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À La Une - Éclairage

La petite phrase de Brahimi...

La petite phrase de l’émissaire onusien en Syrie, le diplomate Lakhdar Brahimi, sur le fait que le feu syrien menace de dépasser les frontières de ce pays laissera des traces au Liban. Ce n’est certes pas la première fois que de tels propos sont avancés. Au début de la semaine, devant une délégation du conseil de l’ordre des journalistes, le mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, avait clairement déclaré que la situation dans le pays est très grave et qu’il est menacé de dangers encore plus graves que ce qui se passe en Syrie, tant la population y est désunie, la tension confessionnelle à son apogée et les chefs des différentes factions principalement soucieux de leurs propres intérêts. Mais lorsque la même idée est proférée par l’émissaire de l’ONU, elle prend une autre dimension.


C’est en effet la première fois depuis le début de sa mission syrienne que Lakhdar Brahimi inclut le Liban dans sa tournée régionale. Si pour les Libanais d’une certaine génération, la visite de Brahimi rappelle des souvenirs qu’ils souhaiteraient oublier (1990), pour les responsables actuels, cette visite revêt une grande importance. Elle ressemble à une mise en garde adressée au Liban pour qu’il ne songe pas à intervenir de trop près dans la crise syrienne, car le feu risque de s’étendre jusqu’à lui. Cette sonnette d’alarme est tirée au moment où l’armée syrienne mène une grande offensive dans les régions frontalières avec le Liban, notamment à Rif Homs, alors que les régions de Ersal et de Macharih el-Kaa sont envahies par des réfugiés syriens fuyant notamment la localité de Joussy récemment investie par l’armée syrienne. Une partie des blessés de l’opposition syrienne sont d’ailleurs transportés dans des hôpitaux libanais et la région frontalière est ainsi chaque jour un peu plus impliquée dans la crise syrienne.


Les propos de Brahimi interviennent aussi à un moment où la presse étrangère met l’accent sur le rôle du député membre du courant du Futur Okab Sakr dans la crise syrienne à partir de la Turquie où il semble passer beaucoup de temps. En même temps, ils coïncident avec l’explication franche et claire du secrétaire général du Hezbollah sur une participation indirecte mais concrète de certains de ses membres aux combats en Syrie, sous couvert de défendre leurs localités attaquées, celles-ci étant syriennes mais habitées par des Libanais. Nasrallah avait d’ailleurs invité les médias à enquêter sur cette réalité et désormais, nul ne devrait plus s’étonner d’apprendre que des Libanais sont morts dans des villages syriens. Certes, Nasrallah a affirmé que les Libanais ayant pris les armes en Syrie ne se battent ni aux côtés ni contre le régime, se contentant de défendre leurs maisons et leurs villages. Mais nul ne les imagine non plus se battant aux côtés de l’opposition...


C’est dire l’impact de la crise syrienne sur le Liban. En parallèle et en dépit de la présence des 150 soldats américains le long de la frontière jordanienne avec la Syrie, la région de Deraa est actuellement calme. Ce qui laisse supposer que le roi de Jordanie n’a pas encore décidé de s’impliquer dans la crise syrienne malgré les pressions exercées sur lui. De même, l’Irak a clairement affiché son refus d’intervenir en Syrie et surtout d’aider l’opposition syrienne, alors que la tension extrême à la frontière syro-turque a transformé cette zone en région stratégique où, d’un côté, l’OTAN retient en quelque sorte la Turquie, et, de l’autre, l’Iran en fait de même avec le régime syrien. La situation est si explosive que la moindre étincelle pourrait provoquer une guerre régionale. Dans ce contexte, le Liban reste encore la scène la plus active et c’est pour éviter qu’il n’aille trop loin dans un sens ou dans l’autre que l’émissaire de l’ONU a tenu ces propos inquiétants à partir du Sérail et en présence du Premier ministre, lui-même principal initiateur de la fameuse politique dite de distanciation qui s’avère aujourd’hui menacée.


Des sources diplomatiques libanaises affirment ainsi que c’est là le principal message adressé par Brahimi aux responsables libanais, en leur rappelant que leur pays n’a rien à gagner en se laissant brûler par le feu syrien, alors qu’il semble glisser sur cette voie. En même temps, Brahimi, précisent les mêmes sources, a évoqué son projet de conclure une trêve à l’occasion de la fête d’al-Adha. L’émissaire onusien, qui ne s’était pas montré très optimiste jusqu’à présent, semble cette fois croire à la possibilité de réussir ce petit pas. Toutes les parties régionales qu’il a sondées ont paru favorables à la conclusion d’une telle trêve et aucune n’a posé de conditions préalables, telles que le retrait de l’armée de certaines régions ou celui des armes lourdes, comme cela se faisait auparavant. Les sources diplomatiques libanaises révèlent ainsi que l’émissaire de l’ONU a évoqué ce sujet avec les responsables libanais en précisant que s’il parvient à conclure un cessez-le feu même provisoire, cela pourrait constituer un bonne base sur laquelle on pourrait élaborer une solution politique et nouer un dialogue entre toutes les parties. Mais on n’en est pas encore là et c’est pourquoi il a tenu à appeler les Libanais à la vigilance. En d’autres termes, chacun peut adopter la position politique de son choix, mais il ne faut pas jouer avec le sort de son propre pays.

 

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