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Économie - Liban - Immobilier

Crise : combattre le mal par « le mall »

Alors que les projets et chantiers de centres commerciaux se multiplient dans toute la capitale et même ailleurs, la crise politique et économique est, elle, à son paroxysme. Pourtant, certains promoteurs envisagent même de nouveaux investissements sur des niches encore inexploitées. Quelles sont les motivations de ces investisseurs courageux ? De quelles manières ces centres commerciaux à l’américaine modifient-ils le paysage économique du pays ?

En juillet dernier était inaugurée la fin des travaux de l’ABC Dbayé pour un investissement à hauteur de 60 millions de dollars.

ABC, Le Mall, City Center Hazmieh, City Mall... Le marasme ambiant ne semble pas décourager l’appétit des promoteurs et investisseurs pour les « malls », ces immenses centres commerciaux bâtis sur le modèle nord-américain. Le concept répond en effet aux nouvelles habitudes du consommateur urbain et à l’évolution des modes de vie, sans parler de la frénésie consumériste des Libanais et ressortissants arabes à condition que ces derniers soient au rendez-vous. Alors que les projets et chantiers se multiplient dans toute la capitale et même ailleurs, la crise politique et économique est, elle, à son paroxysme. En 2012, le Liban n’a ainsi pas bénéficié de son lot habituel de visiteurs arabes et d’expatriés libanais, moteur de l’économie libanaise en période touristique. Pourtant, les projets immobiliers suivent leurs cours, tandis que certains promoteurs envisagent même de nouveaux investissements sur des niches encore inexploitées.
C’est le cas de Georges Kamal, vice-président-directeur général de la société Acres qui a développé le groupe Le Mall. Le premier de ses trois centres commerciaux a été inauguré en 2009 à Sin el-Fil, suivi d’un autre établissement à Saïda puis à Dbayé plus récemment. Au total, ces trois malls représentent plus de 60 000m2 de surfaces commerciales pour un chiffre d’affaires qui tournerait autour des 200 millions de dollars en 2012. Depuis 2009, Georges Kamal a constaté une croissance de ses ventes autour de 10 à 15 % jusqu’en 2011, pour s’établir à 7-8 % en 2012. « Malgré le contexte, nous n’avons été que faiblement affectés par l’absence des touristes arabes, lesquels ne représentent que 10 % du total de nos ventes », indique le directeur général. Dans un contexte morose et un univers ultraconcurrencé, Georges Kamal mise sur une clientèle « moyenne de gamme » et une stratégie d’implantation bien étudiée. « Il y a de la place pour tout le monde, considère-t-il. L’inauguration de l’ABC Dbayé constitue même un atout, car elle contribue à faire de la zone une “destination shopping”. Et si la concurrence est rude, il reste toutefois des zones géographiques sous-exploitées comme l’Ouest de Beyrouth ou la sortie sud de la capitale. La première zone ainsi que le Nord du Liban sont même » sérieusement à l’étude « par la société Acres. Selon le vice-président », au vu du potentiel de ces régions, nous pensons y développer Le Mall d’ici à environ cinq ans, soit investir 100 millions de dollars supplémentaires. « D’autres pistes sont également à l’étude sur le moyen terme en Algérie et en Irak puis à plus long terme en Afrique centrale. »
Selon The Quarterly, le bulletin de la société immobilière Ramco, la capitale libanaise devrait compter environ 366 000m2 de surfaces commerciales l’année prochaine. « Car si aujourd’hui Beyrouth ne compte que six centres commerciaux et cinq galeries marchandes, explique Guillaume Boudisseau, expert pour la société Ramco, les projets continuent de fleurir, la demande étant au rendez-vous. » Parmi les projets d’envergure attendus, City Center Hazmieh figure en tête de liste selon l’expert en immobilier, le centre se positionnant sur une zone géographique encore inexploitée. « La route de Damas a un potentiel considérable, estime ainsi à cet égard Guillaume Boudisseau. Le taux d’occupation en matière d’enseignes serait déjà de 100 %, ce qui démontre l’appétit des commerçants pour ce type de centre commercial. » Pourtant, selon l’expert, les loyers tourneraient tout de même aux alentours de 2 000 dollars le m2 pour un emplacement dans un mall. « Les commerçants veulent y être à tout prix, poursuit l’expert en immobilier, et les vacations sont très faibles. »
En dépit du succès locatif de ce type d’établissement se pose la question du succès commercial. L’absence de touristes arabes et de Libanais de la diaspora fait que le marché ne repose désormais que sur le consommateur local alors même que la confiance de ce dernier est à son plus bas niveau. Michel Abchi, directeur général de City Mall, explique cette frénésie en matière de construction par l’envergure de tels projets. « Des investissements aussi importants se font bien en amont des crises, éclaire-t-il. Il est alors impossible d’arrêter un projet car la conjoncture a changé. On essaie de compenser par une communication renforcée en particulier auprès des familles qui représentent notre cœur de cible. » City Mall lui-même a été inauguré en 2005, en pleine période de crise, avec un investissement initial de 100 millions de dollars pour une surface commerciale de 80 000m2 et quelques 140 boutiques. « On a appris à réagir et à s’adapter, explique Michel Abchi. Aujourd’hui, City Mall est un pôle d’attraction régional. Si 2011 a été une année assez stable en termes de vente, 2012 a été plus difficile », poursuit-il.
C’est également l’avis partagé par Robert Fadel, président-directeur général (PDG) du groupe ABC. Alors que le député de Tripoli inaugurait en juillet dernier la fin des travaux de l’ABC Dbayé pour un investissement à hauteur de 60 millions de dollars, l’homme d’affaires se dit toujours « optimiste mais tout de même inquiet ». « Nous sommes habitués aux crises politiques, explique-t-il, l’histoire de l’ABC Dbayé est historiquement liée aux événements de la guerre civile. Mais cette année est venue s’ajouter un élément nouveau : une crise économique aiguë, alors que nous avions été habitués de tout temps à une croissance à 2 chiffres. » Selon Robert Fadel, cette crise est beaucoup plus sérieuse, elle remet en question la viabilité même des projets. En effet, tous les éléments que sont la récession, l’inflation et la concurrence sont réunis pour constituer ce qu’il nomme « un cocktail explosif ».
À la situation politico-économique est venue s’ajouter l’interdiction de fumer dans les lieux publics en septembre dernier. Pour les cafés et restaurants des centres commerciaux, la loi a entraîné une baisse des revenus de 10 à 40 % en fonction du type d’établissement.
Mais malgré ces obstacles, les investisseurs poursuivent leurs projets. La société Admic qui développe le groupe City Mall a inauguré la semaine dernière la franchise Monoprix, première enseigne du futur Town Center, centre commercial prévu dans la région de Zouk Mosbeh pour un investissement initial de 10 millions de dollars.
En parallèle, lentement mais sûrement, un projet pharaonique est en voie de complétion au cœur de la Békaa, à 10 kilomètres de Chtaura et de Zahlé, et à 40 kilomètres de Beyrouth. Un immense centre commercial est en passe d’être inauguré. Cascada Village, un projet de la compagnie Inter Mall Group SAL, est prévu de s’étendre sur une superficie de 200 000 m² et d’héberger quelque 300 commerces. Surtout, il devrait générer 4 000 emplois directs et indirects, selon la compagnie.
Frénésie consumériste, zones géographiques encore largement sous-exploitées et diminution du temps libre, envers et contre tous, la boulimie des malls semble avoir encore de beaux jours devant elle.
ABC, Le Mall, City Center Hazmieh, City Mall... Le marasme ambiant ne semble pas décourager l’appétit des promoteurs et investisseurs pour les « malls », ces immenses centres commerciaux bâtis sur le modèle nord-américain. Le concept répond en effet aux nouvelles habitudes du consommateur urbain et à l’évolution des modes de vie, sans parler de la frénésie consumériste des...

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