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Nos Lecteurs ont la Parole - Georges TYAN

Guerre de religion

Et s'il n'en restait qu'un, je serais celui-là. Amusant d'utiliser ces grandes phrases qui ne veulent plus dire grand-chose. C'est comme monter sur ses grands chevaux dans un bolide de course, alors qu'on possède juste un tacot suranné qui va cahotant, crachant sa fumée noire sur nos routes qui tiennent plus d'un champ fraîchement labouré que d'une piste de Formule 1.
C'est un peu ce qui se passe dans ma tête, je m'énerve, je me révolte, je suis pris d'une terrible crise d'urticaire à chaque fois que je les rencontre sur les pages de nos quotidiens, ou à travers la lucarne de mon poste de télévision ; oui, il y a des personnes qui forcent le passage jusque dans nos maisons pour justifier des liens tissés à force de liasses de billets verts entre eux et tel ou tel État étranger.
Et partant, ils ont contaminé chacun à son tour leurs communautés respectives par des slogans, des discours, des actes frisant souvent l'illicite, les embrigadant dans des conflits où le simple quidam qui ne demande rien sauf vivre en paix, vaquer à ses occupations, fonder une famille, instruire ses enfants dans la dignité s'est senti concerné, voire impliqué, alors qu'il n'a rien à y faire, rien à gagner et tout à perdre.
La religion est l'opium du peuple, dit-on. Quoique je ne m'y entende nullement, il me semble, eu égard aux clivages constatés, que cette drogue existe en plusieurs saveurs incompatibles entre elles depuis des siècles. Nonobstant l'avancée technologique, les laboratoires ultrasophistiqués ont déclaré forfait, ne parvenant pas à les rapprocher l'une de l'autre.
Cela en apparence seulement, car ces laboratoires siglés d'un aigle aux ailes étoilées flairant le filon ont tant et si bien fricoté dans leurs éprouvettes qu'au lieu de créer un antidote, ils ont cultivé un virus plus malin encore. Ils l'ont inoculé à des populations venant juste de se réveiller de leur léthargie bon enfant, pour mieux attiser leurs convoitises et soutirer à moindres frais les richesses insoupçonnées d'un sous-sol sur lequel elles étaient endormies.
Inutile de broder plus encore, tout le monde connaît l'histoire. Comment du dromadaire, vaisseau du désert, nous sommes passés aux voitures rutilantes de chrome, des tentes poussiéreuses aux palais des mille et une nuit, aux gratte-ciel tutoyant les nuages, du sabre de la bravoure tenu d'une main assurée à l'arsenal militaire de pointe.
Comment d'une attitude simple, chevaleresque, digne, héroïque, altruiste, les enfants du pétrole barbotant dans la marmite des laborantins du diable, buvant jusqu'à plus soif de cette potion magique qui donne des ailes, mène à l'arrogance, démultiplie votre ego, jusqu'à prétendre régenter le monde des régions qui les entourent.
Prodigues certes, mais près de leurs sous qu'ils ne dépensent qu'à bon escient conformément à leurs intérêts propres, fomentant là où il leur convient des troubles, des coups d'État, des insurrections, s'encanaillant avec leurs ennemis jurés qui naguère ont spolié de leur terre ceux-là mêmes qu'affectueusement ils appellent frères, sous le regard attentif du grand laborantin qui tire les grosses ficelles de ce jeu sordide, fermant les deux yeux tant que les lignes rouges, bien qu'élastiques à souhait, ne sont pas dangereusement transgressées, suivant le cahier des charges qu'il a établi.
L'argent fait tout. Conjugué à la puissance qu'il génère, il devient destructeur, sinon dévastateur. Il est des royaumes, des Républiques, des États qui, non contents de faire la loi chez eux, refusent de vivre en bonne intelligence avec leur voisinage et tentent par tous les moyens d'étendre leur hégémonie beaucoup plus loin que leurs frontières naturelles.
Malheureusement, il existe des personnages par l'odeur – du pétrole s'entend – alléchés, le destin qui semble s'acharner sur nous ayant mis le sort de notre pays entre leurs mains. Comme on le remarque sans peine, ils vendent leur âme, leur conscience, leur patrie, le bien-être de leurs concitoyens, hypothèquent notre avenir à la volonté de leurs bienfaiteurs, se tenant au garde-à-vous en attendant leurs instructions qui ne vont nullement de pair avec notre volonté nationale ou notre culture.
Et quelle culture à présent !
Où sont ces grands noms, ces penseurs, ces hommes intègres ayant façonné notre pensée, donné par leurs écrits un sens au terme, jouant le verbe, transcendant le mot pour donner corps à l'abnégation, la droiture, l'honneur dans la quintessence du terme. Le courage, l'esprit chevaleresque, l'indépendance, la souveraineté sonnent désormais plus creux que le gouffre où ils sont tombés morts et enterrés.
Que nous sommes loin du temps où même à l'ombre de la petite politique politicienne et des querelles de clocher, le Liban influait sur son périmètre géographique, où les lignes rouges de la démocratie, de la liberté furent rarement dépassées. Où notre Liban était le phare, le joyau, la plaque tournante du Moyen-Orient.
Le Liban n'est pas une île, et c'est bien dommage. Les générations qui se sont succédé au pouvoir et pour s'y maintenir coûte que coûte en ont fait un papier buvard imbibé de tous les malheurs de la terre, les épousant par intérêt et non par conviction, se divisant les rôles, les uns jouant le bras armé de telle idéologie, les autres prenant le contre-pied, se mettant platement au service de son pourfendeur.
Le peuple de mon pays, qu'on a savamment appauvri, meurtri, amoindri, justement pour mieux le mener par le bout du nez, suit benoîtement, s'engageant tête baissée dans le labyrinthe de la division, prenant fait et cause pour telle mouvance contre l'autre, jusqu'à arriver au point de non-retour qui me semble désormais très proche. Il a un nom horrible qu'hypocritement on tait encore : guerre de religion.
À la jeunesse de mon pays de prendre ses responsabilités et chasser les mécréants du temple.

Et s'il n'en restait qu'un, je serais celui-là. Amusant d'utiliser ces grandes phrases qui ne veulent plus dire grand-chose. C'est comme monter sur ses grands chevaux dans un bolide de course, alors qu'on possède juste un tacot suranné qui va cahotant, crachant sa fumée noire sur nos routes qui tiennent plus d'un champ fraîchement labouré que d'une piste de Formule 1.C'est un peu ce qui se...

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