Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Caroline TORBEY

BLA(N)C

« Blanc sans (N), ça fait BLAC.
Comme quoi, sans "haine" , on est égaux. »
Gilles Dor

Figurez-vous une panne de voiture, laquelle se trouve dans le parking souterrain d'un immeuble chic de la rue Sursock, quartier où les Libanais sont blancs, bien blancs et bien habillés. Il s'agit d'une petite voiture en forme d'œuf. Une Fiat 500 pour être plus précis. La batterie est complètement déchargée ; il lui en faut une neuve. Elle ne peut pas bouger, on ne peut la pousser.
Heureusement Abed est là. Abed, c'est le « natour » de l'immeuble chic de la rue Sursock. Abed est noir, bien noir et pas bien sapé. Il est gentil, Abed, ça fait 15 ans qu'il travaille au même endroit. Il a un accent bizarre quand il parle arabe, mais ce n'est pas important car on ne lui adresse que rarement la parole, sauf par exemple pour aller chercher une batterie neuve, corvée dont on se passerait volontiers. Maintenant, figurez-vous Abed sur sa mobylette, une batterie et des câbles coincés entre ses pieds. Il conduit lentement sur ce trajet de 300m séparant l'immeuble où se trouve la petite Fiat de la station-service où il a récupéré une batterie neuve pour dépanner la propriétaire de l'automobile. Soudain, une voiture de police le heurte sciemment. C'est l'accident et l'incident inutile qui met tout le monde en exaspération. S'ensuivent des cris, des insultes, des mots racistes dénigrants de la part du chauffeur, un « daraké », envers Abed, le « abed », le negro. Le policier en furie lui demande ses papiers. Abed ne les a pas sur lui, ils sont restés dans sa chambre, au sous-sol de l'immeuble où il loge. Erreur impardonnable. On le plaque violemment au sol. Abed est terrorisé. Il saigne du mollet droit entaillé, mais qui s'en soucie. De nouveau des insultes et on l'embarque au commissariat, sa couleur de peau ne faisant qu'empirer la situation. La propriétaire de la Fiat, qui, faute de voiture, s'apprêtait à prendre un taxi, assiste à la scène, effarée par tant de haine envers le pauvre Abed, et intervient en expliquant la situation et la raison pour laquelle il avait cette batterie et ces câbles sur sa mobylette. Elle insiste sur le fait qu'il travaille dans son immeuble depuis des années et qu'il voulait l'aider.
En vain. On lui somme vulgairement de se taire et on lui confisque sa carte d'identité qu'elle devra récupérer au commissariat. Elle prend son téléphone pour appeler l'employeur de Abed et revient vers les policiers pour essayer de calmer la situation en restant, aussi pénible soit-il, polie et diplomate. Rien à faire. Le gros policier haineux, tel un gorille en rage, lui arrache le téléphone des mains et le confisque également. Il pue la sueur et la regarde avec un air méprisant. Des passants s'agglutinent autour de la scène. Le policier ne se sent plus, son ego est au summum, il vient d'arrêter un Noir, sans casque, sans papiers, en possession de matériels suspects, sur une mobylette quant à elle immatriculée, et a fait taire une gonzesse achrafiote à la langue bien pendue. Banale scène de la vie beyrouthine que voilà. Pourtant, croyez-vous que si Abed avait été libanais, bien blanc comme vous et moi, la scène aurait été la même ?

Caroline TORBEY

« Blanc sans (N), ça fait BLAC.Comme quoi, sans "haine" , on est égaux. »Gilles Dor
Figurez-vous une panne de voiture, laquelle se trouve dans le parking souterrain d'un immeuble chic de la rue Sursock, quartier où les Libanais sont blancs, bien blancs et bien habillés. Il s'agit d'une petite voiture en forme d'œuf. Une Fiat 500 pour être plus précis. La batterie est complètement...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut