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À La Une - Révolte

« L’Occident nous laisse mourir »

Panetta accuse Téhéran de former une milice pour combattre les rebelles ; Amos éconduite par Haïdar ; la Suisse renforce ses sanctions.

Les soldats de l’Armée syrienne libre pleurant leur commandant tué par un bombardement de chars hier à Alep.  Goran Tomasevic/Reuters

Alors que la crise syrienne s’enlise et qu’aucune solution – politique ou autre – ne semble pouvoir être trouvée, il semblerait qu’un sentiment antioccidental de plus en plus fort se développe dans les rangs des combattants, qui reprochent à l’Occident de les laisser mourir, comme l’affirme un journaliste de l’AFP se trouvant à Alep – un constat et une amertume corroborés par bon nombre d’observateurs. Cette impression n’est pas sans fondement : les foules manifestent de manière quasi quotidienne à travers le pays appelant la communauté internationale à l’aide, notamment pour l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, et alternant supplications et insultes au fil des réunions diplomatiques ratées.
En attendant, les défections se suivent et se ressemblent (presque) : parmi les diplomates, les haut gradés de l’armée et les parlementaires, c’est maintenant à qui fuira le plus vite parmi les « people » de la vie politique syrienne, la dernière en date étant sans doute celle de Riad Hijab, l’ex-Premier ministre. Et au monde de se frotter les mains. À Washington d’ailleurs, le sous-secrétaire au Trésor chargé du renseignement financier et de la lutte contre le terrorisme David Cohen a affirmé que « les États-Unis encouragent d’autres responsables civils et militaires (...) à prendre la même décision courageuse (que M. Hijab) et à rejeter le régime ».
Quant au principal intéressé, Riad Hijab lui-même, il a estimé hier lors d’une conférence de presse à Amman où il a trouvé refuge avant de rallier l’opposition que le régime du président Bachar el-Assad s’est « effondré militairement, économiquement et moralement » et qu’il ne contrôlait « plus que 30 % » de la Syrie.

Grignotage
Sur le terrain, les combats se poursuivaient entre rebelles et forces gouvernementales qui concentrent leurs opérations sur les deux principales villes du pays, Damas et Alep. « Des accrochages ont lieu à Seif el-Dawla et Salaheddine et des explosions sont entendues dans ces deux quartiers » d’Alep, a ainsi indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui a précisé que « les quartiers de Sakhour, Hanano et Chaar étaient soumis à un pilonnage de l’armée ». De plus, le journaliste de l’AFP qui se trouvait dans le quartier d’el-Soukkari a entendu des bombardements provenant de Seif el-Dawla et de Salaheddine et il a vu à Bab el-Nasser un MiG tirant à trois reprises. Analysant la bataille d’Alep, le quotidien el-Watan, proche du pouvoir, a assuré que « les unités de l’armée ont adopté la tactique du grignotage au lieu de l’affrontement général afin d’éviter des victimes civiles, utilisées comme boucliers humains » par les insurgés, après avoir lancé le 28 juillet un assaut majeur sur la métropole du Nord mitraillée notamment par des hélicoptères.
À Damas, où des affrontements très violents ont débuté à la mi-juillet, l’armée a poursuivi les perquisitions et les arrestations entamées lundi dans le centre-ville, toujours selon l’OSDH qui s’appuie sur un réseau de militants et témoins. Les militaires avançaient vers le cœur de la vieille ville. « Ils sont à la recherche d’armes et de jeunes militants », a expliqué un marchand de tapis du centre-ville.
Au total, les violences ont fait hier plus de 83 morts, notamment à Deraa, Alep et le Rif de Damas, selon l’OSDH et la chaîne al-Arabiya.

Comme Moqtada
Un nombre de victimes qui se chiffre toujours par plusieurs dizaines et qui risque d’augmenter : le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta a accusé hier les gardiens de la révolution iraniens d’être en train de mettre sur pied une « milice chiite » pour combattre l’opposition. Cette milice est composée de « Syriens généralement chiites, pour certains alaouites », comme le président Bachar el-Assad, a observé le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey. Elle est formée selon lui sur le modèle de l’Armée du mahdi en Irak, une puissante milice chiite dirigée par Moqtada Sadr, qui avait vigoureusement combattu les forces américaines en Irak.
Toujours sur le terrain, l’agence officielle SANA a, elle, indiqué que l’un de ses photographes avait été blessé lundi à Salaheddine où il couvrait les opérations de l’armée alors qu’un journaliste de la télévision iranienne en arabe el-Alam a été enlevé par les rebelles à Homs, selon cette chaîne. Reporters sans frontières (RSF) a donc exhorté l’opposition à condamner les exactions visant les journalistes alors que les médias prorégime sont devenus la cible des rebelles.
Par ailleurs, l’armée turque a mené hier de nouvelles manœuvres militaires impliquant des chars et des blindés, à quelques dizaines de mètres de sa frontière avec la Syrie, pour déterminer « les capacités de guerre » des forces armées turques, selon l’agence de presse semi-officielle Anatolie.

Brahimi favori
Face à ces violences qui ont fait plus de 23 000 morts en 17 mois selon l’OSDH, la responsable des affaires humanitaires de l’ONU Valérie Amos était hier à Damas. Elle s’est entretenue avec le vice-ministre des Affaires étrangères Fayçal el-Moqdad, le secrétaire d’État chargé de la Réconciliation nationale Ali Haïdar et le nouveau Premier ministre Waël el-Halqi « de la détérioration de la situation humanitaire », qui aurait toutefois rudement éconduit la représentante onusienne, estimant que la « priorité » était « l’arrêt de la violence » et que le retour des Syriens déplacés dans leur lieu de résidence était « une mission du gouvernement syrien et non de l’ONU ou des institutions internationales », selon SANA.
Toujours du côté onusien, Ahmad Fawzi, le porte-parole de l’ancien médiateur démissionnaire Kofi Annan, a annoncé à Genève hier que les Syriens sont d’accord pour une candidature de l’Algérien Lakhdar Brahimi au poste d’envoyé spécial de l’ONU sur la Syrie.
Également, la secrétaire d’État Hillary Clinton a discuté par téléphone avec les ministres des Affaires étrangères français Laurent Fabius – qui se rend à partir d’aujourd’hui, et ce jusqu’à vendredi, en Jordanie, au Liban et en Turquie pour soutenir les dizaines de milliers de réfugiés syriens –, britannique William Hague, allemand Guido Westerwelle et turc Ahmet Davutoglu des moyens de coordonner leur action pour accélérer le départ du président syrien, a indiqué hier la porte-parole de la secrétaire d’État.

Sanctions suisses supplémentaires
Sur le plan diplomatique, en Arabie saoudite, les pays de l’Organisation de coopération islamique (OCI), divisés sur la crise syrienne, se sont réunis hier soir à La Mecque. Notons que la réunion ministérielle préparatoire du sommet, qui se poursuit aujourd’hui, a recommandé lundi une suspension de la Syrie de l’OCI, une mesure à laquelle s’oppose l’Iran, fidèle allié de Damas.
Dans le même temps, une émissaire du président Assad, la fidèle parmi les fidèles, Bouthaina Chaabane, était attendue hier en Chine qui, comme la Russie, a opposé son veto à toute résolution de l’ONU sanctionnant le régime syrien. La Russie qui a démenti hier que le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov ait donné une interview à un quotidien saoudien affirmant que Bachar el-Assad est prêt à démissionner et que son frère Maher a perdu ses jambes dans un attentat et « lutte pour sa vie ».
De son côté, la Suisse a une nouvelle fois durci ses sanctions contre la Syrie, en rajoutant 25 noms sur la liste des personnes dont les avoirs sont gelés, selon le ministère des Affaires étrangères. Deux entreprises, ainsi que la compagnie nationale d’aviation syrienne ont aussi été touchées par ces sanctions.
Enfin, le quotidien gouvernemental syrien as-Saoura a exhorté les industriels à se tourner vers les marchés asiatiques plutôt que vers l’Occident qui a sanctionné la Syrie pour sa répression. Les exportations, 12,3 milliards de dollars avant le début de la révolte, ont plongé en 2011 à 8 milliards et ne devraient atteindre en 2012 que 4 milliards.
(Sources : agences
et rédaction)
Alors que la crise syrienne s’enlise et qu’aucune solution – politique ou autre – ne semble pouvoir être trouvée, il semblerait qu’un sentiment antioccidental de plus en plus fort se développe dans les rangs des combattants, qui reprochent à l’Occident de les laisser mourir, comme l’affirme un journaliste de l’AFP se trouvant à Alep – un constat et une amertume corroborés...

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