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Moyen Orient et Monde - Témoignages/Alep

« Nous ne voulons pas endurer le même calvaire que les habitants de Madaya »

Malgré le début du siège et les bombardements, les habitants d'Alep-Est espèrent
un retournement de la situation.

Hier, après des raids aériens sur le quartier de Tariq el-Bab, à Alep. Thaer Mohammad/AFP

Alep va-t-elle subir le même sort que Daraya ou Madaya, villes symboles de la stratégie de siège menée par les forces du régime ? Le 7 juillet, les troupes gouvernementales appuyées par l'aviation russe ont réussi à couper la route de Castello, unique voie de ravitaillement de l'insurrection vers la Turquie, mais aussi unique voie de ravitaillement tout court de la population civile. L'ex-capitale économique du nord du pays, divisée depuis 2012 entre quartiers à l'ouest sous contrôle du régime et quartiers à l'est aux mains des rebelles, est le théâtre d'une lutte acharnée et déterminante dans la guerre qui ravage le pays depuis 2011. Depuis février 2015, les forces loyalistes et leurs alliés russes, libanais et iraniens n'ont en effet qu'un seul objectif en tête : la reconquête de la ville.

Déjà confrontés aux bombardements incessants du régime, c'est désormais la panique et les pénuries qui attendent les 200 000 habitants de l'est de la ville désormais pris au piège. Hier, au moins neuf civils ont péri dans des raids sur le quartier de Tariq el-Bab et trois autres à Salhine, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. « Des bombes à sous-munitions ont été larguées sur les quartiers résidentiels et la veille nous avons été bombardés à cinq reprises par l'aviation du régime », témoigne Ameer Alhalabi*, photoreporter freelance d'Alep, joint via Whatsapp. Deux jours après le début du siège, le 9 juillet, son père a été tué lors de frappes aériennes. C'était un Casque blanc (une ONG qui porte secours aux civils) apprécié de tous, qui avait sauvé la vie de centaines d'hommes, de femmes et d'enfants. « Fuir est désormais impossible », confie le fils. « Celui qui tente d'emprunter la route de Castello est certain d'y laisser sa vie, car elle se trouve à portée de feu du régime et des dizaines de roquettes et de bombes y sont larguées tous les jours », poursuit-il. Avant que son père ne tombe en martyr, Ameer n'a jamais exprimé le souhait de prendre les armes. Aujourd'hui, rien n'a changé, et ce malgré le siège. « Je ne sais pas combattre et j'ai très peur des armes. Ma seule façon d'aider sera par le biais de ma caméra et de mes prières », confie-t-il.

 

(Lire aussi : Alep, la ville aux vitres brisées)

 

Vers une crise humanitaire ?
« Personne ne sait combien de temps ça peut durer », relate, soucieux, un autre habitant d'Alep-Est, qui a regagné la Turquie il y a quelques semaines et qui préfère rester anonyme. « Les gens à qui je parle et qui sont prisonniers dans la ville me disent qu'ils devront compter sur les produits disponibles sur le marché », poursuit-il. Avec le verrou de cette nouvelle zone, la situation humanitaire risque de se détériorer au fil des jours. « Il n'y a déjà plus de mazout à Alep. Plus aucune denrée alimentaire n'est entrée dans la ville et celles qui sont disponibles sont stockées dans des entrepôts, mais leur prix a doublé », explique Ameer. Quant à l'eau extraite de puits et de fosses souterraines, il n'est pas recommandé de la boire, car elle est « salée ».

Certains habitants des quartiers rebelles ont toutefois pris les devants afin d'éviter le pire, avant que le siège ne commence. C'est le cas d'Ameer qui a dépensé 250 dollars en sacs de riz et de farine, qui lui permettront de tenir pendant un mois. « Je n'ai pas pu m'en procurer davantage parce que je n'ai pas beaucoup d'argent en ce moment, et de toute façon il n'y en a pas assez pour tout le monde », confie-t-il, en espérant que la route soit rouverte au plus vite.

Les habitants restés sur place craignent désormais que leur sort soit similaire à celui des autres villes rebelles syriennes assiégées depuis plusieurs années par l'armée du régime. Pour Rami, contacté sur Facebook, les hommes ne s'inquiètent pas pour leur sort, mais pour celui des femmes et des enfants. « Nous ne voulons pas endurer le calvaire que les gens de Madaya ont enduré », relève-t-il. La ville du gouvernorat du Rif de Damas, assiégée depuis juillet 2015, avait été sous le feu des projecteurs après que des images d'enfants décharnés et de personnes mortes de faim eurent été relayées par les médias internationaux. « Contrairement à Daraya, l'armée n'a pas pris le contrôle total de la route principale. La rébellion est forte et je ne pense pas que la situation va rester telle quelle. Nous croyons en nos combattants fidèles pour récupérer la route », estime Ameer, qui précise que la majorité de la population se dit « optimiste ». Pour l'heure, les contre-offensives des rebelles les 9 et 11 juillet ont échoué.

 

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