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Liban - Militaires otages

« Aujourd’hui, je regrette les temps où nous recevions des menaces des ravisseurs... »

Après 2 ans de disparition et 8 mois de silence forcé, les familles des militaires otages comptent reprendre les choses en main : une commémoration est prévue le 2 août, avec une « nouvelle escalade » au programme...

La place Riad el-Solh risque de connaître l’escalade à nouveau après la commémoration des deux ans de captivité des soldats entre les mains des jihadistes de l’EI.

Nizam Mghayt a célébré hier, en dehors de la maison paternelle et loin du regard de ses neveux et de sa nièce, le trente-troisième anniversaire de son frère Ibrahim, otage du groupe État islamique (EI) depuis août 2014. Étranglé par les sentiments de tristesse, mélangée à la « déception face à un gouvernement qui a laissé tomber ses militaires » depuis près de deux ans sans aucune perspective de libération, il répond le cœur lourd aux questions de L'Orient-Le Jour.

« J'ai hésité avant de me décider à parler, car aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon frère Ibrahim, et je me sens coupable et incapable face à mon père qui attend chaque jour que je lui ramène une bonne nouvelle. Je ne peux plus regarder en face ses enfants, surtout l'aîné, Omar, à qui je raconte des histoires abracadabrantes à propos de son père : qu'il est en voyage et qu'il lui envoie des cadeaux », explique Nizam avec une voix étranglée par l'émotion. « Omar, âgé aujourd'hui de 7 ans, finira bien par connaître la vérité un jour ou l'autre tout comme son frère Hamza, 6 ans, et Maria, née en l'absence de son père. »
« Il nous ont demandé de garder le silence afin de pouvoir entamer des pourparlers et essayer de percer le mur de l'EI pour avoir des nouvelles des militaires. Mais depuis huit mois, il n'y a aucun changement, aucune assurance, aucun signe de vie de nos proches toujours en captivité, Dieu seul sait où et dans quelles conditions », reprend-il.
« Je me demande pourquoi les ministres et les politiciens considèrent que leurs enfants sont plus chers ou ont plus de valeur que les nôtres ? Comment ont-ils pu laisser ces jeunes gens à leur sort et maintenir leurs familles sans nouvelles ? » se demande Nizam Mghayt. Et le frère du soldat otage de reprendre : « Sommes-nous vraiment dans une jungle où le faible est sacrifié pour le compte et les intérêts des responsables les plus forts ? Comment un gouvernement ne peut rien savoir à propos de militaires enlevés sur son propre territoire ? »

(Pour mémoire : « Nous craignons que les otages détenus par Daech aient été liquidés », souligne l'épouse d'un soldat)

 

« Nouvelle étape »
Les familles des neuf militaires toujours aux mains des jihadistes ont essayé maintes fois, selon M. Mghayt, de se diriger vers le jurd de Ersal, malgré les affrontements qui opposent l'armée aux jihadistes et les bombardements, dans l'espoir de rencontrer une personne ou un responsable qui puisse les éclairer sur le sort de leurs enfants, mais en vain. « Comment est-il possible qu'aucune information les concernant ne puisse filtrer de tous ces interrogatoires de soi-disant émirs de Daech arrêtés par les forces de sécurité ? Pourquoi nous ont-ils demandé de garder le silence dans l'espoir que le général Abbas Ibrahim et le ministre Waël Bou Faour, que nous remercions infiniment, puissent mener à bien les pourparlers, tandis que d'autres ministres menacent la vie de nos militaires en se vantant d'avoir résolu le dossier des salafistes et islamistes de Roumieh ? » s'interroge Nizam Mghayt hors de lui, dans une allusion au ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk.

En réponse à la question de savoir si les familles ont essayé de voir du côté syrien si les militaires se trouvent en Syrie, il a affirmé ne pas vouloir aller par ce chemin, car l'expérience avec l'ambassade turque avait mal tourné. « Ils nous ont accusé d'avoir touché à la souveraineté et l'autorité de l'État lorsque nous nous sommes dirigés vers l'ambassade de Turquie dans l'espoir qu'elle entreprenne une médiation avec les jihadistes en vue de libérer nos enfants, que serait-ce si nous nous adressons à l'ambassade de Syrie, une guerre civile éclatera probablement », dit-il, sarcastique.
« Aujourd'hui, imaginez-vous, je regrette les temps où nous recevions des menaces et des vidéos des ravisseurs ! Au moins, nous avions la preuve qu'ils étaient toujours en vie. Aujourd'hui, vingt mois après, nous ne savons rien du tout, vraiment rien », ajoute-t-il d'une petite voix. « Nous avons atteint une tel niveau de désespoir que nous ne demandons plus leur libération, nous voulons simplement les voir ou entendre leur voix. Nous voulons qu'ils ne soient pas oubliés. C'est pour cela que dans dix jours, le mardi 2 août, tout sera différent et nous comptons reprendre les choses en main ! Nous entrerons dans une nouvelle étape : les discours des familles seront différents, plus durs, et nous allons recourir à l'escalade à nouveau, question de rappeler à nos responsables que les mamans pleurent toujours et qu'elles espèrent ne pas mourir avant de savoir quel sort est réservé à leurs enfants », conclut-il.

 

(Pour mémoire : Les militaires libérés par al-Nosra ont passé un mois menottés et les yeux bandés)

 

Pour Hussein, le père de Mohammad Youssef, un autre militaire otage de l'EI, marié et père d'un enfant, « l'affaire des militaires est une affaire nationale qui mérite l'attention de tous les citoyens ». Ce père affligé qui a ému toute la République en restant digne et actif dans son rôle de porte-parole des familles des militaires otages, a exprimé son appréhension face au mutisme du gouvernement concernant ce dossier. M. Youssef, actuellement hors du Liban, annoncera avec les autres représentants des familles les détails d'un rassemblement à l'occasion du deuxième anniversaire de l'enlèvement des militaires par les jihadistes dans le jurd de Ersal. « L'objectif de cet événement sera de remettre sur le devant de la scène politique et sécuritaire la question humanitaire des neuf militaires », explique-t-il. « Nous invitons le plus grand nombre de personnes à venir afficher leur solidarité avec les soldats de la patrie qui ont payé de leur liberté la sauvegarde des frontières », dit-il enfin.


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Les neuf soldats toujours otages de l'EI

1 - Abdelrahim Diab : célibataire, originaire de la Békaa-Ouest. Il est apparu dans une vidéo aux côtés du soldat décapité Ali Sayyed, annonçant sa défection présumée de l'armée.


2 - Ali el-Hajj Hassan : célibataire, originaire de la Békaa.

 

3 - Ali Zayd el-Masri : marié, père de cinq enfants, originaire de Baalbeck.

 

4 - Hussein Mahmoud Ammar : célibataire, originaire de Fnaydek, au Akkar.

 

5 - Ibrahim Samir Mghayt : marié, père de trois enfants. Originaire de Tripoli, il a été menacé de mort imminente à plusieurs reprises.



6 - Khaled Mokbel Hassan : marié, père de deux enfants, originaire de Fnaydek, au Akkar.

 

7 - Mohammad Hussein Youssef : marié, père d'un enfant, originaire de la Békaa-Ouest.



8 - Moustapha Wehbé : marié, originaire de Laboué.

 

9 - Seif Zebiane : marié, père de deux enfants, originaire de Mazraat el-Chouf.

 

Les soldats assassinés par l'EI

- Ali Sayyed : marié, père de deux enfants, originaire de Fnaydek, dans le Akkar. Il est apparu dans une vidéo aux côtés du soldat otage Abdelrahim Diab, ce dernier annonçant sa défection présumée de l'armée. Décapité le 29 août 2014, le corps de Ali Sayyed a été remis à sa famille.

- Abbas Medlej : originaire de Baalbeck. Décapité le 6 septembre 2014, son corps n'a toujours pas été remis à sa famille.

 

Pour mémoire

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commentaires (2)

Merci à L'OLJ POUR VOTRE ENGAGEMENT BRAVO DE REMTTRE CELA SUR LE TAPIS DES nouvelles !!

Bery tus

15 h 11, le 24 juillet 2016

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Commentaires (2)

  • Merci à L'OLJ POUR VOTRE ENGAGEMENT BRAVO DE REMTTRE CELA SUR LE TAPIS DES nouvelles !!

    Bery tus

    15 h 11, le 24 juillet 2016

  • Bon courage à toutes les familles ...victimes des terroristes ...Mais , il faut se battre pour nos militaires ...c'est un honneur de les défendre ...

    M.V.

    13 h 02, le 23 juillet 2016

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