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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Affaires sans (pour)suites

Quel pays au monde peut-il vivre au XXIe siècle sans budget ? Sans électricité ? Sans eau courante ? Sans réseau téléphonique performant et fiable ? Sans hospitalisation des adhérents à la Sécurité sociale ? Sans code de la route ? Sans protection du consommateur ? Sans pourvoi des postes vacants, y compris au sein de la magistrature ? Mais surtout quel peuple peut-il accepter aussi docilement de se laisser dérober de son dû?

 

Le mal libanais ce n’est pas l’insubordination à l’État, mais la lâche résignation à l’absence de l’État. En panne endémique le système politique? Pourrie jusqu’à l’os l’administration publique ? Le fameux système D a pris la relève, et c’est à un idéal d’autarcie que nous portent, insidieusement, les générateurs de quartier aux tarifs pourtant abusifs, les livraisons à domicile d’eau qui ne coule pas toujours de source, les gardiennages privés et autres palliatifs. Ce n’est que fortuitement, littéralement par accident, que se réveillent, pour un temps, les consciences de ceux qui ont charge d’âmes : que sont alors recensés et évacués les immeubles d’habitation branlants, que sont traqués les empoisonneurs écoulant des aliments ou des médicaments avariés.


C’est par la tête que commence à pourrir le poisson. Et si médiocrité et prévarication règnent en maîtres dans les services étatiques, si la cupidité des fraudeurs dépasse toute imagination, c’est que l’exemple vient le plus souvent d’en haut : le bakchich exigé par le fonctionnaire en échange de ses prestations n’est que l’enfant naturel des commissions astronomiques que se disputent comme charretiers les puissants. Politique et affaires ont toujours fait bon ménage hélas dans notre pays ; ce qui a changé depuis quelques années, c’est que l’on ne s’en cache plus désormais, et que l’habitude aidant, cela n’étonne plus personne. Les scandales sont légion et les accusations de corruption ne manquent guère, c’est vrai, mais les justiciers du moment eux-mêmes sont rarement au-dessus de tout soupçon, compte tenu de l’affairisme et du népotisme ambiants. Témoin en est cette empoignade à laquelle on s’est livré, des mois durant, au sein du gouvernement, à propos de la réhabilitation du réseau électrique.


Ici, un ministre de tutelle repoussant du pied les offres de financement arabes et internationales à intérêt réduit et exigeant avec une étrange obstination le recours, à fonds perdus, à des centrales flottantes ; et là un groupe conduit par le Premier ministre et préconisant d’investir, au contraire, dans le dur. Même pour un nez non averti, le débat ne sentait pas précisément la rose. Ce n’est pas moi qui le prétends mais un très authentique ministre, celui des Travaux publics, qui se plaignait l’autre soir à la télévision des relents de corruption que dégageait manifestement ce bras de fer qui a failli provoquer l’implosion du gouvernement.


Le plus incroyable c’est que nulle des parties visées n’a même songé à protester.


Un peu moins de centrales flottantes, mélangées à une bonne dose d’équipement durable : reste à espérer qu’avec ce singulier cocktail dont il était question hier en guise de compromis, les Libanais n’y verront pas plus noir encore.


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Quel pays au monde peut-il vivre au XXIe siècle sans budget ? Sans électricité ? Sans eau courante ? Sans réseau téléphonique performant et fiable ? Sans hospitalisation des adhérents à la Sécurité sociale ? Sans code de la route ? Sans protection du consommateur ? Sans pourvoi des postes vacants, y compris au sein de la magistrature ? Mais surtout quel peuple peut-il accepter aussi...

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