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À La Une - Liban

"Atmosphère de chaos" dans Beyrouth sur fond de guerre syro-libanaise des otages

Le clan Mokdad enlève des Syriens, un Turc et un Saoudien au Liban et menace de viser des personnalités libanaises.

Des membres cagoulés de la branche armée du clan chiite libanais Mokdad posant devant des photographes à Beyrouth le 15 août 2012. AFP/Stringer

Un puissant clan chiite libanais a revendiqué mercredi le rapt d'au moins 30 Syriens au Liban, présentés comme des membres de l’Armée syrienne libre (ASL, rebelles syriens), pour tenter de les échanger contre un des leurs enlevé cette semaine en Syrie.

 

"Nous avons enlevé, à Beyrouth et dans la plaine de la Bekaa, 33 Syriens, dont un capitaine de l'Armée syrienne libre qui était soigné dans un hôpital, pour obtenir la libération de notre parent Hassan, 40 ans, enlevé avant-hier en Syrie", a déclaré à l'AFP Hathem al-Mokdad, porte-parole du clan.

"Demain, il y en aura peut-être 50 car c'est le seul moyen de préserver la vie de Hassan, et ceux qui ont ordonné ce rapt le paieront cher", a-t-il ajouté, précisant qu'il refusait toute médiation, à l'exception d'une intervention du Comité international de la Croix rouge (CICR) et du chef de l'armée libanaise.

 

Le conseiller politique de l'ASL, Bassam el-Dada, a indiqué, dans un entretien avec la chaîne de télévision al-Jadeed, que "ce sont des réfugiés syriens qui ont été enlevés au Liban et non des membres de l'ASL".

 

Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a, pour sa part, exprimé "sa consternation devant l'enlèvement d'un grand nombre de citoyens syriens qui ont fui vers le Liban pour y trouver refuge en raison de l'oppression sanglante qu'ils subissent dans leur pays".

Les militants anti-Assad présents au Liban ont appelé sur Facebook leurs compatriotes à ne pas sortir de chez eux et à éviter les quartiers théâtres d'affrontements communautaires.

 

Dans le même temps, un des Syriens enlevés par "la branche militaire de la famille el-Mokdad" a avoué être financé par le député libanais Khaled el-Daher, membre du bloc du Courant du futur, selon la télévision libanaise al-Mayadine.

L'otage a appelé l'Armée syrienne libre à le libérer et à relâcher les otages qu'elle détient en Syrie. Parallèlement, la famille el-Mokdad a menacé le député Daher. "Vous avez des comptes à nous rendre", ont lancé des représentants de la famille lors d'un entretien télévisé.

 

Il y a quelques jours, un groupe rebelle syrien a revendiqué le rapt de Hassan al-Mokdad, l'accusant d'être un franc-tireur et un membre du Hezbollah, le mouvement chiite libanais qui soutient le régime syrien de Bachar el-Assad.

 

"Ce n'est ni un tireur embusqué, ni un membre du Hezbollah. Sa femme ne porte même pas le voile. Toutes ces accusations sont des mensonges. Notre demande n'est pas politique. Il s'agit d'une question humanitaire", a déclaré Abou Ali al-Mokdad. Le Hezbollah a également démenti que Hassan était l'un de ses membres.

 

Dans une interview avec al-Mayadine, il a par ailleurs menacé d'avoir recours à "des actions supplémentaires si Hassan n'est pas libéré. Tous les Syriens du Liban sont des cibles légitimes", a-t-il averti.

 

Dans une déclaration télévisée, un membre de la "branche armée" du clan Mokdad a également assuré que son groupe détient une "large base de données comportant des noms importants de nouvelles cibles au Liban et dans la région". "Nous avons les noms de toutes les personnes impliquées dans l’enlèvement de Hassan, ainsi que ceux qui hébergent des combattants de l’ASL que ce soit à Aley, à Tripoli ou dans l'Iklim al-Kharroub", a encore dit l’homme dont le visage était dissimulé par une cagoule.

 

 

 

Deux des 30 Syriens enlevés par le clan Mokdad dans la banlieue-sud

de Beyrouth. Abbas Sabbagh/AFP

 

 

Un Turc et un Saoudien

Dans l’après-midi, la "branche armée" de la famille Mokdad a par ailleurs affirmé avoir capturé un ressortissant turc à Beyrouth. "Il était ici pour affaires, il est arrivé aujourd'hui et a été enlevé à proximité de l'aéroport", a précisé un diplomate au Liban à Reuters.

Le ministre libanais des Affaires étrangères, Adnane Mansour, a appelé les Mokdad à libérer le ressortissant turc, mais ces derniers ont affirmé qu'"aucune force sur Terre ne pourra le libérer tant que Hassan n'est pas rentré au Liban".

 

Hatem al-Mokdad, l'un des frères de l'homme enlevé à Damas a par ailleurs confirmé à Reuters la présence d'un ressortissant saoudien parmi les personnes kidnappées par son clan.

 

Dans ce contexte, les mesures sécuritaires ont été renforcées aux alentours des ambassades de Turquie, du Qatar et d'Arabie saoudite au Liban, a annoncé la chaîne de télévision LBC.

 

Cinq monarchies arabes du Golfe, les Emirats arabes unis, le Qatar, Bahreïn et le Koweït, après l'Arabie saoudite, ont en outre appelé mercredi leurs ressortissants à quitter le Liban en raison de menaces potentielles liées aux retombées du conflit syrien. (Lire ici)

 

 

Mikati et Sleiman condamnent

Interrogé par l'AFP, un haut responsable de la sécurité n'a pas voulu commenter. "Nous travaillons sur cette affaire", a-t-il dit.

 

Dans un communiqué, le Premier ministre libanais, Nagib Mikati, a condamné les enlèvements, jugeant qu'ils rappelaient la guerre civile qui a divisé le pays entre 1975 et 1990. "Ce n'est pas la bonne manière de résoudre l'enlèvement d'un ressortissant libanais en Syrie", a-t-il déclaré.

 

"Répandre le chaos dans le pays ne mènera pas à la libération des otages, a déclaré, de son côté, le président Michel Sleiman, après une réunion avec les différents organismes sécuritaires libanais. "Au contraire, le chaos pourrait causer du tort à nos proches (enlevés en Syrie, NDLR) et menace la souveraineté de l'Etat". Il a également affirmé vouloir "interdire les coupures de routes au Liban" et "protéger les bâtiments des ambassades étrangères, notamment celles de l'Arabie saoudite, de la Turquie et du Qatar".

 

 

Pèlerins chiites 

Parallèlement, plusieurs sources médiatiques libanaises ont affirmé mercredi soir que quatre des onze pèlerins chiites libanais enlevés il y a trois mois en Syrie ont été tués dans un bombardement de l'armée de l'air syrienne contre la localité d'Azaz près d'Alep (nord de la Syrie). Certaines chaînes de télévision avaient annoncé la mort des onze pèlerins dans ce bombardement qui a fait plus de 20 morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

 

En réaction à cette annonce erronée, des dizaines de Syriens ont été harcelés ou enlevés et leurs biens vandalisés mercredi soir au sud de Beyrouth, a annoncé l'agence de presse officielle libanaise. "Une atmosphère de chaos règne" à la lisière de Choueifat et Hay Saloum, dans une zone chiite de la banlieue sud de la capitale, a affirmé l'ANI.

"Les parents et les voisins des Libanais enlevés en Syrie sont sortis dans les rues et ont commencé à harceler des Syriens et à vandaliser leurs biens après la diffusion d'informations non confirmées faisant état de la mort de quatre Libanais enlevés", a affirmé l'agence.

L'ANI a précisé que des hommes en armes étaient ensuite sortis dans les rues. "Certains ont vandalisé les magasins et détruit des voitures mises en vente dans des salles d'exposition. La situation était hors de contrôle".

 

 

Avion dérouté

Dans ce contexte, un vol Air France parti de Paris en direction de Beyrouth a été dérouté vers Damas mercredi soir, en raison de la situation au Liban, afin de refaire le plein de carburant avant d'aller se poser à Chypre, a indiqué à l'AFP une porte-parole de la compagnie aérienne.

"Par précaution, Air France a dérouté le vol car les conditions de sécurité ne sont pas entières à Beyrouth", notamment sur la route de l'aéroport, a indiqué cette porte-parole avant d'ajouter que l'appareil ne s'était arrêté en Syrie que le temps de faire le plein de carburant avant de repartir vers sa destination finale, l'aéroport de Larnaca à Chypre.

Selon une source aéroportuaire à Beyrouth, "la direction d'Air France à Paris a pris cette décision après avoir reçu des informations selon laquelle la route de l'aéroport est bloquée par des manifestations". Des manifestants chiites ont bloqué la route de l'aéroport en brûlant des pneus, a-t-il dit.


 

 

Vue de la route de l'aéroport, mercredi soir. Khalil Hassan/Reuters 

 

Les onze pèlerins libanais ont été enlevés le 22 mai dernier dans la région d'Alep, alors qu'ils rentraient en bus au Liban après un pèlerinage en Iran. Un groupe jusqu'alors inconnu, les "Révolutionnaires de Syrie-Province d'Alep", a revendiqué fin mai ce rapt.

 

Le 7 août, le porte-parole des familles des pèlerins, cheikh Abbas Zougheib, a accusé Ankara de protéger les ravisseurs des pèlerins chiites en Syrie, et menacé de kidnapper des ressortissants turcs à Beyrouth.

 

 

Un autre Libanais enlevé en Syrie

Par ailleurs, toujours en Syrie, le Libanais Mohammed Mansour est porté disparu depuis la semaine dernière, a rapporté mercredi l'ANI. L’homme, originaire du village de Maaroub, dans le caza de Tyr (Liban-Sud), a été enlevé par des inconnus alors qu’il faisait ses courses dans un quartier de Damas, a affirmé le père de la victime à l’ANI, appelant les responsables libanais à œuvrer pour la libération de son fils.

 

Le conflit en Syrie divise profondément le Liban voisin, pays à l'équilibre confessionnel très fragile, notamment entre des chiites qui expriment leur sympathie pour le régime alaouite - une émanation du chiisme - et des sunnites qui penchent pour les insurgés.

 

 

Voir, le 15 août à Beyrouth en images

 

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