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À La Une - La chronique de Nagib Aoun

En toute démocratie...

France-Liban : deux pays, deux entités, l’une ancrée dans son « occidentalité », l’autre dans son « orientalité », deux pays, deux façons de voir les choses, d’appréhender la volonté populaire, de vivre la démocratie qui en est issue. Deux parcours, un même climat délétère en période de tensions. Mais là où les crises sont contenues par les lois, par les institutions, ici elles sont régies par les états d’âme, les trafics d’influence.
Pourquoi cette comparaison ? Pour la simple raison que la France vote depuis hier, que les Libanais s’apprêtent à voter pour leurs propres législatives et qu’ils se targuent d’avoir pris de l’Hexagone les textes et principes qui ont façonné leur démocratie. Ce qu’ils en ont fait est une tout autre affaire, une question bien brûlante qui mériterait qu’on en fasse le sujet d’un grand débat...
Dire que la démocratie est la panacée, le remède à toutes les maladies, ce serait évidemment aller vite en besogne. Churchill ne s’y trompait pas lorsqu’il disait que « la démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres ». On voit bien d’ailleurs comment le terrorisme, « maladie du siècle nouveau », a réussi à s’introduire à travers les failles de cette démocratie pour créer les conditions d’une épreuve de force inédite, d’une dérive potentielle vers des réactions musclées, abusives, contraires à l’esprit des lois.
Mais les drames de Toulouse et de Montauban, en France, ont donné la preuve qu’en démocratie les pires des situations peuvent toujours être réglées en conformité avec les législations et dans le respect des droits de l’homme. Une loi à laquelle sont assujettis autant les voyous, les repris de justice... que les hommes politiques, ces derniers étant même les plus ciblés pour la simple raison qu’ils sont supposés donner l’exemple d’une probité sans faille.
Personne n’y échappe, tous sont logés à la même enseigne : présidents, députés, ministres ou prétendants à la fonction suprême. Les affaires Chirac, Woerth, DSK, et d’autres, récentes ou plus anciennes, en font foi.
En est-il de même au Liban ? La question pourrait prêter à rire au lendemain d’un débat parlementaire qui a étalé au grand jour l’énormité de la corruption qui gangrène notre classe politique, la faillite et la duplicité de ceux-là mêmes qui se posent en hérauts de la bonne parole, en défenseurs acharnés des valeurs morales. Trois jours d’un cirque pitoyable qui s’est conclu par un blanc-seing pathétique, le tout couronné par une réunion hilare, au Sérail, autour d’une « knéfé » de circonstance. Aux premières loges figuraient, fiers comme Artaban, ceux qui avaient été accusés la veille, au Parlement, de dilapider ou d’escroquer les deniers publics...
Démocratie des scandales, des contrats juteux, des pots-de-vin, des commissions de sous la table ; démocratie d’une justice aveuglée, menottée, soumise aux pressions politiques ; démocratie des armes illégales, d’un État dépouillé de ses oripeaux, contraint de négocier sa survie avec ses propres fossoyeurs...
France-Liban : là, on vote, ici on vivote. Là, les administrations fonctionnent au service du citoyen, ici elles se décomposent au détriment du citoyen. La comparaison s’arrête là, au triste constat d’un héritage institutionnel galvaudé.
C’est dans ce contexte que l’ambassadeur de France, Denis Pietton, s’apprête à nous quitter, confiant à nos lecteurs qu’il se sent désormais « un peu libanais ».
Un peu libanais, probablement pour avoir côtoyé de si près nos misères quotidiennes et d’en avoir souffert, pour avoir constaté combien sont grandes les potentialités du pays du Cèdre, mais combien sont plus grandes encore les déconvenues, les occasions manquées...
France-Liban : deux pays, deux entités, l’une ancrée dans son « occidentalité », l’autre dans son « orientalité », deux pays, deux façons de voir les choses, d’appréhender la volonté populaire, de vivre la démocratie qui en est issue. Deux parcours, un même climat délétère en période de tensions. Mais là où les crises sont contenues par les lois, par les...

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