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À La Une - Le bloc-notes de Abdo Chakhtoura

Une vengeance piégée...

Évidemment qu’on a été les chercher, ces sunnites, modérés et extrémistes confondus, pour les pousser à la faute.
Évidemment qu’on les a trouvés, et facilement, tellement tant de feux couvaient sous tant de cendre. Et évidemment, ce sont les séides libanais du pouvoir damascène, cachés ou affichés et fiers de l’être, qui se sont chargés de la sale besogne, déterminés à les punir pour avoir pris activement fait et cause pour leurs coreligionnaires, allègrement massacrés de l’autre côté de la frontière dans l’indifférence et la complicité quasi générales.
Mais le vrai piège est ailleurs et la ficelle tellement grosse et évidente que personne ne veut ou n’a envie de la voir. Tout comme la lettre de Poe. Ivres de haine contenue, les instincts se sont libérés et les sunnites, tous les sunnites, salafistes, islamistes, haririens et même, dit-on, des Tripolitains pro-Mikati, ont foncé tête baissée dans le panneau.
Un magnifique cadeau à Assad, manœuvrier à la petite semaine, qui cherchait désespérément un nouveau front, une bienvenue bulle d’oxygène.
Faut-il autant de cécité intellectuelle et politique pour ne pas se rendre compte que la mini bataille de Tarik Jdidé  au cœur de la capitale ne représente que les prémices de cette  fitna  intercommunautaire, catastrophe annoncée et surtout tant redoutée ?   Des Libanais qui s’entretuent encore une fois pour le compte des autres, livrant de nouveau, en offrande sanglante, leur pays plusieurs fois meurtri au bourreau de toujours.
Et dans quel objectif! Laver l’affront fait à Beyrouth en 2008 par les hordes hezbollahies et leurs alliés prosyriens ? Piètre et petite revanche lourde de ces représailles espérées, souhaitées et calculées par les maîtres d’œuvre syro-iraniens qui veulent faire tomber définitivement le Liban dans leur escarcelle, bâillonner enfin tous les amis d’un peuple martyrisé depuis mars 2011...
À ceux qui pourraient taxer ces colonnes de défaitistes, une seule réponse : du pragmatisme, celui de savoir éviter au pays le pire, et de l’intelligence, celle de savoir résister aux chants des sirènes américaines et surtout arabes, qui voudraient nous embarquer dans des guerres intestines et livrer bataille au camp adverse sur notre sol, encore et toujours par Libanais interposés.
Et surtout ne pas prêter le flanc, céder aux vieux démons de la vengeance au risque de se laisser déborder par les salafistes et autres extrémistes. Misérable chimère...
Et l’armée dans tout ceci ? Une troupe dont le principal réservoir, cruelle ironie, se trouve être ce Akkar tellement pauvre et tellement oublié ; une armée ballottée, comme dans un mauvais remake, entre des seigneurs de guerre encore omniprésents et des politiciens aux ordres qui lui imposent, avant quelle n’intervienne pour restaurer l’ordre public, cette notion idiote et criminelle de « sécurité à l’amiable ». Exactement de quoi démotiver la troupe et la décrédibiliser.
Faudrait-il souffrir d’autant d’amnésie profonde et totale pour oublier à ce point sa propre histoire ? Ramassons tous un moment nos billes, prenons le temps de réfléchir et surtout de fouiller minutieusement nos mémoires. Réveillons-nous donc de cet alzheimer collectif et souvenons-nous de l’irréparable : c’est quand l’armée a été chassée du Sud, par les Palestiniens d’abord puis par le Hezbollah, que des guerres y ont éclaté, et c’est depuis qu’elle y est revenue, grâce à la communauté internationale il faut le reconnaître, qu’une relative mais salutaire stabilité a repointé son nez.
Ce triste rappel de catastrophes répétées, qui ont déjà à moitié détruit le Liban et hypothéqué son avenir pour des décennies, suffira-t-il à réfréner l’ardeur guerrière de nos compatriotes à Tripoli et au Akkar, et bientôt à grande échelle à Beyrouth ? Rien n’est moins sûr.
Si tel est malheureusement le cas comme d’habitude, irrémédiablement maudit est donc ce pays et ses pauvres habitants.
Jusqu’à la fin des temps ?

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P.-S. Une bouteille à la mer, lancée de manière désabusée, complètement naïve et sans illusion aucune, à l’adresse du Hezbollah et de ses acolytes, qu’ils soient présidentiables comme le député-général Michel Aoun, simples boutiquiers comme Berjaoui, ou même hommes de main chez les idéologues du PSNS.
À travers notre histoire libanaise contemporaine, chacune des principales confessions libanaises a essayé vainement, par la force des armes, d’imposer son diktat à ses autres compatriotes. Les sunnites et les druzes s’y sont dramatiquement cassé les dents, malgré l’appoint des Palestiniens surarmés. Les chrétiens ont également fait chou blanc (ou plutôt rouge sang), en dépit de la toute-puissance de l’armée israélienne « amie » de l’époque.
Serait-il tellement honteux d’en prendre de la graine, de penser Liban d’abord (ce label n’est pas une exclusivité haririenne) et se défaire de l’axe syro-iranien pour le bien de tous ? Y a-t-il une seule vérité divine ? Le pouvoir absolu mériterait-il tellement de sang et de souffrances ?
Question de civilisation sans doute !

 

A.C.

Évidemment qu’on a été les chercher, ces sunnites, modérés et extrémistes confondus, pour les pousser à la faute.Évidemment qu’on les a trouvés, et facilement, tellement tant de feux couvaient sous tant de cendre. Et évidemment, ce sont les séides libanais du pouvoir damascène, cachés ou affichés et fiers de l’être, qui se sont chargés de la sale besogne, déterminés à les...

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