. Il rafle dans la foulée la Californie et New York, ainsi que l’emblématique Michigan, amère pilule, qui est le berceau de Mitt Romney et dont le père fut gouverneur. Conclusion : le sprint final du mormon ne lui a pas permis de décrocher le surplus de voix qui lui aurait permis de faire la différence. À tout le moins lui aura-t-il permis de terminer en beauté une campagne désespérante de platitude, en dépit du punch affiché à l’occasion des trois


débats télévisés qui ne figureront pas, il faut le craindre, dans les annales des grandes joutes politiques.
Sur le plan des programmes, la balance semble avoir penché du côté démocrate, comme si l’électeur avait opté pour les petits pas, autrement plus sûrs, que pour les grandes enjambées fiscales à risques du pasteur qui se rêvait président.
Au niveau populaire, les réactions à chaud en disent long sur l’amertume du perdant et la réserve, très éloignée du triomphalisme, du gagnant. « Restez avec Obama et préparez-vous à emboîter le pas à la Grèce », écrit un tweeteur. Une charge à laquelle répond cet autre, qui note : « Romney le caméléon battu, nous avons échappé à une forme moderne d’esclavage qui aurait vu les moins riches payer pour les nantis. »


Entre un maître de forges du XXIe siècle et un Abbé Pierre en complet veston, les États-Unis balanceront toujours. Et continueront de frôler le précipice, sans jamais y tomber. L’apocalypse n’est pas pour demain. Le Paradis non plus.

En 2008, les Américains avaient envoyé à la Maison-Blanche un fabricant de rêve – ce qui n’est pas forcément répréhensible –, qui, quatre ans plus tard, n’a toujours pas réussi à concrétiser ce rêve – ce qui ne laisse pas augurer d’un proche avenir radieux. Sagement ou non, ils ont opté pour un président sortant, et donc qu’ils connaissent, plutôt que pour un...

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