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Économie - Interview

« J’ai été sanctionné alors que je n’ai rien à voir avec le Hezbollah »

Visé depuis novembre 2015 par les sanctions américaines contre les soutiens du parti de Dieu, Fadi Serhan revient sur cette décision qu'il conteste et ses conséquences pour son entreprise, Vatech.

Selon son propriétaire, l’activité de Vatech a ralenti de près de 80 % par rapport à l’année dernière. Photo So.R.

Fadi Serhan, 55 ans, est le fondateur et propriétaire du magasin de matériel électronique Vatech, situé à Bourj Abi Haïdar. En novembre dernier, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain (Ofac) l'a placé sur une liste d'entreprises et d'individus accusés de coopérer avec le Hezbollah.
Fadi Serhan est accusé d'avoir acheté du « matériel de technologie sensible » et des « véhicules aériens sans pilote » (drones) pour le compte du parti de Dieu. Depuis, tous ses avoirs aux États-Unis ont été gelés, et il est interdit aux entreprises ou ressortissants américains de travailler avec lui. En avril, Fadi Serhan et son entreprise ont à nouveau été placés sur la dernière mise à jour de la liste de 99 noms de l'Ofac, à laquelle doivent se conformer les banques libanaises.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous étiez sanctionné par l'Ofac ?

J'étais à Oman lorsque j'ai appris la nouvelle par des amis. C'était un choc, car les Américains m'ont sanctionné alors que je n'ai rien à voir avec le Hezbollah ni avec la politique. Je vends mes appareils électroniques à toutes les chaînes de télévision au Liban : d'al-Hurra TV, qui est américaine, à al-Manar (NDLR: la chaîne de télévision du Hezbollah). J'ai vérifié mes chiffres et je n'ai pas vendu de drone à al-Manar, et encore moins au Hezbollah. Mes drones sont de petits drones de loisirs, qui ne sont pas utilisables à fins militaires. Cela fait d'ailleurs seulement un an et quatre mois que j'en vends. Il me semble impossible que l'Ofac ait collecté des données sur mes ventes aussi rapidement. Je pense que les Américains commettent une erreur en me mettant sur la liste Ofac, mais comment celle-ci a pu survenir, je ne sais pas.

(Lire aussi : Salamé dénonce le coût de la paralysie institutionnelle pour l'économie)

À l'époque, j'avais des comptes dans deux banques libanaises (NDLR : non dévoilées). Elles m'ont dit que les Américains – je ne sais pas qui exactement, peut-être leurs banques correspondantes – leur avaient demandé que je justifie mes activités auprès d'elles. Je leur ai tout présenté. Je garde des reçus pour tous mes achats et ventes, nos activités sont entièrement légales. Mais dès le premier jour, tous mes comptes, ainsi que ceux de Vatech, ont été bloqués. Vatech avait plusieurs comptes en différentes devises, en yen, en euros, en livres sterling, etc., car nous importons de nombreux pays différents. Après leur fermeture, les banques m'ont remis le solde en liquide de tous les comptes.

L'assurance-vie que j'avais contractée aux États-Unis a aussi été bloquée quatre jours après les sanctions. Mon visa pour les États-Unis – encore valable au moins deux ans – a été annulé. Je ne peux pas non plus voyager dans le Golfe. En début d'année, l'Arabie saoudite m'a rajouté sur sa liste terroriste. J'ai demandé un visa en mars pour Dubaï qui m'a été refusé.

Avez-vous tenté de plaider votre cause ?

J'ai pris rendez-vous avec la Commission d'enquête spéciale de la Banque du Liban en novembre pour clarifier ma situation. Ils m'ont dit qu'ils n'avaient rien contre moi et que c'était une décision américaine. Je suis aussi allé voir le ministère des Affaires étrangères, qui ne m'a jamais rappelé. J'ai envoyé à un e-mail à l'Ofac, qui ne m'a pas répondu.
Mais je n'ai pas les moyens de m'engager dans une bataille judiciaire coûteuse. S'il me reste encore un peu d'argent après cette affaire, je préfère le dépenser sur moi-même, même si je dois rester sur la liste de l'Ofac.

(Pour mémoire : Nasrallah : Notre financement et nos armes viennent d'Iran et ne passent pas par les banques libanaises)

Quel a été l'impact de ces sanctions sur votre activité ?

Dès novembre, mes clients ne pouvaient plus payer leurs achats autrement qu'en espèces. À l'époque, je me disais que je pourrais continuer en créant une autre entreprise sous un autre nom. Mais j'ai réalisé ensuite que toute personne travaillant avec moi aura des problèmes. Par exemple un médecin libanais avec lequel j'ai beaucoup voyagé dans le passé a vu son visa pour les États-Unis refusé.
Les entreprises libanaises ne comprennent pas ce qu'il m'arrive et ne veulent plus travailler avec moi. J'ai perdu énormément de clients et l'activité de Vatech a ralenti de près de 80 % par rapport à l'année dernière. Deux employés sont déjà partis et il m'en reste sept, dont certains travaillent pour moi depuis près de 20 ans. Nous vendons encore à quelques individus qui ne sont pas au courant de la loi américaine. Je me rends compte aussi que quelques chaînes de télévision envoient un intermédiaire passer leurs achats pour eux à Vatech, pour que je ne sache pas qu'ils achètent encore chez moi. Je ne peux pas continuer comme cela...
Je pourrais déménager et tout recommencer à zéro dans un autre pays, mais je n'en ai pas les moyens, et ce serait très dur de recréer une base de clients comparable à celle que j'ai ici. Il me reste encore un stock important de matériel dont la valeur dépasse le million de dollars. Si j'arrive à le vendre, je prendrai ma retraite et fermerai d'ici à la fin de l'année. Je rêve que quelqu'un reprenne mon entreprise, mais personne ne le fera...

Fadi Serhan, 55 ans, est le fondateur et propriétaire du magasin de matériel électronique Vatech, situé à Bourj Abi Haïdar. En novembre dernier, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain (Ofac) l'a placé sur une liste d'entreprises et d'individus accusés de coopérer avec le Hezbollah.Fadi Serhan est accusé d'avoir acheté du « matériel de technologie...

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POINT DE FUMEE SANS FEU !

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 18, le 25 juillet 2016

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  • POINT DE FUMEE SANS FEU !

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 18, le 25 juillet 2016

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