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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’hystérie (suite)

Dora est-elle mue par un désir homosexuel vers Mme K. ? Que veut donc Dora ? Que veut la femme hystérique ? Que veut la femme ?

Nous avons terminé le précédent article avec ces questions, qui ont été, restent et seront pour toujours des questions qui gravitent autour d'une seule : « Que veut la femme ? »
Depuis la rectification, apportée par Freud lui-même, en 1923, au cas de Dora, il est devenu classique de considérer que la question de l'hystérique s'énonce ainsi : « Suis-je une femme ou suis-je un homme ? »
En fait, la question de l'hystérique est une tentative de répondre à la question : « Que veut la femme ? »
Cette question ordonne une grande partie de la clinique de l'hystérie, tant sur le versant défensif que sur le versant offensif, comme les appelle François Perrier.
Le versant défensif recouvre toute la symptomatologie somatique de l'hystérique, qui charge ainsi son corps de dire à sa place la question inassumée de son identité sexuelle. Freud ne s'y était pas trompé, lui qui voyait derrière chaque symptôme hystérique un « fantasme bisexuel ». On y trouve toute la gamme des symptômes décrits dans les manuels psychiatriques : paralysie, cécité, épilepsie, mutisme, anorexie, vaginisme, dyspareunie, etc., autant de « symptômes fonctionnels » que la médecine a appris à cataloguer.
Mais si le médecin n'y prend pas garde, en cherchant à guérir l'hystérique en prenant son symptôme à la lettre et non pas comme une métaphore, la patiente va le défier et utiliser son symptôme comme une arme avec laquelle elle se mesure au savoir médical constitué : « Qui est le plus fort ? » semble-t-elle demander au médecin, identifié ici à un maître sûr de son savoir. L'hystérique, derrière son apparente passivité avec des symptômes qui ne guérissent pas, résiste au savoir et au pouvoir médical. Car l'idéologie médicale la confine dans une dialectique tronquée qui substitue à l'opposition homme-femme le binôme fort-faible, actif-passif.
De ce point de vue là, on a pu dire que l'hystérique se débat toujours avec le « stade phallique », c'est-à-dire qu'elle essaie de répondre à sa question: « Suis-je une femme ou suis-je un homme ? », en réduisant celle-ci à une fausse alternative : « Dois-je être passive pour être une femme ? ». Ce qu'elle refuse, à juste titre d'ailleurs, en revendiquant une activité que son entourage, et le milieu social malheureusement, prendront pour une imposture masculine. En cela, l'hystérique va contester l'idéologie ambiante qui fait de la femme le complément de l'homme et du rapport entre les sexes, un rapport de complémentarité, à l'image de la complémentarité anatomique entre le pénis et le vagin. Et c'est parce que Freud était lui-même pris dans ce préjugé qu'il a échoué dans l'analyse de Dora, faisant d'elle, et à son insu, la première militante en faveur de l'égalité des sexes. Or, c'est de supplémentarité qu'a besoin la femme, et non de complémentarité.
Le versant offensif est celui où l'on rencontre actuellement la femme hystérique. Par exemple, sa frigidité est mise sur le compte de l'impuissance de son mari à la faire jouir. À « l'heure du mari », elle n'est pas disponible pour les gratifications sexuelles. À « son heure à elle », le mari est forcément impuissant puisqu'il a le sentiment que son érection répond à un ordre donné par sa femme. Ce dilemme éternel du couple, très finement saisi par François Perrier, est-il dépassable ? Il semble que l'hystérique aspire à répondre oui en jouant la carte de l'amour comme véhicule indispensable au désir.
Pour beaucoup de psychanalystes, l'hystérique n'a pas évolué vers une sexualité « génitalisée » où de l'envie de posséder un pénis comme l'homme, elle pourrait passer au désir de recevoir le pénis en elle, de le porter et de se laisser engrosser. La fameuse équation symbolique freudienne (enfant = phallus) peut alors « dédommager » la femme hystérique de ce qu'elle considère comme une mutilation, une blessure narcissique, soit son absence de pénis. À condition que son compagnon ne se considère pas comme possédant ce qui peut la combler.
Au contraire, si le partenaire de l'hystérique se reconnaît comme manquant de quelque chose que sa femme peut lui offrir, s'il reconnaît en lui un manque où l'hystérique peut venir se loger, alors le don qu'il fait à l'hystérique peut avoir un effet mutatif et la remanier de l'intérieur. Si elle est aimée, la femme hystérique peut accepter qu'une partie de son corps soit désirée, elle peut accepter que son corps contienne l'objet qui cause le désir de l'autre. En revanche, si l'homme conçoit sa femme comme un réceptacle à remplir, s'il rabat son désir sur le registre du besoin sexuel, alors la rencontre est manquée. D'où l'éternel malentendu dans le couple.

Chawki AZOURI

 

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