Rechercher
Rechercher

À La Une - Liban

Séisme politique : Michel Samaha épinglé par les FSI

Après l’arrestation hier matin de Michel Samaha, Assad est entré en contact avec Michel Sleiman et Nagib Mikati pour obtenir la libération de l’ancien ministre et député, connu pour ses liens étroits avec le régime syrien.

Les services de renseignements des FSI inspectant le domicile de l’ancien ministre et député Michel Samaha qui demeure en garde à vue. Photo Anwar Amro/AFP

Soupçonné d’être lié à une affaire à caractère sécuritaire, l’ancien ministre et député Michel Samaha, connu pour entretenir des liens très étroits avec le régime syrien, a été arrêté hier matin à son domicile de Khonchara (Metn-Nord) par une unité des services de renseignements des Forces de sécurité intérieure. À en croire diverses sources d’informations, toutes concordantes, quelques heures après son interrogatoire, sous la supervision du procureur général par intérim, le juge Samir Hammoud, M. Samaha aurait fait des aveux concrets dont la teneur a été rapportée en soirée par plusieurs sources et par les principales chaînes de télévision. Ces aveux rapides seraient dus au fait que les services de sécurité sont en possession de preuves diverses (documents, photos, vidéos, pièces à conviction, etc.) qui constitueraient un dossier particulièrement solide.


L’ancien ministre et député aurait de ce fait reconnu, en fin d’après-midi, avoir planifié, à l’instigation de Damas, plusieurs attentats à la bombe qui étaient prévus lors d’iftars au Liban-Nord, et précisément au Akkar, l’objectif étant, selon les sources précitées, de provoquer une discorde sunnito-alaouite et sunnito-chrétienne. Il aurait également avoué, toujours d’après les sources susmentionnées, que les explosifs préparés à cette fin ont été transportés de Syrie à bord de sa voiture de type Mercedes et remis au Liban à un citoyen de la famille Kfouri – qui a lui aussi été arrêté.

L’arrestation
Dans l’attente de la divulgation des premiers éléments de l’enquête, le pays a été braqué hier sur les détails du déroulement de l’arrestation. C’est vers 7 heures 30 du matin qu’une unité des services de renseignements (SR) des Forces de sécurité intérieure (FSI) a effectué une perquisition à la résidence de Michel Samaha dans le village de Jwar (Khonchara el-Metn). L’ancien député a immédiatement été conduit au siège des SR des FSI, à Achrafieh, tandis que les agents restés à Khonchara continuaient de fouiller, jusqu’à midi, la maison de M. Samaha en présence de son épouse, Gladys, qui n’a pas caché son indignation face à ce qu’elle a qualifié de « poursuite purement politique ». Relatant le récit de l’arrestation de son époux, Gladys Samaha a précisé que « des agents des SR des FSI, menés par un officier, ont défoncé la porte d’entrée principale du domicile, masqués et habillés comme s’ils menaient une opération de libération d’un territoire ». Elle a précisé que son époux « se trouvait dans son lit lorsque les FSI l’ont forcé à les accompagner, après lui avoir permis de se vêtir et de prendre ses médicaments, l’escortant ensuite, les mains ligotées, dans l’un des quatre véhicules de police qui attendaient devant la résidence familiale ». Plus tard, s’exprimant devant des journalistes, elle a estimé que cette « arrestation revêt un caractère politique ». « Il représente un certain groupe politique et j’attends de ce groupe qu’il ne reste pas les bras croisés », a-t-elle ajouté, précisant n’avoir pu lire de ses yeux le mandat du procureur général. Le maire de Joura, qui s’est précipité de Bickfaya sur les lieux « sans comprendre ce qui se passe », selon ses dires, s’est chargé de signer le rapport de la perquisition.

 

 

L'ancien ministre libanais, Michel Samaha

(ici sur en 2005). REUTERS/Mohamed Azakir/Files

 


Une force des services de renseignements des FSI avait également investi plus tôt l’appartement de l’ex-ministre à Achrafieh, qu’elle a fouillé avant de se rendre à sa résidence secondaire à Jouar. Les recherches se sont poursuivies jusqu’en soirée, en présence des trois filles de Michel Samaha, retenues dans l’appartement, dont l’une d’elles a déploré « la présence de dix hommes masqués qui n’ont pas laissé un iPad, pas un iPod auquel ils n’ont pas touché ». Plusieurs sacs contenant des documents, des livres et des appareils de communication ont été sortis de l’appartement.
Des sources de sécurité haut placées ont fait état de la découverte de nombreuses charges explosives prêtes à être utilisées. Elles n’ont cependant pas précisé où ces charges ont été découvertes. Deux voitures appartenant à l’ancien ministre ont également été saisies. L’ANI a indiqué, de son côté, que des dossiers, un ordinateur et des vidéocassettes ont été saisis au domicile de M. Samaha, et que sa secrétaire, deux de ses gardes du corps et son chauffeur ont également été arrêtés.
Selon les informations de l’enquête rapportées par la chaîne LBC, Michel Samaha serait passé aux aveux après les confessions de son chauffeur, Farès Barakat, arrêté avec lui. Relâché en fin de soirée, ce dernier a toutefois affirmé à la LBC avoir uniquement été interrogé sur les mouvements de circulation de Michel Samaha, « qui est d’ailleurs le dernier à pouvoir commettre des actes terroristes », a-t-il affirmé.


En outre, toujours selon la LBC, c’est au cours de sa dernière visite à Damas, précisément chez le général Ali Mamlouk, que l’ancien ministre aurait acquis les explosifs nécessaires pour mener les attentats. La MTV est allée jusqu’à affirmer que Michel Samaha « aurait agi sur ordre de Damas », selon des informations de l’enquête.

Un enregistrement audiovisuel
Pour sa part, la chaîne New TV a précisé que les autorités disposeraient d’une vidéo prouvant son implication dans la planification d’attentats dans le nord du pays. Selon les informations de L’Orient-Le Jour, il existe parmi les éléments de preuve un enregistrement audiovisuel qui montre l’ancien ministre, dans un parking souterrain, transférant des explosifs du coffre de sa voiture jusqu’à un véhicule garé à proximité et conduit par une tierce personne. Cet élément, ainsi que d’autres auront fourni des preuves solides aux mains des SR, accélérant ainsi les aveux de Michel Samaha. L’enquête aurait été en outre entamée il y a plusieurs semaines, après des informations fournies aux SR libanais par des services de renseignements étrangers, mettant en garde contre de possibles assassinats politiques visant à déstabiliser le pays, à la veille de la visite du pape à la mi-septembre, et pour détourner l’attention de la crise syrienne.


Œuvrant donc à rassembler les preuves nécessaires, avec l’aide d’un de ceux que Michel Samaha aurait sollicités pour la mise à exécution des attentats, les SR des FSI ont opéré hier l’arrestation de l’ancien ministre, et avec lui son chauffeur Farès Barakat et sa secrétaire (relâchés en fin de soirée), après en avoir informé les autorités concernées, à savoir le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, comme le confirme à L’OLJ une source proche de ce dernier.


Le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel a démenti avoir eu connaissance de l’arrestation, affirmant que « la justice est la seule partie habilitée à s’exprimer sur l’affaire », mais la même source précise que le ministre n’a été informé que quelques heures avant que l’opération ne soit entamée. En outre, le Premier ministre Nagib Mikati avait affirmé dans la journée que l’arrestation de Michel Samaha était liée à des questions de sécurité et non à une collaboration avec Israël ou au Tribunal spécial pour le Liban (TSL), chargé d’enquêter sur l’assassinat de l’ancien dirigeant Rafic Hariri.


Par ailleurs, le procureur général par intérim, le juge Samir Hammoud, s’est rendu au poste des SR à Achrafieh pour « surveiller personnellement l’interrogatoire », comme il l’a assuré à la VDL (93.3), ajoutant que « le prévenu va bien et n’est soumis à aucune pression ». Notons que selon les règles de procédure, la détention préventive, sous la surveillance du procureur général, dure quatre jours renouvelables une seule fois, le temps de prendre la décision de libérer le prévenu ou de le déférer devant le juge d’instruction.

Les contacts de Bachar el-Assad
Dans ce contexte, les contacts nécessaires pour obtenir la remise en liberté de Michel Samaha n’ont pas tardé. À cette fin, le président syrien Bachar el-Assad est immédiatement intervenu, en cours de soirée, auprès du président de la République et du Premier ministre. Plus tôt dans la journée, une source politique citée par le site nowlebanon avait fait état de « grandes pressions exercées par le régime syrien et ses alliés sur les autorités judiciaires et le chef de l’État pour libérer Michel Samaha ». La même source a également confié que « les FSI ont perquisitionné plusieurs domiciles de suspects dans la même affaire, mais il s’est avéré que certains ont fui vers la Syrie ».


Entre-temps, les alliés du régime de Damas ont dénoncé en chœur l’arrestation de Michel Samaha. Le député Mohammad Raad (Hezbollah) a notamment déclaré à ce propos : « Nous ne garderons pas le mutisme au sujet de ce qu’a subi Michel Samaha. Nous temporiserons un peu. Il s’agit là de machinations sécuritaires que nous avons longtemps expérimentées. »


Après le secrétaire du Baas pro-Assad, l’ancien ministre Fayez Chokr, pour qui « Michel Samaha est accusé de patriotisme », l’ancien président de la République Émile Lahoud a stigmatisé « les pratiques des SR ayant mené une arrestation contraire aux règles de l’enquête préliminaire ». L’ancien député Émile Émile Lahoud a appelé l’État à honorer ses responsabilités, tandis que l’ancien député Béchara Merhej, qui s’est rendu au domicile de Michel Samaha à Khonchara, a stigmatisé la méthode de l’arrestation de ce dernier. Le mouvement des nassériens indépendants-Mourabitoun a appelé à « prendre une décision audacieuse et juste en relâchant Michel Samaha et mettant un terme aux atteintes à la dignité ». Un appel que l’ancien directeur général de la Sûreté générale Jamil Sayyed a formulé en termes explicites, renvoyant au Hezbollah, au président de la Chambre Nabih Berry et au chef du Courant patriotique libre Michel Aoun la responsabilité « morale » de cette arrestation « menée par un service pervers, relevant d’une partie politique spécifique (NDLR : le courant du Futur) ». S’exprimant au seuil de l’appartement de Michel Samaha à Achrafieh, mais dont il s’est vu interdit d’accès, Sayyed a estimé que la responsabilité de ces composantes de la majorité est liée à « leur inertie face à pareille atteinte, alors qu’elles tiennent les rênes du pouvoir ».


En outre, le député du Parti syrien national social Marwan Farès a stigmatisé « les accusations politiques contre l’ancien ministre de l’Information, colportées par l’équipe de Khaled Daher et de Mouin Merhebi ».
Des sources de sécurité interrogées hier matin avaient en effet fait état d’un possible rapprochement entre une tentative présumée d’assassinat contre le député Khaled Daher du Akkar et l’arrestation de M. Samaha. Mercredi à l’aube, une bombe sonore avait explosé dans une oliveraie à une trentaine de mètres du domicile du député Daher à Bebnine (Akkar).


Le député Daher a déclaré, à la mi-journée, être surpris par les informations établissant un lien entre une tentative présumée d’assassinat contre lui et l’arrestation de l’ancien ministre. Il a néanmoins précisé avoir reçu « des mises en garde il y a deux mois contre une tentative d’assassinat avant qu’une grenade ne soit lancée près de notre domicile au Akkar ». « L’existence d’une liste de noms de politiques qui sont les cibles d’assassinat, ainsi que les attentats déjoués contre Samir Geagea et Boutros Harb indiquent que le 14 Mars est menacé », souligne Khaled Daher. S’exprimant en outre à la MTV, il a rappelé que « le régime syrien avait promis de saper la paix civile libanaise ». Quoi qu’il en soit, le député Daher s’en est remis à la justice et aux forces de l’ordre, appelant à « ne pas anticiper les résultats de l’enquête » dans l’affaire de l’arrestation de Michel Samaha. De son côté, le député Mouin Merhebi a également nié détenir des informations relatives à l’implication de ce dernier dans les menaces d’assassinat dont il a lui aussi été la cible.

 

Voir notre revue de la presse libanaise

Affaire Samaha : coup dur pour Damas, champ de mines pour le 8 Mars

Soupçonné d’être lié à une affaire à caractère sécuritaire, l’ancien ministre et député Michel Samaha, connu pour entretenir des liens très étroits avec le régime syrien, a été arrêté hier matin à son domicile de Khonchara (Metn-Nord) par une unité des services de renseignements des Forces de sécurité intérieure. À en croire diverses sources d’informations, toutes...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut