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À La Une - La situation

Liban : Entre tristesse, rage et inconscience

L’insupportable ambivalence du gouvernement.

Les funérailles de Wissam al-Hassan, chef des renseignements de la police libanaise, et de son compagnon, tués dans un attentat vendredi à Beyrouth, ont eu lieu dimanche 21 octobre 2012, place des Martyrs, dans le centre ville de Beyrouth. REUTERS/Jamal Saidi

L’assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, et les réactions que cet événement suscita en chaîne au Liban et à l’étranger devaient conduire, deux mois et demi plus tard, au retrait de l’armée syrienne du territoire libanais. Quelles seraient les suites à attendre de la terrible explosion de vendredi dernier à Achrafieh, qui a mis brutalement fin à la carrière de celui qui était l’un des principaux leviers du pouvoir antisyrien au Liban, le général Wissam el-Hassan.
À la lumière des premières retombées de ce nouveau séisme politique qui a frappé le pays, certains observateurs, et pas seulement dans les milieux trop marqués politiquement au sein du 14 Mars, vont jusqu’à mettre en jeu l’avenir de l’influence de l’axe syro-iranien au Liban.


Parviendra-t-on à terme à anéantir cette influence ou, du moins, à la réduire substantiellement ? Il est certes trop tôt pour l’affirmer, mais ce qui paraît d’ores et déjà acquis, ainsi que le montrent les réactions immédiates à l’attentat d’Achrafieh, c’est que le Liban est en train de « se libérer petit à petit » de l’emprise de cet axe, selon les termes d’une source pourtant proche des milieux centristes du gouvernement.


Il y a en premier lieu les accusations directes et explicites lancées par les chefs du 14 Mars à l’adresse du régime syrien et du président Bachar el-Assad en personne. On note que le chef du courant du Futur, Saad Hariri, s’est exprimé sur ce sujet de son lieu d’exil saoudien, ce qui laisse supposer que le royaume d’Arabie saoudite n’est pas hostile, pour le moins, à de telles accusations directes.


On observe aussi que la France, par la bouche de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est rapprochée hier de ces accusations contre le régime syrien, sans toutefois les formuler de manière explicite.
Mais il y a surtout les prises de position du président de la République, Michel Sleiman, et du Premier ministre, Nagib Mikati. Tous deux ont lié organiquement l’assassinat de Wissam el-Hassan à l’affaire Michel Samaha, ce qui équivaut clairement, quoique implicitement, à une mise en cause du régime syrien.


D’où vient-il alors que le 14 Mars se montre aussi acerbe vis-à-vis du chef du gouvernement, sommé de rendre son tablier au plus tôt ? Pour de nombreux observateurs, la focalisation du discours politique de l’opposition autour du sort du cabinet et du Premier ministre ne doit tromper personne. L’affaire va bien au-delà de la question gouvernementale et cela transparaît d’ailleurs dans les propos tenus hier soir par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea. Bien qu’ayant consacré l’essentiel de son intervention à la nécessaire chute du gouvernement, M. Geagea y a néanmoins glissé en trois mots un programme autrement plus ambitieux, la « recomposition » ou plutôt la « refondation » du pouvoir au Liban.


Mais l’irritation croissante, voire la colère que suscite l’attitude de M. Mikati chez les responsables du 14 Mars a tout de même quelque chose de bien compréhensible, au-delà de la question de la rivalité avec M. Hariri, qui a réaffirmé hier soir que le principal souci était d’obtenir la chute du gouvernement.


D’un côté, il est vrai, le Premier ministre, tout comme le chef de l’État, a adopté depuis la formation du gouvernement en place une attitude sans équivoque, en ce qui le concerne personnellement, au sujet de certains dossiers jugés stratégiques par le 14 Mars, comme celui du Tribunal spécial pour le Liban. Cela n’a pas empêché M. Mikati de tolérer que des parties de son gouvernement défient ouvertement les autorités judiciaires libanaises et internationales en refusant de laisser comparaître les quatre prévenus du Hezbollah inculpés dans l’assassinat de Rafic Hariri.


Il est vrai aussi que, depuis un certain temps, l’on constate que le chef du gouvernement a nettement pris ses distances à l’égard du régime syrien (Lire iciici et ici), mais on le voit fermer les yeux sur l’implication directe de composantes de son gouvernement aux côtés de Damas, et ce en dépit de la politique officielle de non-ingérence du cabinet.

 

 

Déjà très critiquable, bien que visiblement tolérée jusqu’ici par l’Occident, cette ambivalence constante du cabinet Mikati devient franchement insupportable dès lors que l’on se rend compte que les assassins présumés qui ont perpétré le massacre d’Achrafieh sont peut-être assis sur les bancs du gouvernement, ou alors ils sont les alliés de certaines composantes gouvernementales.


Après cela, jugera-t-on coupable de réclamer le départ d’un cabinet qui, en tout état de cause, et nonobstant les qualités de son chef et de certains de ses membres, affiche jusqu’ici un bilan des plus médiocres ?
Certes non.


Dont acte, semble dire le chef de l’État, qui a entamé hier, en recevant l’ancien président Amine Gemayel, d’importantes consultations avec les principaux protagonistes du pays. L’objectif de ces consultations n’est dévoilé qu’à demi-mot, mais il s’agit bien sûr de tenter de dégager une plateforme sur la base de laquelle il serait envisageable de procéder à la formation d’un nouveau cabinet.


Une entente, même minimale, est-elle possible à ce niveau ? Rien n’est moins sûr. Les prochains jours devront être éclairants à ce sujet. Entre-temps, on estime dans les rangs gouvernementaux, y compris centristes, que les malheureuses tentatives d’assaut menées hier contre le Grand Sérail par des manifestants du 14 Mars n’ont fait que retarder la perspective d’une démission du gouvernement.


Qu’est-ce à dire, sinon que la majorité semble se réjouir à l’idée que l’opposition puisse faire des faux pas et laisser, de ce fait, perpétuer une situation des plus tragiques ?

 

 

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