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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Trop-plein de vide

Rien n’est plus frustrant, en vérité, que de voir la menace du chaos et la terreur du vide voler, bras dessus, bras dessous, au secours de la médiocrité.

Face à l’émoi et la colère populaires suscités par l’assassinat, vendredi, du chef des renseignements de la police, le général Wissam el-Hassan, Nagib Mikati semblait près de suivre pourtant le fort honorable exemple de Omar Karamé se résignant, à la grande fureur de ses alliés, à rendre son tablier dès le lendemain de l’attentat à la bombe de février 2005 qui emporta Rafic Hariri. Le chef du gouvernement a préféré faire les choses à moitié, laissant sa démission à la discrétion du président de la République qui, comme on sait, l’a pratiquement gelée en attendant de procéder à des consultations avec les forces vives du pays pour tenter de trouver une issue à la crise.

Premier paradoxe : c’est du camp d’en face que lui aura été tendue une perche encore plus secourable. Non point, bien sûr, que l’opposition ait exagérément haussé la barre en exigeant le départ d’un gouvernement failli à plus d’un titre et formé en majorité d’amis de cette même Syrie à laquelle elle impute solennellement l’attentat de vendredi (lesquels amis, au demeurant, n’auront cessé, ces derniers temps, de lancer contre le général el-Hassan les accusations les plus infamantes – véritables incitations au meurtre – avant d’en venir à s’associer impudemment, mensongèrement, à son deuil).

Il reste qu’en l’état actuel des choses, la même opposition n’est en mesure ni de promouvoir sa solution de rechange – un gouvernement neutre – ni de transposer, avec quelque chance de succès, le débat dans la rue, éventualité dont elle se défend vigoureusement d’ailleurs dans le même temps qu’elle paraît passablement débordée par sa base. Or, c’est bien ce qui a commencé à se produire, avec la malencontreuse ruée des manifestants sur le Sérail qui a accompagné les funérailles de Wissam el-Hassan, avec les routes coupées à l’aide de pneus enflammés, avec les sanglants accrochages survenus à Tripoli et dans la capitale : tous désordres qui ont entraîné l’intervention musclée d’une armée dont il faut déplorer, en passant, qu’elle n’ait pas toujours fait preuve de la même détermination à préserver l’ordre public.

Deuxième paradoxe : la mobilisation internationale, et plus précisément occidentale, pour le maintien en place d’un gouvernement qu’elle avait plutôt fraîchement accueilli à sa naissance, en raison de sa substantielle composante Hezbollah et consorts. Comme la nature, le monde a horreur du vide et c’est ce qui explique en partie les inhibitions des puissances face à la crise syrienne. Mais ce vide tant redouté, ne nageons-nous pas déjà dedans ?

Vide politique et moral en effet que celui d’un gouvernement prônant la neutralité dans le conflit syrien mais dont une fraction combat ouvertement aux côtés d’une des dictatures les plus sanguinaires de la région. Vide stratégique, à l’ombre d’un État dessaisi de sa décision de paix ou de guerre aux frontières par une milice affichant son obédience à l’Iran. Vide sécuritaire, par la grâce des taupes syriennes implantées de longue date dans plus d’un service local mais aussi des parties politiques refusant obstinément, des années durant, à la plus diligente des polices, celle précisément de Wissam el-Hassan, l’accès à des données téléphoniques permettant de démasquer les assassins. Vide judiciaire enfin, avec une justice traînant désespérément la patte pour mettre en accusation ces mêmes assassins et leurs commanditaires, une justice que le président Sleiman appelait publiquement dimanche à se décider à faire diligence dans l’affaire du réseau Samaha, la toute première à conduire aux plus hautes sphères du régime de Damas.

On peut combattre le feu avec le feu. Pas le vide avec le vide.

Issa Goraieb
igor@lorient-lejour.com.lb

Rien n’est plus frustrant, en vérité, que de voir la menace du chaos et la terreur du vide voler, bras dessus, bras dessous, au secours de la médiocrité.Face à l’émoi et la colère populaires suscités par l’assassinat, vendredi, du chef des renseignements de la police, le général Wissam el-Hassan, Nagib Mikati semblait près de suivre pourtant le fort honorable exemple de Omar...

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