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Culture - Design

Salim al-Kadi dégaine sa K29 Keffiyeh 001

L'architecte de formation vient de se lancer dans un projet intrigant et ambitieux : celui du foulard à résistance balistique. Il brave ainsi les polémiques en créateur pacifiste et sans peurs.

Une keffiyeh pare-balles à portée philosophique.

Avant de lire la suite de ce texte, il faudrait retenir ceci : Salim al-Kadi est un être désarmant. Le sourire est généreux et il lui trace la fossette en point d'interrogation qui retourne, comme une peau de lapin, les propos insinuant que la démarche de son dernier projet serait « politique ». Les mains brassent et agrémentent le propos, emportant la conversation vers des rivages inattendus. Pourtant, la contemplation (de soi) est loin d'être son exercice de prédilection. Salim al-Kadi, plus précis et plus délié qu'il ne laisse entendre, a passé sept ans à initier des projets bien conduits qui finissaient impeccablement classés sur les rayons de l'atelier A-Practice qu'il a fondé, en 2009, avec deux partenaires. Sinon, il avance sur les voies de l'incertitude, confiant dans la boussole de son instinct. Laquelle l'a mené à créer dans le cadre de la Beirut Design Week (du 20 au 29 mai 2016) la « K29 Keffiyeh 001 », une keffieh à résistance balistique.

Les prémices d'un projet
Salim al-Kadi a la curiosité arborescente, presque adolescente, et aussi une certaine difficulté à « séparer son travail de la marche du monde qui l'entoure ». De fait, lorsqu'il décide, l'an dernier, de quitter A-Practice, il se sent rapidement investi du devoir de réagir aux tumultes sociaux que traverse le monde dans sa quasi-totalité. Il le formule ainsi : « Avec la montée de l'islamisme à une extrême et de Trump et consorts à une autre, avec toutes les révolutions et, en l'occurrence, les événements de Beyrouth l'été dernier, j'ai eu besoin de créer quelque chose. C'était sans doute ma manière de résister, instinctivement. » Et comme le hasard fait bien les choses, « j'ai été approché pour produire un objet qui serait exposé chez Geek Express dans le cadre de la Beirut Design Week » (à noter que la keffieh y est toujours exposée). Dans ce même ordre d'idées et avec une ambition assumée, le créateur décide, lors d'un voyage aux États-Unis, de focaliser cet objet encore indéfini autour du Kevlar. Le Kevlar étant un polymère thermoplastique, découvert par hasard en 1965, et ayant des propriétés chimiques qui lui octroient une résistance cinq fois plus importante que celle du fer. Ce matériau, à résistance balistique, est naturellement employé dans l'armement ainsi que dans la conception des tenues
d'astronautes.

Les défis de la réalisation
Son appétit pour les défis, sa raison d'insister, les propos de Salim el-Kadi en attestent: « Il a fallu faire fuir clandestinement ce Kevlar des États-Unis, c'était presque flippant mais rien n'a réussi à me dissuader. » Le reste de l'aventure s'est tracé naturellement sur une série de coïncidences, comme si Salim tenait la chance au creux de sa poche. Il pense d'abord fabriquer un parapluie à résistance balistique, une idée qui meurt dans l'œuf. Aussitôt, une autre, plus palpitante, vient lui titiller les neurones. « J'ai pensé à une keffieh. Je ne sais plus comment j'ai abouti à cela, mais j'étais convaincu d'être sur la bonne voie », explique-t-il avec les yeux tournés vers les étoiles. L'architecte se creuse alors la cervelle face à cette matière qui lui était jusqu'à lors totalement étrangère. « À chaque fois qu'on essayait de traiter le Kevlar avec une machine, l'exercice échouait », se souvient -il. Et de poursuivre : « Il a donc fallu recourir à une technique plus primitive et, au final, c'est une femme du camp de Aïn el-Heloué qui a été capable de coudre cette keffiyeh à la main. C'était presque ironique, comme si la keffieh avait trouvé son match!»

La portée de la K29
Après avoir testé ce foulard entièrement brodé à l'effigie d'une keffieh traditionnelle, l'objet est baptisé K29 Keffiyeh 001. « Ce qui est encore plus incroyable, c'est qu'en pliant le foulard autour de la tête, des strates se sont formées, produisant ainsi une protection plus forte sur des zones sensibles du crâne. J'ai eu l'impression que le Kevlar s'était mis au service du design », se souvient-il avec une fascination attendrissante. Mais pourquoi ce foulard-symbole ? On touche ici à une question qui risquerait d'agacer le designer. « Il n'y a ici aucune revendication politique, encore moins une portée militante », insiste Salim al-Kadi. Et de poursuivre : « La keffieh a été considérée comme un emblème de mode à une époque et surtout comme un symbole politique. Ma K29 Keffiyeh 001, c'est la keffieh qui dépasse ce double usage et impose sa responsabilité moderne. Elle évolue avec le temps et devient une réflexion philosophique plus qu'autre chose. » Il rajoute pour conclure : « Une devise de paix, aussi, peut-être. » Désarmant, on vous l'avait dit...

 

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