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À La Une - Pollution

Réintroduction des véhicules au diesel : vives inquiétudes au Liban

Un projet de loi sur les voitures au diesel vient d’être adopté en Conseil des ministres. Des spécialistes s’alarment déjà, craignant une nette augmentation des polluants dans l’atmosphère.

Le Liban a longtemps souffert et continue de souffrir des émanations des vieux tacots. Photo Hassan Assafiri

Il y a dix ans, la société civile remportait l’une de ses rares victoires en matière de combat pour l’environnement : l’interdiction du mazout pour les voitures et les minibus (moins de 24 places). À cette époque-là, l’air était devenu irrespirable dans la capitale et les autres grandes villes du pays étant donné que le mazout utilisé était de très mauvaise qualité, et les moteurs souvent anciens et inadaptés. Les bus de plus de 24 places ainsi que les grands bus et les poids lourds n’étaient pas inclus dans cette mesure d’interdiction.

Aujourd’hui, le sujet a été rouvert par le ministère de l’Énergie, qui vient de soumettre un projet de loi au Conseil des ministres en vue d’autoriser le mazout pour tous les véhicules. Le projet de loi a été adopté, et commence à susciter des craintes : sommes-nous à la veille d’un retour à la situation qui prévalait dans les années 90 ?
Pour comprendre la teneur du projet de loi (qui doit encore être approuvé au Parlement), nous avons interrogé Michel-Ange Medlej, conseiller du ministre de l’Énergie en matière de pétrole et de gaz. Celui-ci commence par nier toute éventualité de l’utilisation du mazout actuellement écoulé sur le marché libanais, dans de vieux véhicules. « Le mazout ne sera autorisé que pour les véhicules âgés de cinq ans tout au plus, dit-il. De plus, le mazout dont on parle maintenant est le EM590, qui répond aux critères européens. »
Qui assurera le contrôle de l’application de cette loi? « Pour une application plus malléable et susceptible d’être modifiée avec le temps et l’évolution des standards, nous comptons faire adopter les décrets d’application au fur et à mesure, répond Medlej. De plus, de par l’adoption de cette loi, l’utilisation du mazout dans les anciennes voitures, qui n’a pas tout à fait disparu malgré l’interdiction, sera de facto interdit. Un mécanisme sera mis en place pour assurer le contrôle. »
Pourquoi le ministère a-t-il voulu réautoriser le mazout pour l’ensemble des véhicules malgré la mauvaise expérience passée ? « En premier lieu, nous avons voulu réduire le coût des tranports en ces temps de crise, dit-il. Le diesel représente une économie de 25 % par rapport à l’essence. De plus, il s’agit d’une option plus écologique que l’essence, surtout que le pot catalytique est obligatoire pour tous ces véhicules. Enfin, nous avons pensé que le Libanais a le droit d’avoir le choix entre diesel et essence. »

Petites particules, danger !
Le diesel plus écologique que l’essence ? Pas si sûr. Beaucoup remettent aujourd’hui en question ce qui paraissait être une évidence, même dans les pays où le parc automobile est à majorité formé de véhicules
au diesel, comme la France. Des sites Internet comme linternaute.com soulignent que le moteur diesel, souvent vanté pour ses faibles émissions de CO2, n’en est pas moins polluant en raison des émissions d’oxydes d’azote (NOX) qui restent élevés. Mais le principal coupable de la pollution atmosphérique causée par le diesel, selon le site, ce sont les particules fines, les benzopyrènes, hautement cancérigènes. Et ce même quand les véhicules diesel sont neufs et le mazout conforme aux standards européens.
Selon un article de Franck Dupre d’autonews.fr, qui cite Europe 1, « ce sont près de 380 000 personnes qui meurent chaque année en Europe de la pollution au diesel ».
Or, au Liban, les deux polluants tenus pour responsable de cette pollution nocive, le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (PM2,5 et PM10) sont présents à de forts taux dans l’atmosphère. C’est ce que révèlent les résultats d’une étude présentée pas plus tard que fin avril par l’Unité mixte de recherche sur la qualité de l’air créée par le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), formée de chercheurs de l’AUB et de l’USJ.
Maher Abboud, professeur de chimie et membre de cette unité, explique que le taux de particules fines dans l’air, selon les mesures des scientifiques, dépasse souvent et de loin les taux autorisés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Ces particules, qui sont des sortes de bulles contenant de nombreuses composants chimiques, sont particulièrement dangereuses parce que, étant très petites, elles pénètrent profondément dans les poumons et se greffent sur les cellules, auxquelles elles transmettent les agents chimiques qu’elles transportent », souligne Abboud.
Wehbé Farah, scientifique actif dans la même unité, explique pour sa part que l’OMS a établi un rapport clair de cause à effet entre un fort taux de particules fines dans l’atmosphère et la recrudescence de maladies cardio-vasculaires et pulmonaires. « Tous les types de mazout émettent des particules fines », affirme-t-il.
Michel-Ange Medlej n’est pas de cet avis. « Peut-être qu’en France, le débat est ouvert, mais il faut savoir que le diesel qu’on compte importer est plus propre que l’essence que nous utilisons », explique-t-il. Mais alors pourquoi ne pas songer à importer une essence plus propre ? « Les lois qui régissent l’importation de l’essence ont été adoptées il y a un certain temps, et elles imposent des standards qu’il est difficile de changer sans modifier toute la loi », dit-il.
La réintroduction du mazout, sous quelque forme que ce soit, se justifie-t-elle aujourd’hui, notamment si la tendance s’inverse mondialement et surtout en Europe ? « Ajouter des véhicules diesel au parc automobile ne ferait qu’aggraver la pollution, même si le carburant utilisé est de bonne qualité, insiste Wehbé Farah. Ce qu’il nous faut pour combattre plus efficacement la pollution, c’est réduire le nombre de voitures en circulation en favorisant le transport public, le covoiturage, etc. »

Il y a dix ans, la société civile remportait l’une de ses rares victoires en matière de combat pour l’environnement : l’interdiction du mazout pour les voitures et les minibus (moins de 24 places). À cette époque-là, l’air était devenu irrespirable dans la capitale et les autres grandes villes du pays étant donné que le mazout utilisé était de très mauvaise qualité, et les...

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