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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Grandeur et déficiences

Il y a bien longtemps – cela remonte à la guerre arabo-israélienne de 1973 – que l’on n’avait fait intervenir en aussi grand nombre les blindés syriens. Depuis cette date, c’est le calme plat sur le Golan. Mais les mêmes blindés, et avec eux l’artillerie de campagne, n’ont pas chômé pour autant, tantôt pilonnant sans répit les villes libanaises résistant à l’occupation et tantôt rasant, pour l’exemple, la ville syrienne de Hama entrée en révolte. Homs et Zabadani viennent de faire leur entrée dans le sinistre palmarès. Et c’est le moment que choisit la Russie pour se faire sur place le témoin, sinon le garant, de la prétendue bonne volonté d’un régime qui multiplie les fausses promesses et qui, dans le même temps, lâche la bride à la machine de mort.

 

Bachar el-Assad souhaite faire cesser les violences d’où qu’elles viennent, il demande la reprise (et même l’élargissement !) de la mission d’observation arabe et enfin le référendum sur une nouvelle Constitution est pour très bientôt : si les résultats de la concertation qu’a eue hier à Damas le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, avec le raïs de Syrie n’arrivent guère à convaincre, c’est qu’il y a là un double problème de crédibilité. Le régime a déjà épuisé la sienne et c’est son départ pur et simple qui est désormais réclamé par les contestataires. Quant à la Russie, ce sont de toute évidence d’égoïstes considérations stratégiques qui la portent à avancer ses pions, à offrir sursis sur sursis à son protégé, à défendre avec un tel acharnement l’indéfendable comme elle le faisait samedi dernier en usant une deuxième fois de son droit de veto à l’ONU.

 

En réalité, c’est avec l’Amérique, et plus généralement l’Occident, que Moscou est en train de marchander âprement le sort du régime syrien. C’est la stature de la défunte Union soviétique que cherche à récupérer la Russie, c’est un rôle effectif dans cette partie du monde qu’elle cherche à conserver à tout prix, ce sont des garanties de sécurité face au dispositif militaire de l’OTAN en Europe qu’elle réclame : toutes exigences demeurées insatisfaites, à sa grande fureur, malgré l’aval qu’elle avait donné au déboulonnage du Libyen Kadhafi.
Pour monstrueusement normale que puisse paraître la démarche en termes froids, cyniques, amoraux, de géopolitique, elle n’en demeure pas moins aventureuse, voire dangereuse : dangereuse pour la planète entière, qu’elle mène droit à un retour à la guerre froide, laquelle se nourrit comme on sait d’une multitude de guerres chaudes ; et dangereuse pour la Russie elle-même qui, en cautionnant jusqu’au bout la barbarie de la répression baassiste, n’aurait fait que ternir encore son image, déjà compromise par les dérives antidémocratiques et même carrément mafieuses qui y ont cours. Moscou y aurait peut-être gagné en volume et en poids, mais certes pas en grandeur.

 

Cela dit la grandeur est-elle toujours présente de l’autre côté de la barricade ? Impressionnante bien sûr est la cascade de fermetures d’ambassades, de rappels ou d’expulsions d’ambassadeurs enregistrée hier. Pour considérablement importantes qu’elles soient toutefois, les prises de position occidentales et arabes en faveur du changement en Syrie continuent de buter sur un point encore plus essentiel : à l’heure où ce pays s’enfonce chaque jour un peu plus hélas dans la guerre civile, ce n’est plus à mains nues que la révolution peut continuer de braver un régime faisant feu de toutes ses pièces, ce n’est plus de sympathie mais d’armes qu’elle a besoin, même si demeure exclue une intervention militaire à la libyenne.

 

Mais avant que de tancer les autres, peut être nous faut-il commencer par balayer à notre porte. Le Liban n’est pas de taille à se transformer en source de ravitaillement pour les révolutionnaires syriens et il est donc normal que la force publique sévisse contre les trafiquants d’armes dans le nord du pays. Ce qui est anormal et tristement scandaleux en revanche, c’est que la même force publique fasse le mort quand c’est l’armée d’à côté qui vient faire elle-même le ménage, quand le devoir d’asile et de protection est dénié aux réfugiés de Syrie, quand certains de ceux-ci sont kidnappés et rapatriés avec la complicité de certaines polices. À défaut de puissance, un brin de grandeur ne nous ferait pas grand mal...

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Il y a bien longtemps – cela remonte à la guerre arabo-israélienne de 1973 – que l’on n’avait fait intervenir en aussi grand nombre les blindés syriens. Depuis cette date, c’est le calme plat sur le Golan. Mais les mêmes blindés, et avec eux l’artillerie de campagne, n’ont pas chômé pour autant, tantôt pilonnant sans répit les villes libanaises résistant à l’occupation...

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