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Cinema- - Rencontre

Ziad Doueiri, le retour de l’enfant prodigue

Après « West Beirut », « Lila dit ça » et « L'Attaque », Ziad Doueiri signe son quatrième film de fiction « L'Insulte ». Dans le décor le plus cher à ses yeux : le Liban.

Ziad Doueiri a l’œil sur tout. « Un réalisateur se doit de tout superviser. » Photo Michel Sayegh

Ayant passé son enfance au Liban durant la guerre mais parti du pays à l'âge de 18 ans, Ziad Doueiri s'essaye à tous les métiers du 7e art, devient assistant réalisateur de Quentin Tarantino sur plusieurs films et signe enfin sa première œuvre West Beirut en 1998, devenant ainsi la figure de proue du cinéma contemporain libanais. Lila dit ça en 2004 et L'Attentat en 2012 témoignent de sa persévérance à sonder des horizons nouveaux et son amour sans bornes pour le cinéma. « Un amour viscéral, organique », dira-t-il. Dans un entretien à bâtons rompus, le cinéaste parle de son film L'Insulte qui représente un tournant dans sa vie et marque son retour dans ce pays qu'il aime profondément malgré tout.

 

« Notre écriture est un dialogue à deux. On se répond en écho »
Sans vouloir trop s'attarder sur les détails du sujet, le scénariste/réalisateur souligne que le récit est quelque peu biographique. « Celui-ci naît en général d'une idée, d'une scène qui se développent au moment de l'écriture, confie Ziad Doueiri. Avec Joëlle Touma, ma coscénariste et ma partenaire idéale, qui, les ayant vécus, connaît très bien le sujet, ainsi que le contexte libanais, nous abordons donc le récit d'une façon structurée mais très symbiotique. Parfois, chacun de nous émet l'envie d'écrire telle ou telle scène alors nous nous déléguons l'un l'autre mais au bout du compte, nous partageons tout et faisons des ajustements. »

« Le hasard offre parfois des clés et ouvre des portes »
« Dans la vie, l'inconscient de l'homme enregistre tous les événements importants ou insignifiants. Et puis un jour, un incident au cours du voyage sur terre vous ouvre des fenêtres, jusque-là closes, et on découvre qu'il ya une cohérence entre cet incident et tout ce qui s'est passé avant. À partir d'une petite altercation que j'ai eue dans le passé avec un ouvrier, une étincelle allait éclairer mon vécu. D'ailleurs, je n'ai pas fait des recherches pour réaliser ou écrire ce film, alors que dans la série Baron Noir que j'ai réalisée pour la télévision française, j'ai dû me renseigner sur la politique française que je ne connaissais pas. Ce film, par contre, est ressorti du tréfonds de mon vécu. »

« L'Insulte, c'est l'autre point de vue, celui contre lequel je me suis battu toute ma vie »
Ce sujet a interpellé les coscénaristes Doueiri/Touma car il est en quelque sorte la continuation de West Beirut 20 ans après. « C'est une progression psychologique que j'ai subie moi-même, avoue Doueiri. J'ai opéré un tournant dans ma vie après avoir écouté récemment les discours de Bachir Gemayel. » Ces mêmes discours étaient interdits au jeune Ziad, habitant à l'époque cette zone appelée Beyrouth-Ouest. Ils représentaient un autre monde à ses yeux, comme provenant d'extraterrestres, « longtemps après, je peux affirmer que j'ai traversé cette frontière invisible qui existe pourtant, pour tenter d'écouter l'autre et de ne pas le diaboliser ». Et de poursuivre : « Je ne prétends pas avoir adopté le point de vue des Phalangistes ou les autres partis de droite impliqués dans la guerre mais j'ai de l'empathie pour cette narrative des chrétiens du Liban que je ne connaissais pas ou connaissais peu. C'est l'autre point de vue, celui contre lequel je me suis battu toute ma vie. »

Comment donc s'est effectué ce tournant ? « Ce revirement, dit-il encore, s'est fait le jour où j'ai baptisé ma fille. Mais c'est probablement ma curiosité et ma sensibilité de l'autre qui m'a fait ouvrir des horizons auparavant hermétiquement fermés. Je peux me permettre d'affirmer aujourd'hui que les abus durant la guerre ont été effectués de part et d'autre. »

« Je ne critique pas, je fais simplement un constat des lieux »
Lorsque Ziad Doueiri revient donc au Liban pour tourner L'Insulte, la page du film L'Attaque qui avait créé une polémique est déjà tournée. « Pour moi, c'est un bonheur de tourner au Liban, d'écouter les bruits et les sons familiers. Même si le tournage s'avère difficile, c'est quand même un réel bonheur. De plus, j'ai obtenu des facilités incroyables comme le fait de tourner dans un lieu comme le Palais de justice ainsi que l'aide de la Sécurité, de la Sûreté et de l'armée. »

Le cinéaste, éloigné trop longtemps du pays, ne connaît plus les acteurs qui forment le microcosme du cinéma libanais. C'est grâce à la boîte de production Ginger qu'il va rencontrer de nouveaux visages. Pour lui, Rita Hayeck, Adel Karam ou Diamant Bou Abboud représentent un potentiel humain très important pour le 7e art mais « cela fait de la peine de savoir qu'ils évoluent dans un espace avec si peu de moyens et où le niveau a énormément baissé. Tous ces comédiens ont pourtant soif de réaliser quelque chose. Au Liban, il n'y a ni les moyens ni le professionnalisme et je ne dis pas cela pour critiquer mais pour faire un simple constat des lieux ». « Malgré tout, reprend Doueiri, c'est une des expériences les plus belles de ma vie. Quoique difficile, elle demeure la meilleure. »

« Ce qui fait tourner mon moteur, c'est ma passion »
C'est avec un enthousiasme réel que le cinéaste avoue son amour sans failles pour ce métier. « J'ai grandi dedans et c'est tout ce que je sais faire. » Malgré les coups qu'il a essuyés, il n'a jamais baissé les bras et continue à avancer même parfois à contre-courant. « Qui parmi les artistes, journalistes ou autres personnes publiques est à l'abri des critiques les plus virulentes, dit-il, apaisé. Je suis très attaché à ce métier. C'est pourquoi vous me voyez impliqué dans tous les processus de la fabrication du film. » De l'écriture au montage en passant par la réalisation, le son, le cinéaste est maître à bord. « Je me dois d'insuffler mes idées à mes équipes ; la première française qui me suit depuis un bon bout de temps et la libanaise avec qui je travaille d'une manière très rapprochée et qui m'épaule. Le réalisateur a la responsabilité de tout mener et d'avoir l'œil sur tout. On ne peut rien lâcher. Il faut tout superviser et savoir transmettre ses idées à travers le scénario.

Quand on me comprend on me suit forcément. » Et de conclure : « C'est un travail très exigeant, fatigant qui pompe l'énergie et le temps mais j'aime tellement cela. »
Le montage de L'Insulte se fera en France et la sortie est prévue pour après Cannes. Sera-t-il en compétition officielle ?

 

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