Kenny G ou l’extension du domaine de la note

Les grands festivals d'été permettent aux curieux d'assister à des concerts auxquels ils n'iraient pas en temps normal, en offrant de grands noms dans des styles artistiques parfois méconnus ou dévalués. Hier soir, la sublime scène du festival international de Byblos accueillait Kenny G et ses amis. Même s'il porte un nom de rappeur ou de DJ house, Kenneth Gorelick de son vrai nom est une pointure du smooth jazz et un musicien extrêmement doué.

Le smooth jazz est une de ces dérives du genre que les aficionados détestent car trop facile, trop commercial, trop lisible et principalement joué dans les films de Patrick Swayze. C'est pourtant un style qui vend beaucoup de disques. Kenny G a écoulé plus de cinq millions de copies de son album Duotones en 1986 et plus de 12 millions de Breathless en 1992, atteignant ces dernières années le total effarant de plus de 75 millions. C'est donc à un spectacle majeur que les organisateurs conviaient les curieux. Alors qu'en coulisses résonnait la clarinette de Kenny G pour un Happy Birthday familial à Noëlle Baz, grande organisatrice des événements, la salle se remplissait de fans. Concert garanti sans tatouage, les fans libanais du smooth jazz étant les mêmes que ceux de Tintin, de 7 a 77 ans, avec un penchant pour la gente féminine. Il faut dire que Kenny G, très élégant dans son costume bleu nuit, manie son instrument a la perfection, à la fois agile et endurant ; il commence son concert au milieu de la foule, et offre des moments selfies/vidéos uniques pour ces amateurs d'ambiances romantiques.

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Car Kenny G a démarré sa carrière avec Barry White et son Love Unlimited Orchestra. C'est donc auprès du meilleur qu'il aura appris à faire frémir la bourgeoise, rêver la quarantenaire et rendre jaloux leurs maris. Pourtant, ils sont tous là pour l'applaudir et pour assister à une de ses spécialités, la note qui n'en finit pas. Maîtrisant une technique appelée « respiration circulaire », il peut jouer la même note pendant plusieurs minutes, ici à peu près 5, le temps de descendre les marches, dire bonjour à des amis, remonter sur scène et présenter ses musiciens. En 1997, il est entré dans le Guinness Book des records avec une note jouée pendant 45mn et 47 secondes. En 2016, cela peut être considéré comme une pièce d'art contemporain...

Musique d'ascenseur pour les uns, musique tout court pour la plupart, Kenny G et ses musiciens sont avant tout de grands professionnels et respectent le « show business » comme les fans qui se déplacent. On assiste donc, en dehors du bain de foule, à un speech en arabe à peu près, en français un peu mieux et en anglais parfaitement et, comme souvent dans les concerts de jazz, chaque musicien a droit à son moment de solo et de gloire, avec une mention spéciale ce soir au percussionniste Ronald Powell qui aura mis la foule dans sa poche avec un show tout en dextérité et interactions. Du haut de ses 60 ans, fêtés le 5 juin, le trompettiste américain s'exécute parfaitement, arrivant même à maîtriser un vent récalcitrant qui menaçait de transformer en dreadlocks ses cheveux en tortellini. Comme le disait une amatrice de solo à cuivre, « Kanaan G, c'est beau comme un ciel de Laqlouq ». Et ses yeux étaient remplis d'autant d'étoiles même si elle ne savait pas que son vrai prénom était Kenneth.

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