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À La Une - Société

Israël sur le terrain glissant de l’extrémisme religieux ?

Cas de ségrégation homme-femme plus fréquents, baisse de la mixité dans les écoles, tensions au sein de l'armée... Le conflit entre laïcs et ultra-orthodoxes touche au cœur de l’identité d’un Etat qui se veut à la fois juif et démocratique.

Le 17 juin 2010, plus de 120.000 juifs ultra-orthodoxes ont manifesté à Jérusalem contre "l'ingérence" de la Cour Suprême dans les affaires religieuses. Photo archives/

Ennhada, le Parti de la Justice et du Développement (PJD), les Frères musulmans- suivis par les salafistes.... En Tunisie, au Maroc et en Egypte, le "printemps arabe" s'est traduit, lors des scrutins organisés ces dernières semaines, par la victoire électorale de partis islamistes. Une douche froide pour les Occidentaux, mais aussi, et surtout, un réveil difficile pour les laïcs des pays où a soufflé le vent de la révolte. Avec, en toile de fond, le risque que se creuse le fossé entre ces deux composantes de la société.

 

Ce fossé et le renforcement de l'extrémisme religieux ne sont toutefois pas l'apanage du monde arabe. En Israël aussi, la tension monte sérieusement entre laïcs et ultra-orthodoxes.

 

"Les haredim (les juifs ultra-orthodoxes) affichent beaucoup de haine à l’encontre de la communauté laïque. Ils comparent les policiers à des "nazis" et voient les dirigeants politiques de l’État comme des envoyés du diable. Beaucoup de Juifs laïcs détestent eux aussi les haredim, au point de vouloir leur disparition pure et simple."

Sur le site israélien JSSNews, le rabbin Haîm Amsellem, député à la Knesset, tire la sonnette d'alarme sur un conflit qui menace la société israélienne. Un conflit sourd qui oppose juifs ultra-orthodoxes et laïcs, extrême-droite et gauche. 

 

En juin 2010, et pour la première fois depuis plus de 10 ans en Israël, les ultra-orthodoxes sont descendus dans les rues. Quelque 120.000 juifs religieux ont manifesté au coeur de Jérusalem pour fustiger "l'ingérence" de la Cour suprême d'Israël dans leurs affaires et affirmer la primauté de la Torah sur la loi civile. "C'est la Torah qui commande!". Sur les banderoles des manifestants, les slogans ne cessaient de rappeler la primauté de la loi religieuse sur les règles laïques. En 1999, les juifs haredim avaient rassemblé un demi-million de personnes à Jérusalem, la plus importante manifestation de l'histoire du pays, pour protester, déjà, contre "la dictature" de la Cour suprême.

 

"Les relations entre les haredim et les autres Israéliens n'ont jamais été simples. Les ultra-orthodoxes sont souvent accusés de préférer les études religieuses au travail, et de rejeter la société moderne tout en vivant à ses crochets", soulignait, en janvier dernier, le quotidien israélien Jerusalem Post.

 

 

Aujourd'hui, en Israël, le conflit entre ultra-orthodoxes et laïcs bat son plein. Un conflit qui se déroule sur plusieurs champs de bataille.

 

 

Au sein de la Knesset, le camp ultra-nationaliste a intensifié son offensive législative tous azimuts. 

 

La Knesset (parlement israélien) a approuvé, le 21 novembre dernier, un projet de loi controversé sur la presse, en dépit d'une levée de boucliers des journalistes dénonçant des menaces sur la liberté d'expression. Le projet de loi, soutenu par la droite et l'extrême droite, aggrave de façon draconienne les sanctions contre les auteurs de propos jugés "diffamatoires" dans la presse, à la radio-télévision et même sur Facebook.

 

Avant de voter en faveur de la loi, Benjamin Netanyahu s'est voulu rassurant : "Aussi longtemps que je serai Premier ministre, Israël restera une démocratie exemplaire".

"Ils ne veulent pas de la démocratie", a rétorqué, en Une, le quotidien à grand tirage Yédiot Aharonot. "Ils en ont assez des règles du jeu de la démocratie occidentale. Maintenant, ils sont décidés à la détruire".

 

Le 13 novembre, l'extrême droite avait déjà marqué un point en obtenant le feu vert du gouvernement à deux propositions de loi controversées ciblant le financement d'ONG israéliennes hostiles à l'occupation et à la colonisation des Territoires palestiniens. Ces lois prévoient de limiter le financement de ces ONG par des Etats ou des institutions internationales qui cherchent "à influencer la politique diplomatique et sécuritaire d'Israël", et de les taxer de façon draconienne. 

Mais face au tollé suscité par ce projet de loi à l'étranger, M. Netanyahu a décidé d'en suspendre la ratification au Parlement.

 

Le 14 novembre, la Knesset a néanmoins approuvé un projet de loi du gouvernement modifiant la composition de la commission de désignation des juges à la Cour suprême, bête noire de l'extrême-droite et des ultra-orthodoxes religieux. Ce texte doit permettre la nomination au sein de la Cour d'un juge connu pour ses opinions de droite.

 

 

Eli Yishaï, le chef du Shass, parti ultra-orthodoxe . Photo AFP

 

 

Le 11 juillet, l'extrême-droite est parvenue à faire adopter une loi interdisant, en Israël, d'appeler au boycottage des colonies.

Le 23 mars, la Knesset a adopté, à l'initiative de l'extrême-droite, une loi controversée pénalisant les organismes qui commémorent la "Nakba" ("catastrophe" en arabe), l'exode des Palestiniens ayant accompagné la création d'Israël le 15 mai 1948 et la guerre israélo-arabe qui a suivi.

Pour l'heure toutefois, ces deux lois semblent avoir été gelées, à la suite du tollé qu'elles ont provoqué en Israël et à l'étranger.

 


Le 3 décembre, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'était dit inquiète de la "législation antidémocratique" mise en oeuvre par l'aile la plus à droite de la coalition au pouvoir, a rapporté le Yediot Aharonot. Critiques auxquelles le ministre de l'Intérieur Eli Yishaï, leader du parti ultra-orthodoxe Shass, avait répondu en affirmant qu'Israël demeure "la seule démocratie au Proche-Orient". 


L'offensive ultra-orthodoxe ne se limite pas à la Knesset.

 

 

Une ségrégation qui s’étend…

 

Entre 2007 et 2011, l’Etat hébreu est passé de la 36e à la 55e position du Global Gender Gap Index, publié par le Forum économique mondial, qui mesure les différentiels hommes-femmes dans 135 pays. Cette année, l’Etat hébreu se classe derrière la Mongolie, le Kirghizistan et la Namibie, a rapporté, le 19 novembre, le quotidien français Libération.

Ces dernières années, les femmes sont de plus en plus marginalisées au sein de la communauté ultra-orthodoxe qui représente 10% de la population de l’Etat hébreu. Des autobus, des supermarchés, des trottoirs… réservés aux femmes se multiplient dans certains quartiers de Jérusalem où la population ultra-orthodoxe se développe rapidement.

Face à ces évolutions, la Cour suprême d’Israël a dû prendre des mesures et ordonné, par exemple, en octobre dernier, le retrait de barrières destinées à diviser un trottoir lors d’une cérémonie religieuse.

"L’oppression croissante des femmes par les religieux radicaux a des répercussions dans l’ensemble de la société", s’était alors inquiétée la députée de gauche (Meretz) Zehava Gal-On, militante de longue date pour les droits des femmes en Israël.

 

 

 

Un reportage de France 24, "Israël: la ségrégation sexiste monte dans le bus".

 

Dans certaines villes israéliennes, les ultras poussent même pour que les visages féminins soient bannis des panneaux publicitaires. "Nous avons appris qu'une campagne publicitaire à Jérusalem et Bnei Brak qui inclut des images de femmes pourra, au mieux, rester visible quelques heures, voire entraînera des actes de vandalisme, comme l'incendie du bus ou du support publicitaire", déplorait, le 8 novembre dernier Ohad Gibli, directeur adjoint du marketing pour l’agence de publicité de Canaan, interrogé par CBS News. Ohad Gibli qui expliquait sa décision d'abandonner l’exploitation des images de femmes dans ses campagnes, notamment à Jérusalem et Bnei Brak.

 

 

Les écoliers ne sont pas épargnés…

 

La pression imposée par les ultra-orthodoxes sur la mixité ne s'arrête pas aux portes de l'école. La mixité dans les écoles pour enfants juifs a baissé de façon spectaculaire ces dernières années, sous la pression des milieux religieux, selon une étude publiée début décembre par le quotidien Haaretz. Quelques 40% des écoles primaires ont institué la séparation entre les sexes, selon cette étude. Le nombre d'écoles d'Etat religieuses refusant la mixité a été multiplié par trois en dix ans. Sur 391 écoles de ce type, seules 140 sont mixtes, alors qu'il y a dix ans la proportion était inverse.

 

"Ce développement est préoccupant car il traduit une tendance à l'extrémisme religieux", a déploré l'ancien vice-ministre de l'Education, le rabbin, Michael Melchior, cité par le journal.

 

 

Un jeune élève dans une école ultra-orthodoxe de Jérusalem. Photo Reuters

 

 

Un "bourrage de crâne religieux" au sein de l’armée


Cette poussée intégriste s'est également manifestée au sein de l'armée israélienne où les incidents se sont multipliés ces derniers mois.

 

Les discriminations croissantes envers les femmes dans l'armée pour des raisons religieuses représentent une menace pour la sécurité d'Israël, ont mis en garde 19 généraux à la retraite dans une lettre adressée le 18 novembre dernier au ministre de la Défense, Ehud Barak, et au chef d'état-major, le général Benny Gantz, et publiée dans le quotidien Haaretz.

Les signataires ont évoqué plusieurs événements dans lesquels des femmes soldats ont été discriminées pour répondre aux exigences religieuses de militaires ultra-orthodoxes. Ils ont cité des demandes formulées pour que les femmes n'entraînent plus de soldats hommes et qu'elles ne fassent plus partie d'unités de combat mixtes. Ils ont  relevé également des cérémonies militaires récentes au cours desquelles hommes et femmes étaient séparés...

Les généraux ont alors appelé MM. Barak et Gantz à prendre des mesures "pour empêcher que les femmes soldats soient victimes de préjudices (...) et pour que cela ne fasse pas boule de neige, ce qui pourrait dans l'avenir avoir un impact négatif sur la sécurité de l'Etat d'Israël et sur les valeurs fondamentales de l'ensemble de la société israélienne".

 

L'armée israélienne encourage depuis plusieurs années l'enrôlement d'ultra-orthodoxes en créant des unités spéciales dans lesquelles ils ne côtoient pas de femmes soldats. "Nous apprécions les soldats religieux et respectons leurs droits, mais cela devrait être réglementé pour que leurs normes religieuses ou leurs modes de vie ne soient pas imposés au reste de l'armée", peut-on encore lire dans la lettre, une initiative rare chez des gradés de ce niveau.


 


 

Des juifs ultra-orthodoxes devant une synagogue, dans la vieille ville de Jérusalem.
Photo archives. Baz Ratner/Reuters

 

 

Quelques mois plus tôt, un autre général israélien, Avi Zamir, s'était inquiété de la montée de l'extrémisme religieux au sein de l'armée, selon des extraits d'un rapport publié le 20 juillet dernier par le quotidien Haaretz. Dans ce document, le général Zamir, qui avait quitté ses fonctions de chef de service du personnel de l'armée un mois plus tôt, avait dénoncé des facteurs qui "remettent en cause le rôle traditionnel de Tsahal comme armée du peuple", pointant notamment du doigt "la montée d'un extrémisme religieux".

Le général Zamir avait proposé en outre de retirer au rabbinat le rôle du renforcement de la "conscience juive" dans l'armée, pour confier cette tâche au service de l'Éducation, après que des recrues, selon le journal, se soient plaintes d'un "bourrage de crâne religieux et ultra-nationaliste".

 

Selon le Haaretz, les plaintes déposées par des soldates et des femmes officiers auprès de l'état-major s'accumulent. 

 

Cette ségrégation accrue est renforcée par un taux de natalité très élevé au sein de la communauté ultra-orthodoxe. Le journal israélien Jerusalem Post explique qu'à cause de ce taux de natalité, la "proportion des juifs ultra-orthodoxes dans la population nationale devrait passer de 9% actuellement à 15% en 2025". La crise ne ferait-elle que commencer ?

Ennhada, le Parti de la Justice et du Développement (PJD), les Frères musulmans- suivis par les salafistes.... En Tunisie, au Maroc et en Egypte, le "printemps arabe" s'est traduit, lors des scrutins organisés ces dernières semaines, par la victoire électorale de partis islamistes. Une douche froide pour les Occidentaux, mais aussi, et surtout, un réveil difficile pour les laïcs des pays...

commentaires (3)

Dans le club de l'extrémisme et du fanatisme, mais non violent, qui mène tout droit aux temps de la genèse, les Ultra Orthodoxes Juifs occupent, à eux seuls, toute la place. Ici, on ne peut pas parler des deux faces d'une même monnaie. Ici, on a sa propre monnaie, et on en occupe exclusivement les deux faces. Genèse exige ! Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

02 h 55, le 14 décembre 2011

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Commentaires (3)

  • Dans le club de l'extrémisme et du fanatisme, mais non violent, qui mène tout droit aux temps de la genèse, les Ultra Orthodoxes Juifs occupent, à eux seuls, toute la place. Ici, on ne peut pas parler des deux faces d'une même monnaie. Ici, on a sa propre monnaie, et on en occupe exclusivement les deux faces. Genèse exige ! Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    02 h 55, le 14 décembre 2011

  • Erreur PRS,erreur...je vous salue Marie...c'est à Marie qu'est révelée(le mot n'est pas exact) l'essence du christianisme...et au pied de la croix on trouve trois femmes,et ce sont trois femmes qui découvrent le tombeau vide.Le machisme de l'Eglise a déformé les choses....voir l'Epitre de saint Paul,célèbre s'il en est....Femmes ,soyez soumises à vos maris,etc....mais à l'origine,Elizabeth,mère de JB,Marie,mère de Jésus,trois femmes à la croix,trois femmes au tombeau vide...ne jamais l'oublier!

    GEDEON Christian

    10 h 57, le 13 décembre 2011

  • N'est-il pas curieux que les trois extrémismes religieux les plus délétères soient le produit des trois religions dites révélées? N'est-il pas également curieux que desdites révélations aucune n'a été faite à une femme?

    Paul-René Safa

    06 h 09, le 13 décembre 2011

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