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À La Une - Éclairage

Nasrallah, une apparition à clés...

La manifestation du Hezbollah lundi dans la banlieue sud et l’apparition de sayyed Hassan Nasrallah au milieu d’une immense foule en transes suscite une profonde réflexion dans les milieux politiques et diplomatiques. Cette manifestation a eu lieu juste après la visite du pape Benoît XVI et le climat de sérénité et de joie dans lequel le pays a baigné pendant trois jours, mais elle ne pouvait pas être reportée car le Hezbollah se devait, pour sa crédibilité, de réagir au film islamophobe.


Un diplomate arabe relève d’ailleurs le fait qu’en choisissant d’organiser la manifestation lundi, le Hezbollah a voulu montrer qu’il respecte la visite du pape Benoît XVI et qu’il attend qu’elle finisse pour ne pas risquer de la troubler. Cette décision montre la différence entre le Hezbollah et les manifestants de Tripoli qui sont descendus dans la rue et se sont livrés à des actes de violence faisant un mort et plusieurs blessés le jour même de l’arrivée du pape à Beyrouth. D’ailleurs, le début de cette visite a été marqué par les incidents de Tripoli qui ont constitué une sorte de tache noire qui n’a cessé de hanter les responsables sécuritaires.


Selon le diplomate arabe en poste au Liban, l’ambassade américaine, qui avait eu vent de la volonté du Hezbollah d’organiser une manifestation de protestation, a aussitôt exprimé ses craintes d’être prise pour cible par les manifestants, et le ministre de l’Énergie Gebran Bassil a été sollicité pour sonder les intentions du Hezbollah. Mais la réponse a été claire : le Hezbollah organise la manifestation dans la banlieue sud et il n’est pas question de s’en prendre aux intérêts américains, ou prétendus tels, dans le coin. Lundi donc, une foule immense est descendue dans la rue, scandant des slogans somme toute assez classiques, sans brûler des drapeaux américains et des portraits du président Obama et sans que le moindre incident ou débordement soit signalé.


Le diplomate arabe précise que le Hezbollah a ainsi envoyé plusieurs messages à ceux qui veulent les saisir. D’abord, il a exprimé son respect de la communauté chrétienne en refusant de troubler la visite du Saint-Père. Il a ensuite exprimé son respect de l’État libanais puisqu’il n’a pas voulu perturber la visite d’un hôte prestigieux. Ensuite, il a montré qu’il est capable de mobiliser une foule impressionnante en quelques heures (ce n’est que la veille, dimanche soir vers 20 h 30 que sayyed Nasrallah a lancé un appel à la manifestation) et en même temps d’organiser le mouvement de cette même foule sans qu’il y ait le moindre incident. Plus même, le Hezbollah a veillé à la sortie de son chef dans la rue au milieu de ses manifestants, alors que sayyed Nasrallah est régulièrement menacé par les Israéliens. Depuis 2006, le chef du Hezbollah est d’ailleurs rarement apparu dans la foule en direct (il y a eu le discours de la victoire en septembre 2006, la libération des derniers otages libanais en Israël et récemment lors de la commémoration de Achoura, où il a prononcé un discours de 7 minutes). Et, cette fois, il est resté près de 20 minutes, le temps de prononcer un discours relativement court (15 minutes), défiant ainsi les exigences de la sécurité, pour montrer que la cause de la défense du Prophète mérite de prendre de tels risques. En tout cas, en sortant à l’air libre au milieu des manifestants, il a aussi adressé un message de confiance à ses partisans, confirmant concrètement ce qu’il ne cesse de répéter dans ses discours, à savoir qu’Israël est beaucoup plus faible qu’ils ne le croient.


Pour le diplomate arabe, Nasrallah a ainsi fait exactement le contraire des radicaux sunnites qui défilent dans les rues à Tripoli et dans les autres villes arabes et musulmanes. La manifestation à laquelle le Hezbollah a appelé était donc importante, disciplinée et sans débordement. Le secrétaire général du parti a d’ailleurs été clair dans son discours : il ne suffit pas d’exprimer son mécontentement et sa colère. Il faut agir. Il a ensuite développé le processus d’une action efficace visant à obtenir l’adoption d’une loi internationale condamnant toute atteinte aux religions célestes, en suggérant de mettre à contribution la Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique. Il ne s’est donc pas contenté de réclamer l’arrêt des attaques contre l’islam, englobant les religions chrétienne et juive dans sa revendication. Il a tenu ainsi un discours rationnel et ouvert dans son contenu, en dépit du ton de tribun qui vise à mobiliser la foule. D’ailleurs, le Hezbollah avait pris soin d’inviter des religieux chrétiens et sunnites à cette manifestation pour bien montrer qu’il s’agit d’une cause commune. Loin des gesticulations habituelles des musulmans en colère, il s’agissait donc d’une action bien étudiée, canalisée vers une cible précise : l’administration américaine et non pas les Américains et les Occidentaux en général. Enfin, le diplomate arabe estime que Nasrallah a su saisir la chance que lui offrait le film islamophobe pour d’abord se démarquer des radicaux sunnites et pour lancer une initiative de rapprochement avec la communauté sunnite en faisant sien son refus de porter atteinte au prophète Mohammad. Il a en même temps élargi la revendication à toutes les religions « du Livre », se montrant ainsi plus soucieux des croyances que les dignitaires religieux traditionnels.


Le diplomate assure aussi que Nasrallah a, par cette action et par ce discours, mis l’accent sur l’absence de réaction des religieux musulmans dits modérés ainsi que du courant du Futur au Liban face à cette atteinte au Prophète. Par cette manifestation, Nasrallah a voulu remplacer dans les esprits arabes et occidentaux les images des musulmans en colère qui crient sans agir efficacement et qui se livrent à la violence, tout en cherchant à effacer l’humiliation faite au Prophète ainsi que le silence des musulmans « modérés »...

La manifestation du Hezbollah lundi dans la banlieue sud et l’apparition de sayyed Hassan Nasrallah au milieu d’une immense foule en transes suscite une profonde réflexion dans les milieux politiques et diplomatiques. Cette manifestation a eu lieu juste après la visite du pape Benoît XVI et le climat de sérénité et de joie dans lequel le pays a baigné pendant trois jours, mais elle ne...

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