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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Le délire des images

Fauteurs de crises, les médias ? Par les temps qui courent, on est fort tenté de se le demander avec anxiété. Car il y va désormais de questions bien plus graves et plus lourdes de conséquences que l’affaire du buste dénudé de la très gracieuse duchesse de Cambridge, indélicatement révélé à ses lecteurs par le magazine Closer.

 

Le film L’Innocence des musulmans est un navet aussi stupide que malveillant, bâclé avec un infime budget et chargé d’infâmes intentions. Normalement, le nauséabond légume était promis à la trappe et n’aurait jamais passé le cap des salles confidentielles. Il aura suffi toutefois que ses méprisables producteurs et réalisateurs en placent des extraits sur ce journal planétaire qu’est Internet pour qu’il se transforme en un évènement de retentissement mondial.


Le plus déplorable, c’est qu’à cette promotion de type classique est venue maladroitement s’en ajouter une autre : celle paradoxalement prodiguée par les réactions souvent excessives, voire carrément condamnables, qu’a sucitées, en divers lieux du monde arabo-musulman, la vile provocation. De cette publicité à rebours la fatwa iranienne lançant un contrat sur la vie de l’écrivain Salman Rushdie n’avait-elle pas été un premier exemple, propulsant un pavé plutôt indigeste au rang de best-seller mondial ?


Naturelle, certes, est la colère qu’ont ressentie les musulmans face à un film présentant le prophète Mohammad et ses disciples comme des êtres brutaux et immoraux. Parfaitement légitimes, de même, sont leurs protestations indignées contre les caricatures irrévérencieuses, publiées dans un contexte déjà explosif, par Charlie Hebdo : douteuse initiative se prévalant de la sacro-sainte liberté d’expression mais qui a été perçue comme une provocation délibérée, préméditée, programmée ; imprudente initiative, puisqu’elle a eu pour effet de placer en état d’alerte les représentations diplomatiques et institutions françaises dans une bonne vingtaine de pays.


Il reste que les causes les plus justes peuvent être dévoyées, dès lors qu’elles sont récupérées et manipulées par les adeptes de la démesure, de l’outrance, de la violence. Les communautés musulmanes d’Occident ont trop longtemps souffert des amalgames pour accepter de s’y laisser entraîner à leur tour par les extrémistes prompts à sauter sur toute opportunité d’instaurer le chaos. Les États-Unis et la France, peuples et gouvernements, ne sauraient être assimilés aux auteurs de ces deux brûlots qui ont embrasé de larges portions du Proche et du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie. L’ambassadeur américain tué par les manifestants à Benghazi était un arabophile convaincu. Et nul être sensé, quand bien même serait-il allergique au fast-food, ne peut concevoir que KFC, ou d’autres entreprises dispensatrices d’emplois, ne sont que des antres impérialo-sionistes qu’il convient d’incendier, tout comme l’ont été hier encore d’innocentes salles de cinéma au Pakistan.


Liberté d’expression ici, orgies de fureur là : nombreuses sont les impostures venues se percher, tels des corbeaux, sur la sainte colère des fidèles. La moindre, la moins flagrante en tout cas, n’est pas la profusion de portraits géants qui ont agrémenté les deux manifestations monstres organisées cette semaine par le Hezbollah : c’étaient ceux d’un président de Syrie acharné à massacrer son propre peuple et qui ne répugne pas à faire tirer au canon jusque sur les lieux de culte.


Les médias n’y sont pour rien, cette fois.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Fauteurs de crises, les médias ? Par les temps qui courent, on est fort tenté de se le demander avec anxiété. Car il y va désormais de questions bien plus graves et plus lourdes de conséquences que l’affaire du buste dénudé de la très gracieuse duchesse de Cambridge, indélicatement révélé à ses lecteurs par le magazine Closer.
 
Le film L’Innocence des musulmans est un navet...

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