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À La Une - Tensions communautaires

Film anti-islam : le monde musulman se calme un peu

Peu de mobilisation sauf au Pakistan, où les manifestations font 17 morts.

Des Pakistanais renversant un conteneur à Lahore hier, lors d’une manifestation contre le film et la caricature islamophobes. Arif Ali/AFP

Le Pakistan a été le principal foyer musulman de manifestations contre le film américain anti-islam hier après la grande prière, une mobilisation très éclatée de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui a parfois dégénéré en violences. Les autorités pakistanaises avaient décrété cette journée fériée, baptisée « Jour de l’amour du Prophète », afin de permettre à la population de manifester pour la défense de l’islam et de Mohammad, tournés en ridicule dans le film américain à petit budget L’Innocence des musulmans, diffusé sur Internet.


Le bilan était donc hier soir de 17 morts, 12 à Karachi, la mégalopole du Sud, et 5 à Peshawar, la plus grande ville du Nord-Ouest, et de 229 blessés au total en comptant ceux recensés à Islamabad, la capitale, où les manifestants étaient tenus à distance des ambassades occidentales. Ces décès portent à 19 le nombre de morts recensés au total au Pakistan depuis le début des manifestations contre le film américain la semaine dernière.

 

Alors que les marchés et autres commerces étaient totalement fermés, les manifestations se sont multipliées et ont pris de l’ampleur dans l’après-midi, après la prière, sous l’impulsion des influents partis islamistes et de certains groupes extrémistes.


Les premiers incidents graves ont éclaté dans la matinée à Peshawar, la principale ville du Nord-Ouest, où des milliers de personnes ont manifesté contre le film.
Cinq personnes ont été tuées et 79 blessées dans des heurts avec la police après que les protestataires eurent saccagé et incendié deux cinémas. Douze personnes, dont un policier, ont aussi perdu la vie et plus de 100 ont été blessées au cours d’affrontements à Karachi, capitale économique du pays, où des manifestants ont aussi incendié trois cinémas, trois banques et un établissement d’une chaîne américaine de restauration rapide, selon la police.

 

Les forces de sécurité étaient particulièrement en alerte à Islamabad où près de 20 000 personnes ont manifesté aux cris de « Les Américains sont des chiens » et « Les amis des Américains sont des traîtres », avant de se disperser en milieu de soirée. Le Premier ministre pakistanais Raja Ashraf avait pourtant appelé en début de journée la population à manifester pacifiquement, tout en condamnant fermement le film américain, une « attaque inacceptable » contre « le Prophète ».


Les manifestations antiaméricaines sont fréquentes au Pakistan, pays de 180 millions d’habitants, où les puissants groupes islamistes dénoncent régulièrement l’alliance du gouvernement d’Islamabad avec Washington. Mais une telle vague de manifestations simultanées et pour les mêmes motifs y est plus inédite. Plus de 4 000 personnes ont également manifesté à Lahore, plusieurs milliers à Multan, et 30 000 à Muzaffarabad, la capitale du Cachemire pakistanais, selon la police. Si les manifestants y ont affirmé leur hostilité envers les États-Unis et le film américain, ils n’ont pas mentionné les caricatures de Mahomet publiées en France par l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.

Benghazi chasse les salafistes
Pendant ce temps, les États-Unis répétaient hier encore et encore qu’ils n’avaient rien à voir avec le film dénigrant le prophète Mohammad, produit sur leur territoire il y a un peu plus d’un an. Ils ont également averti tous les États de la planète hier, par la voix de Hillary Clinton, qu’ils avaient le « devoir solennel » de protéger les représentations diplomatiques des autres pays, conformément à la convention de Vienne.


Dans les autres pays musulmans, les protestations antiaméricaines ou antifrançaises, à la suite de la publication de nouvelles caricatures de Mohammad en France, sont restées limitées et sans violences après la prière du vendredi, même à Kaboul, où seules quelques petites manifestations antiaméricaines et antifrançaises pacifiques ont été enregistrées.


Les manifestants étaient des centaines devant le consulat de France à Surabaya, à l’est de Java, aux cris de « Mort à l’Amérique, mort à la France ! ». Ils étaient un millier à Moroni, la capitale des Comores, plusieurs milliers à Bassora (Irak), et jusqu’à 10 000 personnes, qui ont brûlé une effigie du président Barack Obama et un drapeau français, au Bangladesh. 


Une cinquantaine de personnes ont enfin manifesté devant l’ambassade de France au Caire pour protester contre les « atteintes à l’islam », ainsi qu’au Yémen et au Maroc.

 

En Libye, à Benghazi, où l’ambassadeur Chris Stevens et trois autres Américains ont été tués le 11 septembre dans ce que Washington a qualifié d’attaque terroriste contre leur consulat, le groupe salafiste Ansar el-Charia a appelé à une manifestation pour défendre le prophète Mohammad. Mais des milliers de militants exaspérés par la montée en puissance des groupes islamistes radicaux en Libye ont de leur côté appelé à un rassemblement pour « sauver Benghazi » de l’extrémisme et de la violence. Des centaines de manifestants ont ensuite délogé en soirée le groupe salafiste Ansar el-Charia de la caserne qu’il occupait au centre de Benghazi et ont mis le feu à l’installation militaire, a constaté un journaliste de l’AFP. Sous la pression des manifestants, les membres du groupe qui avait été montré du doigt dans l’attaque du consulat américain ont tiré en l’air avant de quitter la caserne qui a été investie par des centaines d’habitants de Benghazi.


En Arabie saoudite, l’imam de La Mecque, cheikh Saleh ben Mohammad el-Taleb, a demandé hier à ce que soit criminalisée l’incitation à la haine religieuse. « Que les hommes politiques et les décideurs sachent que les réactions des peuples sont incontrôlables (...) lorsque la nation est humiliée dans ses symboles sacrés », a-t-il ajouté, invitant « les sages » en Occident à « empêcher ceux qui allument des incendies ».


En Europe même, des rassemblements pacifiques ont eut lieu. Ainsi, une centaine de personnes ont manifesté hier devant l’ambassade de France à Londres pour dénoncer la publication de nouvelles caricatures de Mohammad dans l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo. Les manifestants, divisés en deux groupes, avec les hommes à l’avant et environ 25 femmes en niqab à l’arrière, brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Au diable la liberté de Charlie Hebdo » ou encore « gouvernement français et médias, ennemis de l’islam ».
Plusieurs centaines de personnes ont également manifesté dans le calme hier en Allemagne à Fribourg et Münster, selon la police.

En France, dire « non » en priant
Les responsables de l’islam de France ont pour leur part lancé des appels au calme hier, jour de prière pour la communauté musulmane, cherchant à éviter les tensions alors que des appels à manifester aujourd’hui à Paris et, parfois, en province contre le film L’innocence des musulmans et les caricatures de Mohammad se multiplient sur Internet. Ces appels émanent toutefois de groupes isolés et aucune mosquée ou association connue ne les a relayés.
La situation était donc calme hier après-midi à l’heure de la prière, notamment à la mosquée installée dans une ancienne caserne du nord de Paris, où étaient rassemblés quelque 8 000 fidèles, au lieu des 6 000 habitués. « Ils sont venus dire non à Charlie Hebdo et au film américain. Ils répondent en priant », a déclaré Abderahmane Dahmane, porte-parole de l’association qui gère la mosquée.


Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a réaffirmé hier que toute manifestation, tout rassemblement à ce sujet étaient interdits en France. « Le critère retenu est bien évidemment le trouble à l’ordre public. Le pays a besoin de rassemblement et d’apaisement autour des valeurs de la République et de la laïcité », a-t-il précisé.
La préfecture de police de Paris a interdit les manifestations prévues aujourd’hui au Trocadéro et devant la grande mosquée. Une manifestation a été annulée à Lyon et une autre interdite à Lille. Parallèlement, les locaux de Charlie Hebdo étaient placés sous surveillance. Toutefois, six compagnies de CRS, soit 800 hommes, ont néanmoins été déployées en renfort dans la capitale pour le week-end, a-t-on appris de source policière.
(Source : agences)

 

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