Près d'un an après l'arrivée du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, à la présidence du Courant patriotique libre (CPL), la formation paraît plus que jamais fragilisée par des tiraillements internes, qui ne cessent de s'aggraver depuis les élections municipales de mai dernier.
Après la dissidence de plusieurs cadres, dont certains installés à Paris sous le label « Orange Reform » lors de l'arrivée de M. Bassil à la tête du CPL, voilà que trois cadres supérieurs du parti, Ziad Abs, Naïm Aoun (l'un des neveux du député Michel Aoun) et Antoine Nasrallah, figures de proue des temps de la résistance aouniste à l'occupation syrienne, devront se présenter devant le conseil disciplinaire mercredi prochain. Ils sont accusés d'avoir « porté atteinte à l'image du CPL dans les médias », en critiquant la gestion du parti dans le cadre d'entretiens accordés à des quotidiens et des chaînes de télévision.
« Un CPL pour les aounistes, un autre pour Bassil »
De sources bien informées proches du CPL n'hésitent pas à qualifier, pour L'Orient-Le Jour, ces mesures disciplinaires de « véritables procès actuellement menés par le directoire du parti, en raison de l'émergence d'une opposition à une méthode de travail qui néglige le dialogue interpartisan » – en allusion à la gestion par M. Bassil du parti. Ces mêmes sources ne manquent pas de lier le timing de la crise aouniste actuelle aux primaires prévues dimanche prochain pour désigner les candidats du CPL aux législatives de 2017. « La direction du parti pourrait profiter de cette crise pour régler de vieux comptes avec les personnes concernées, tout comme elle voudrait peut-être anticiper sur l'avenir et mettre les points sur les i dès maintenant », soulignent ces sources.
Selon elles, nombreuses sont les raisons qui pourraient expliquer les tiraillements que connaît actuellement la formation de Michel Aoun. « Il y a un problème lié à la personne du président du parti et sa façon de traiter avec la base partisane, ainsi que l'absence de sang nouveau au sein du CPL », estiment ces sources, avant de poursuivre : « Le parti est aujourd'hui contrôlé par des hommes d'affaires et certaines personnes étrangères au CPL. C'est ainsi que les députés et les ministres sont menacés d'être évincés des rangs du parti s'ils s'opposent à une décision émanant du directoire. »
Ces sources font également savoir que « l'un des motifs majeurs de la crise réside dans le fait que le CPL n'a pas pris le temps nécessaire pour évaluer les résultats des élections municipales, et a préféré plancher directement sur les législatives, alors qu'il se trouve en pleine transition politique ». Selon elles, « il existe aujourd'hui deux mentalités au sein du courant aouniste, l'une institutionnelle, et l'autre visant à contrôler le parti ». Et de souligner : « En fait, il y a un CPL pour les aounistes, et un autre pour Gebran Bassil – même si Michel Aoun penche en faveur du second... »
Interrogé par l'agence al-Markaziya, Naïm Aoun a indiqué hier avoir réclamé que la séance du conseil disciplinaire prévue dans une semaine soit ouverte aux partisans du CPL « pour leur permettre de faire leur propre évaluation de ces procès et des raisons qui se cachent derrière ». Selon M. Aoun, « il faut que la séance soit publique parce qu'il y a une déformation des réalités ».
Pour ce qui est des raisons du « procès », Naïm Aoun a estimé qu'il s'inscrit dans le cadre d'une « tentative d'intimider certains partisans, en vue de contrôler le courant aouniste, sachant que ce dernier a été fondé sur le respect de la démocratie et des libertés, dont notamment la liberté d'expression ». « Nous ne quitterons le CPL que si nous sommes chassés de ses rangs », a-t-il souligné.
Concernant enfin un éventuel impact de la crise aouniste interne sur la candidature de Michel Aoun à la présidentielle, Naïm Aoun a répondu par la négative, précisant que le député du Kesrouan « sait très bien qu'il n' y a pas de lien entre les deux dossiers, surtout que la présidentielle attend une décision extérieure ».
(Pour mémoire : La galaxie Aoun : les proches, les partenaires, les opposants)
« Une atteinte aux droits des chrétiens »
Pour le député de Baabda, Hikmat Dib, il ne faut pas faire tout un plat de ce genre de mesures, qui ne fragilisent en rien le parti. Ce qui est évoqué dans les médias au sujet des procédures de demande de comptes au sein de la formation n'est autre qu'une « amplification de la réalité qui, elle, porte atteinte au CPL ».
« Certains partisans ne se sont pas conformés au règlement intérieur du parti, ce qui a poussé le conseil disciplinaire à prendre les mesures adéquates à leur encontre », souligne M. Dib à L'OLJ, avant de poursuivre : « Ce sujet est désormais derrière nous, puisque les procédures convenables seront appliquées. »
Mais pour le député, il y a plus grave dans la couverture démesurée accordée par les médias, selon lui, au comportement des cadres aounistes : « Sur le plan politique, nous sommes face à une équation déséquilibrée, tant au niveau de la représentation des chrétiens que de leurs droits. Nous poursuivons actuellement notre lutte pour le recouvrement de ces droits. Aussi, le fait de parler de "crise au sein du CPL" porte atteinte à la fois au parti et aux droits des chrétiens qu'il défend. »
La section de l'information au sein du CPL avait déjà, plus tôt dans la journée d'hier, stigmatisé le comportement de MM. Abs, Aoun et Nasrallah, précisant que « le règlement intérieur du parti est axé sur la démocratie et stipule les mécanismes de dialogue interne, lesquels sont appliqués depuis la mise en place du nouveau règlement ». « Ce dernier interdit toutefois de porter atteinte à l'image du CPL et de la déformer, tout comme il interdit la non-conformité à ses clauses, ou encore aux décisions de la présidence du parti, sous peine de sanctions, qui pourraient arriver jusqu'à la radiation de la personne concernée du parti, note le texte. Les prestations dans les médias devraient respecter certaines règles, parmi lesquelles le fait de ne pas évoquer les affaires internes du parti, de ne pas critiquer ouvertement ses politiques, de ne pas porter atteinte à son règlement interne, ses cadres ou ses partisans, et de ne pas alimenter un différend interne. » Selon le texte, « toutes ces actions peuvent conduire à des sanctions à l'encontre de leurs auteurs ». Le comité a enfin exhorté tous les adhérents au parti à cesser leurs apparitions médiatiques dans ce cadre, surtout que le commissaire général a porté plainte contre ceux qui ont porté atteinte au CPL à travers les médias.
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« Michel Aoun entièrement responsable »
Certes, un consensus interne tacite entre l'opposition et le camp loyaliste à Gebran Bassil se dégage sur le fait de préserver l'image du général Michel Aoun en tant que père fondateur du parti et candidat à la présidentielle. Cependant, cette attitude d'« idéalisation du père » n'est pas partagée par les opposants « de l'extérieur ».
Pour Fady Gemayel, militant de la première heure, membre fondateur du Rassemblement pour le Liban en 1990 et du CPL en 2006, puis membre fondateur du mouvement de contestation « Orange Reform » l'an dernier pour protester contre l'émergence du népotisme et l'étiolement de la démocratie et de la modernité au sein du parti, et aujourd'hui dissident, « la crise actuelle du CPL n'est pas nouvelle, mais s'inscrit dans le cadre d'une volonté de Michel Aoun de transformer un parti qui a lutté pour un Liban meilleur, souverain, indépendant et uni, ainsi que pour les valeurs de la démocratie, en une entreprise familiale ».
« M. Aoun est personnellement entièrement responsable de cette situation, parce qu'il a longuement et patiemment médité cette politique avec sa famille », affirme-t-il à L'Orient-Le Jour. Et l'ancien responsable d'ajouter, sans ménager personne : « Le CPL est actuellement contrôlé par les hommes d'affaires et les reliquats de la tutelle syrienne, après avoir longuement lutté contre cette dernière. » « Il n'y a pas de solution à la crise du CPL tant que les pleins pouvoirs sont entre les mains du président, que le règlement interne du parti est fait sur mesure pour lui permettre de conserver son poste, et qu'il n'y a pas de débat politique sérieux au sein du parti », conclut-il.
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commentaires (8)
Le CPL n'est pas un parti C'est l'assemblage hétéroclite familial avec quelques composantes extérieures... Et surtout une soumission aveugle à une milice fortement armée et soumise à l'Iran Aoun est une catastrophe s'il accède à la Présidence Revoyez son parcours, fuite, trahison , etc A 8" ans, il n'est pas possible d'espérer de changement de comportement ça sera les membres de sa famille qui dirigeront le pays, On a un exemple avec le Ministre des AE Aoun ne fait pas le poids face à cet excentrique
FAKHOURI
22 h 18, le 21 juillet 2016