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À La Une - Émigration

Les étudiants libanais de France peinent à obtenir un permis de travail

Depuis la mise en application de la circulaire Guéant, les étudiants libanais de France désespèrent d’entamer là-bas leur vie professionnelle. À moins d’un assouplissement d’une mesure controversée.

Après avoir terminé leurs études en France dans une grande école ou à la faculté, ils ont décroché un emploi intéressant, en conformité avec leurs qualifications. Ils s’appellent Nayla, Robert ou Amro et sont libanais. Mais ils se sont vu refuser des permis de travail ou attendent de longs mois durant, jusqu’au découragement, une réponse à leur demande de changement de statut. Telle est la situation, aujourd’hui, de nombre d’étudiants libanais qui remuent ciel et terre pour démarrer leur vie professionnelle en France. Un tremplin pour certains, un pas vers l’émigration pour d’autres. Mais l’Hexagone ne l’entend pas de cette oreille. En cette période de sévère crise économique, la France est touchée par un chômage record qui pourrait bientôt franchir la barre symbolique des 10%. En octobre dernier, elle comptait 2814900 chômeurs, son plus haut niveau depuis 11 ans.

Réduire l’immigration professionnelle
Maîtriser l’immigration professionnelle est l’un des moyens préconisés par le gouvernement de François Fillon pour lutter contre le chômage en France. C’est dans cet objectif que les ministres français de l’Intérieur et du Travail, Claude Guéant et Xavier Bertrand, ont cosigné une circulaire, le 31 mai 2011, donnant des directives aux préfets de région et de département. Mieux connue sous le nom de circulaire Guéant, cette mesure entend réduire de manière drastique le flux d’étrangers entrant légalement en France pour motif professionnel. La réduction souhaitée est de 10%, soit de 20000 personnes sur 200000 chaque année. Cette mesure limite aussi l’accès à l’emploi d’étudiants étrangers diplômés des grandes écoles et universités françaises. Il devient désormais extrêmement difficile, voire quasiment impossible pour un étudiant d’obtenir un changement de statut, donc d’obtenir un permis de travail et une carte de séjour, une fois ses études achevées. À moins d’exercer un métier figurant dans la liste des 14 métiers dits «en tension», autrement dit souffrant de difficultés de recrutement. Liste publiée le 12 août 2011 par les autorités françaises, en remplacement de celle établie en 2008, qui comportait alors 30 métiers.
Le cas de l’ingénieur libanais Amro el-Khatib en témoigne. Embauché en France par Air Liquide le 1er juin 2011, en CDI (Contrat à durée indéterminée), après cinq années d’études à l’Université de technologie de Compiègne (UTC), le jeune homme s’est vu refuser un visa de travail par la préfecture de l’Isère, parce qu’il est étranger. Son cas a défrayé la chronique en France et les syndicats se sont mobilisés en sa faveur, dénonçant les conséquences de la circulaire du 31 mai 2011. Résultat, le jeune homme, âgé de 25 ans, a fini par recevoir une autorisation de travailler, en octobre dernier. Il a été réembauché par Air Liquide, qui avait été contrainte de le licencier, à l’expiration de sa carte de séjour. Il est désormais autorisé à séjourner en France. Mais jusqu’à quand?

La crainte de l’expulsion
Nombre de jeunes Libanais n’ont pas eu la chance de voir leur histoire médiatisée et continuent de subir, sans recours possible, les conséquences de la circulaire Guéant. Comme Nayla (dont nous avons changé le prénom) qui a décroché un contrat de travail en CDI, dans les ressources humaines, en septembre dernier, dans une grande entreprise cosmétique. Et ce, après un stage de six mois et un master dans une faculté parisienne. «Un poste à responsabilités doté d’un salaire qui me permettra de rester en France», souligne-t-elle, fascinée par les perspectives d’épanouissement dans ce pays. Grâce à l’intervention de l’entreprise qui l’a embauchée, la jeune femme a réussi à prolonger de trois mois son statut d’étudiante, qui l’autorise à travailler en CDD (Contrat à durée déterminée), en attendant d’obtenir son changement de statut.
Mais la réponse de la préfecture se fait attendre. Quant au visa de Nayla, il expire en janvier 2012. «J’ai à peine plus d’un mois pour profiter de Paris, m’engager dans des activités et surtout essayer de donner le maximum au boulot», dit-elle, redoutant «une nouvelle période de stress et d’instabilité». En pareille situation, difficile pour la jeune femme de ne pas craindre la menace d’expulsion. «On se sent rejeté et on n’arrive pas à se projeter dans le temps», regrette-t-elle, tout en craignant de se retrouver au chômage comme quelques-uns de ses compatriotes, «malgré leur contrat de travail».
Certains parlent pourtant d’un prochain assouplissement de la circulaire Guéant, comme l’ex-Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, premier vice-président du Conseil national de l’UMP, qui avait récemment promis de faire des propositions dans ce sens au gouvernement. « Il faut assouplir cette circulaire et je crois que le ministre de l’Intérieur est d’accord. J’ai eu des entretiens avec lui à ce sujet et je lui fais confiance », avait-il dit le 24 novembre sur LCI. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Laurent Wauquiez, indiquait, de son côté, toujours à propos de la circulaire Guéant, que le gouvernement a «tiré les leçons de ce qui n’avait pas fonctionné». Cité par
Le Point.fr, il a évoqué des «difficultés d’application » de cette circulaire et mentionné des « cas parfois absurdes».
D’autant que les critiques fusent à l’encontre de Claude Guéant. De la part du Collectif du 31 mai, qui rassemble des diplômés étrangers des universités et grandes écoles de France. De la part de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Mais aussi et surtout de la part des grandes écoles et universités françaises qui craignent une désaffection des étudiants étrangers et l’annulation de leurs partenariats avec les grandes universités étrangères.

Assouplissement ou annulation ?
Les promesses d’assouplissement seraient-elles à l’origine du déblocage soudain de la situation de Robert, cet ingénieur diplômé de l’ESIB et de l’Essec (dont nous avons également changé le prénom) qui vient tout juste d’obtenir son permis de travail après plus de cinq mois d’attente ? Ce jeune homme de 26 ans avait été embauché à Paris par un bureau de conseil international, à la suite d’un stage. Mais il n’avait toujours pas d’autorisation de travail, ni de carte de séjour. Tout juste des récépissés lui permettant de prolonger son séjour en France d’un mois ou deux en attendant la clôture de son dossier.
Robert s’attendait donc à un refus ferme, comme le lui avait laissé entendre la direction du travail et commençait à envisager de retourner au Liban ou de se rediriger vers Dubaï, après avoir désespéré d’obtenir permis de travail et carte de séjour. Habité par la « frustration et la colère », contraint de rembourser un prêt bancaire alors qu’il n’avait toujours aucune rentrée, il estimait «absurde» que les universités françaises ne puissent profiter des capacités des étudiants qu’elles ont formés. Sans compter que «les étudiants étrangers contribuent au rayonnement de la France dans le monde». Mais le dossier du jeune ingénieur a finalement été réétudié, comme 400 autres dossiers de demandes de changement de statut, selon certaines indications.
L’affaire est cependant loin d’être terminée. Selon des sources citées par Robert, l’ingénieur libanais, le Sénat devrait étudier en janvier une motion d’annulation de la circulaire Guéant, sur proposition du Parti socialiste. De quoi redonner espoir aux étudiants libanais de France, peu pressés de retourner au pays.
Après avoir terminé leurs études en France dans une grande école ou à la faculté, ils ont décroché un emploi intéressant, en conformité avec leurs qualifications. Ils s’appellent Nayla, Robert ou Amro et sont libanais. Mais ils se sont vu refuser des permis de travail ou attendent de longs mois durant, jusqu’au découragement, une réponse à leur demande de changement de statut....

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